Le jour d’après

mardi 19 juin 2007.
 

Tel est le monde dans lequel nous vivons : le reflux de la vague bleue peut être analysé comme un vote sanction - déjà - pour la droite. J’ai dit et répété "merci Fabius" pour avoir posé le problème de la TVA sociale parce que c’est à partir de là que le retournement de tendance s’est opéré. On peut résumer cette idée en disant que le social est le "tendon d’Achille" de la droite. Mais c’est surtout aussi la raison d’être de la gauche. Si on avait fait campagne là dessus à l’élection présidentielle on n’en serait pas là aujourd’hui, j’en suis certain.

De Vendredi à samedi soir, je me trouvais à Berlin pour le congrès de fondation du Linkspartei. J’ai donné à ce sujet une tribune à "Politis" cosignée avec François Delapierre et Raquel Garrido qui participaient à ce déplacement. Par respect pour ce journal ami, je vous renvoie à sa lecture (à paraitre jeudi). Mais j’ajoute ici une ou deux observations prises au vol. Par exemple pour situer la personnalité du Linkspartei qu’il ne veut réduire à aucune de ses composantes, Oskar Lafontaine lance à la tribune, en autre référence : "nous sommes les héritiers des allemands victimes des nazis, les héritiers des sociaux démocrates emprisonnés à l’est et des communiste emprisonnés à l’ouest". Dans le contexte d’une Allemagne sortant d’une coupure en deux pendant quarante ans de la façon que l’on sait, il faut se rendre compte de l’audace de la formule.... Au premier rang, tranquille, Hans Modrow, l’avant dernier chancelier de la RDA.... A côté de ça les difficultés des français de l’autre gauche pour s’entendre me paraissent légèrement dérisoires... Dimanche soir j’ai eu la chance d’être invité sur le plateau de France 2. Mais j’y suis arrivé au pire moment. D’un côté entre Eric Besson le traitre à face verte. De l’autre la dépèche sur la séparation du couple princier du PS. Urgence de réagir sur deux fronts.

Dans un premier temps nous tournons la tête pour éviter que Besson ne prenne prétexte d’une phrase de l’un ou de l’autre pour vendre ses salades comme c’est son boulot en qualité de semeur de confusions. Pas de chance, c’est mon nom qu’il choisit pour commencer une phrase : "comme l’a dit jean-luc Mélenchon.." Berk ! Berk ! Berk ! Ensuite l’autre qui nous pourri la soirée avec son histoire de couple. Terrible ! On commence tous par penser que c’est une ruse de journaliste pour tirer la droite d’un mauvais pas et re peopliser une situation qui tournait tragiquement à l’avantage du match droite gauche. On se défausse donc tous en rangs sérrés : "affaire privée, respect etc...". Je me fends même d’un "il n’y a pas de divorce heureux même par c onsentement mutuel". Puis je réalise que je viens de me faire avoir et la moutarde me monte au nez. Car on nous dit : "ce soir Ségolène Royal annonce etc..." Donc ce n’est pas une affaire privée.

C’est une affaire que Ségolène Royal rend publique et ça change tout. Je dis donc ce que je pense. Je le dis poliment, mais j’avoue que je le pense dans des termes plus rudes. Car je suis très faché de m’être senti obligé à l’élégance avec quelqu’un qui n’en a aucune et se contrefiche de celle des autres. Son délire narcissique vise à subsituer à la politique, qui se passe d’elle ce soir là, le retour à la focalisation de l’attention sur elle. Typique du comportement de toute puissance enfantin. Les gosses font ça tout le temps, ils se signalent, ils s’imposent, ils focalisent sur eux par leurs cris, leurs larmes, leurs souffrances réelles ou supposées, la société des adultes qui discutent sérieusement de choses qui les dépassent. Là, sitôt sa souffrance étalée comme de la confiture collante sur la tartine médiatique de la soirée médiatique, nous avons aussitôt l’air d’imbéciles, tous autant que nous sommes, sur tous les plateaux et ce matin dans toute la presse et surtout à la une du "Monde" ce midi, dans le titre et le dessin de Plantu.

Bien sûr, juste après, devant le tollé, suivant un scénario devenu classique arrive le "non, non, ce n’est pas moi qui ai voulu ça, on a fait exprès de mal comprendre, j’avais décidé d’en parler à sept heures du matin et pas le soir à 23 heures" et ainsi de suite sur le mode victimaire bien connu. La semaine dernière c’était le même cirque avec le coup de téléphone à Bayrou et ainsi de suite pendant toute la campagne présidentielle. Questions : que devient la plainte contre les journalistes qui avaient soit disant "violé" sa vie privée en racontant déjà tout les tenants et aboutissants de cette histoire banale de couple ? Et que faut-il penser de cette nouvelle forme de féminisme que l’on qualifierait de goujaterie nauséabonde si un homme la pratiquait à l’égard de sa compagne ? Que faut-il penser de cette façon de proclamer sans cesse vouloir "protéger "ma" famille" et "mes" enfants (l’homme étant là dedans l’accessoire que le pronom possessif exclut sans autre forme de respect) quand on étale sans cesse les avatars de sa vie privée la plus intime ?

De toute façon les vedettes du Ségo-tour médiatique ont ausitôt re-déployé les moulins à prières qui fondent leur importance à proportion de l’espace médiatique que le cirque peut occuper. Attention, je risque le procès. Car pour avoir désigné ces personnes sans les nommer en les traitant de "groupies", Daniel Carton, un ancien journaliste du "Monde" a eu droit à une plainte en justice de la part des personnes concernées. Bref, la pipolisation de la politique est toujours un naufrage pour les personnalités politiques, pour leurs idées comme pour les médias et les journalistes qui s’y abandonnent.

Après ça, je suis allé dans ma ville jubiler en voyant François Lamy et son suppléant Jérome Guedj l’emporter très haut la main face à l’UMP soutenu par le "maire UDF" de Massy qui est également "Nouveau Centre" et d’autres fois "Démocrate" et bien sur "apolitique" dans les éléctions locales. Et je pensais à tous mes amis qui ont mordu la poussière parfois de loin, parfois de si peu après tant d’effort, tant de peine, tant d’espoir. Et quand leurs visages passent devant mes yeux, un se détache à l’instant où je note ces lignes, celui d’Emile Zucharelli, le si courageux maire de Bastia, rescapé d’une tentative d’assassinat à la bombe, héros du non au statut séparatiste de la Corse et du refus de gauche à la Constitution libérale pour l’Europe. Tous se sont ligués contre lui : la droite et les poseurs de bombes. C’est dire ce que vaut ce qui l’a battu.


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