Le décloisonnement du politique, du syndical et des mouvements est notre objectif

mercredi 13 février 2019.
 

Le retour dans la rue du cabinet « Occurrence », officine macroniste de comptage des manifestations sonnait comme un repère. La bataille des chiffres reprendrait comme au bon vieux temps de Valls et de Hollande. La préfecture de police de Paris s’étant discréditée le samedi précédent avec son comptage aussi inhabituel qu’aberrant des pro-gouvernementaux « foulards rouges », le pouvoir avait besoin d’autres marionnettes. Prudents, bien des organes de presse ont refusé de jouer le jeu et se sont contentés de donner les divers chiffres disponibles depuis diverses sources.

La CGT dit de la journée qu’elle est une réussite. Et, de fait, les témoignages sont nombreux qui montrent une activité populaire et syndicale de forme aiguë un peu partout dans le pays. Mais pas au point qu’on puisse parler d’une grève générale effective dans tout le pays. Pour autant, le but pédagogique est atteint. Une convergence de luttes a eu lieu et la glace a bien fondu entre les gilets jaunes et le syndicalisme qui entre en action. On aurait aimé plus et plus fort mais à chaque jour suffit sa peine. La pente prise n’est pas à « l’apaisement » et encore moins à la dilution dans « le grand débat ».

Ce dernier est entré dans une nouvelle phase avec les délires du président devant les éditorialistes et ses heures de prise de parole à côté de la plaque sur l’Outre-mer comme sur les banlieues. Ce qu’il dit sonne faux. Il montre souvent qu’il « sait », mais sans rien comprendre de la sensibilité particulière de ses interlocuteurs. Devant les élus d’Outre-mer à fleur de peau et les acteurs de la banlieue à vif, sa désinvolture et ses à peu près, même inévitables, blessent. Et cette affreuse manie de familiarité : « les enfants » par-ci par-là, les fausses complicités, les clins d’œil. Sans oublier l’organisation très balisée du déroulement de ces rencontres. C’est cela qui reste. Et avec cela l’hyper usure de la parole présidentielle que ces meetings sans fin raisonnable engendrent.

Au total, le tableau semble figé dans un rapport de force qui parait ne pas bouger. C’est ailleurs et autrement que se configurent les choses. Dans les allées du pouvoir. L’épisode de la perquisition de Médiapart en dit tellement sur les guerres au sommet de hiérarchies du pouvoir ! La prise de parole vulgaire de la Garde des Sceaux interpellée sur le sujet par Ugo Bernalicis au nom des insoumis s’acheva par un lamentable « on n’est pas au Venezuela ici ». La dignité de la fonction, après tant de mensonges (je ne sais rien, la justice est indépendante blablabla), là aussi s’use à grande vitesse.

Une heure plus tard, cinquante députés macronistes s’abstenaient sur la loi liberticide voulue par Castaner. Une faille très productive pour nous. Car ceux-là n’ont pas voté « pour » donc ils ont affaibli leur camp. Mais ils n’ont pas voté « contre », si bien qu’ils n’ajoutent pas un mètre de terrain électoral à leur famille politique. C’est le syndrome bien connu des frondeurs : trop et pas assez à la fois. Le total donne un sommet du pouvoir qui peut de moins en moins donner de l’énergie politique à ce qu’il fait, use ses atouts tout en radicalisant contre lui des secteurs croissants de la société depuis « Jojo le gilet jaune » jusqu’aux peaux sensibles de sa majorité.

Mais la question qui se pose est de savoir de quelle façon cet enracinement du rejet de Macron va cristalliser. Il est vrai que tout avance lentement dans ce qui se voit. Mais tout de même. Dans notre esprit, la stratégie de construction d’un nouveau Front populaire passe par la formation dans les luttes et les revendications d’un « front du peuple ». Dit autrement : une alternative politique ne peut venir que de l’émergence d’une volonté populaire forte ancrée dans ses propres attentes et mobilisations. C’est ce que le mouvement des gilets jaunes produit à grande échelle.

Au plan politique, nous sommes au travail sur cette orientation, avec des hauts et des bas, depuis juillet 2017 et la bataille contre la réforme du code du travail. Le décloisonnement du politique, du syndical et des mouvements est notre objectif. Il avance dans des conditions qui lui sont aussi particulieres que la vie le devient toujours quand elle surgit de sa propre initiative. Mais il avance. À présent nous avons besoin d’une initiative d’ensemble en même temps dans tout le pays qui marque les esprits et force le destin. Il faut y penser rapidement.


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