Pourquoi je me mobilise avec les Tamouls de France

samedi 25 avril 2009.
 

Ce samedi, à partir de 14h30, aura lieu au Trocadéro, à Paris, une manifestation de soutien avec la communauté tamoule de France. Le flyer de la manif affiche « Non au génocide des Tamouls au Sri Lanka » mais l’initiative pourrait faire le plein de soutiens au-delà, après les heurts violents qui ont opposé les Tamouls et la police, en début de semaine.

Après le récit des affrontements dans le quartier de la Chapelle qu’un riverain et un informaticien de Rue89 avaient publié, une internaute nous a contactés pour nous proposer son regard sur le conflit, vu de la communauté tamoule en France, qu’elle connaît pour vivre avec un de ses membres. Elle qui ne se dit « pas politisée » participe presque tous les soirs aux rassemblements qui ont lieu depuis plusieurs semaines au Trocadéro, où quatre jeunes Tamouls sont actuellement en grève de la faim.

Cette internaute qui dit bien se mobiliser « avant tout pour des raisons humanitaires » s’étonne du silence des médias, au moins jusqu’aux affrontements avec la police, cette semaine.

Lorsque j’ai rencontré mon futur mari, français d’origine tamoule, j’aurais à peine pu placer le Sri Lanka sur une carte et les ressorts du conflit entre Tamouls et Cinghalais étaient très obscurs pour moi. Quelques années plus tard, me voilà au cœur des rassemblements tamouls. J’y suis une des rares à ne pas être originaire de cette communauté. Voici les raisons qui m’ont poussée à m’engager.

Je suis allée à un premier rassemblement le 4 février, à Ecole Militaire, plus par solidarité avec ma belle famille que par compréhension de ce qui se passait. Le conflit restait pour moi relativement lointain, même si je suivais les événements.

Absence de couverture médiatique

J’étais aussi animée par la tristesse, face aux nouvelles provenant de Tamouls au Sri Lanka, d’ONG et de médias tamouls, toutes très alarmantes : des écoles et des hôpitaux bombardés par l’armée srilankaise, des civils sans protection, visés par des tirs d’artillerie de l’armée, la mise en place de camps pour les déplacés, aux pratiques douteuses… Et aucun journaliste ou observateur étranger pour en parler.

Nous étions plusieurs milliers, rassemblés en silence. Cette ambiance proche du recueillement et les pleurs de certains manifestants ayant perdu des proches m’a profondément émue et m’a poussée à me renseigner sur le conflit et sur ses origines. D’autant plus que l’absence de couverture médiatique, que j’ai découverte les jours suivants, m’a étonnée, voire même mise en colère.

Et se renseigner n’est pas chose facile… Concernant la période actuelle, il est impossible de trouver une information qui soit à 100% vérifiable. Le gouvernement sri-lankais censure la presse, même cinghalaise, et diffuse des informations, relayées ensuite dans les médias occidentaux, alors qu’elles peuvent être inexactes. Les assassinats ou les intimidations de journalistes ne sont pas rares, comme le rapporte le site de Reporters Sans Frontières.

Les journalistes étrangers n’ont pas le droit d’entrer sur le sol sri-lankais, même lorsqu’ils se font passer pour des touristes. Un journaliste anglais a indiqué que les seuls autres pays dans lesquels les journalistes doivent se faire passer pour des touristes pour y entrer sont le Zimbabwe, la Corée du Nord et le Turkménistan.

Je me suis alors renseignée sur les origines du conflit, l’histoire du Sri Lanka et les étapes de la guerre civile. Histoire d’une escalade de la violence face à l’oppression de plus en plus forte d’une minorité, et où chaque camp a eu recours à des moyens condamnables.

Des Tigres ajoutés à la liste des organisations terroristes

Concernant la période plus récente, un nouveau Président, nationaliste, est élu en 2005. Son objectif : anéantir les Tigres Tamouls, et plus globalement toute opposition. Il augmente l’effort de guerre, atteignant des montants inimaginables, et rompt unilatéralement le cessez-le-feu qui avait été mis en place en 2002 sous l’égide de la Norvège. Il parvient à convaincre les Occidentaux de la légitimité de son combat, avec pour résultat l’inscription des Tigres sur la liste des organisations terroristes.

Comme ce sont les seuls à défendre les Tamouls, d’où leur image positive chez de nombreux Tamouls et la présence de leur drapeau aux manifestations, les blacklister a été une réelle aubaine pour couper les liens entre les représentants tamouls et l’Occident.

Le pays est alors devenu moins sûr, les migrations de personnes en danger de mort ont repris. Depuis fin 2008, le Sri Lanka mène une offensive de masse sans respect du droit des conflits et des droits des personnes. Des éléments, notamment fournis par des ONG et des avocats occidentaux, laissent à penser que le peuple tamoul est victime d’un génocide. La situation humanitaire y est catastrophique.

Par la suite, ce n’est plus par solidarité avec ma belle famille que je suis partie manifester, ce combat n’était plus « tamoul » à mes yeux, mais universel, un combat contre la barbarie. Des civils sont la proie de la haine, et même si leurs défenseurs ne sont pas des saints, il faut que cette guerre cesse et que l’on se batte pour que soient respectés le droit des conflits et les Droits de l’Homme.

Désormais, je suis aux côtés de mes amis français nés pour certains sur cette île lointaine, dont le gouvernement n’a rien de paradisiaque. Et je suis comme eux choquée du silence des médias, qui ne s’est rompu que lundi, à la suite de dégradations commises par quelques Tamouls en colère.

Croire que la reddition des Tigres sonnera la fin de la question tamoule, comme le prétend le gouvernement cinghalais, est une grossière erreur. Qui nous assure que les Tamouls pourront y être libres et y vivre dans la dignité ?

Pour cette raison et pour toutes les autres, je serai à Trocadéro ce samedi 25 avril à 14 heures, pour une marche jusqu’à Invalides.

Par Jeanne Raja


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