« Gilets jaunes » à Bordeaux : questions sur les circonstances de la blessure d’un manifestant placé en coma artificiel

samedi 19 janvier 2019.
 

L’usage de lanceurs de balles de défense par les forces de l’ordre est soupçonné d’être à l’origine de la blessure à la tête d’un homme de 47 ans. L’Inspection générale de la police nationale a été saisie.

Dans quelles conditions un manifestant a-t-il été blessé grièvement à la tête, samedi 12 janvier, lors de la manifestation des « gilets jaunes » à Bordeaux ? Souffrant d’une hémorragie cérébrale, Olivier, pompier volontaire de 47 ans, a été placé en coma artificiel, mais les médecins sont « rassurants pour la suite », a précisé sa femme à Sud-Ouest. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie, lundi 14 janvier.

Le défilé se déroulait dans le calme, samedi, empruntant les principales artères du centre-ville pendant plus de deux heures. Les manifestants, venus en masse pour ce neuvième week-end de mobilisation, ont pris possession de la rue Sainte-Catherine, une artère très commerçante et habituellement très fréquentée.

Mais les badauds venus profiter des soldes ont rapidement laissé la place aux « gilets jaunes ». Plusieurs axes du quartier sont alors barrés par les forces de l’ordre qui ont quadrillé la zone, pour canaliser la foule.

Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux

Arrivé à hauteur du Grand Théâtre, le cortège s’arrête soudain, avant d’être enveloppé d’un épais nuage de gaz lacrymogènes. La foule, inquiète, a peur d’être prise en étau. Certains hésitent à prendre une rue adjacente, pour fuir les fumées étouffantes.

Finalement, la marche reprend. Mais juste avant la place du Grand-Théâtre, dans une rue perpendiculaire à Sainte-Catherine, le cortège découvre un homme blessé, entouré par une des équipes médicales appelées « street medic » – composées de bénévoles qui ne se revendiquent pas « gilets jaunes », elles sont dispersées dans la foule, prêtes à intervenir en cas de nécessité.

Arrivée rapidement sur place, l’équipe médicale vient en aide à un homme gravement blessé à la tête, entouré d’une mare de sang. La scène est impressionnante. Très vite, la rumeur enfle, des témoins indiquent qu’il s’agit d’un tir de lanceur de balles de défense (LBD), sans que l’information n’ait pour l’heure été confirmée. La confusion règne quant à la violence de la scène.

Ugo Amez, photographe pour Le Monde, était derrière les forces de l’ordre sur la place de la Comédie. Il raconte que des projectiles ont été lancés sur les CRS postés sur la place. Pour disperser les premiers manifestants arrivés, ces derniers lancent des gaz lacrymogènes. Puis, un groupe de forces de l’ordre part précipitamment en direction du cortège : « J’ai vu un groupe d’hommes casqués, brassard de police, se diriger vers la ruelle, LBD en main. C’était juste avant que la suite du cortège de manifestants arrive. Tout est allé très vite, ils ont tiré. » C’est ce que confirment les vidéos qui circulent depuis samedi sur les réseaux sociaux.

Pompiers acclamés par la foule

Selon la préfecture de la Gironde et des sources policières, l’intervention des forces de l’ordre dans ce secteur faisait suite à une tentative de dégradation d’un Apple Store attenant, qui avait déjà fait l’objet de pillage le 8 décembre 2018, lors de l’acte IV des « gilets jaunes ». Cependant, les reporters du Monde n’ont pas pu constater de dommages sur cette boutique, qui avait cette fois fermé ses portes avant l’arrivée des manifestants.

Rapidement parvenus sur place, les pompiers ont été acclamés par la foule qui s’est ouverte devant eux. Evacué sur une chaise roulante, le blessé, originaire de Bazas, au sud de la Gironde, a été transporté à l’hôpital Pellegrin.

Depuis l’incident, de nombreuses vidéos et des commentaires circulent sur les réseaux sociaux et dans les médias. Des questions se posent quant aux circonstances de l’usage de lanceur de balles de défense en direction du manifestant.

Le préfet de la Gironde Didier Lallement a donc finalement saisi l’IGPN. Dans un communiqué, le parquet a également précisé qu’après « la diffusion sur Internet et certains réseaux sociaux » d’une vidéo montrant ce manifestant blessé, « le procureur de la République a décidé de se saisir de ces faits et d’ouvrir une enquête pénale confiée à l’IGPN, afin d’en déterminer les circonstances ».

Claire Mayer


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