La campagne continue

vendredi 15 juin 2007.
 

JEUDI SOIR - A i-télé mon émission fétiche, "n’ayons pas peur des mots" se passe mal pour moi. Je ne sais pas dire pourquoi je me sens littéralement agréssé par les ricanements de mes contradicteurs. Il m’a été à peine possible de développer un raisonnement sur la TVA "sociale". Peut-être une fausse impression. Peut-être que je suis juste à cran et les gars de droite juste un peu plus arrogants que la moyenne d’avant les élections. En rentrant je reçois les premières vagues de messages concernant mon interview à "L’Humanité". La dépêche AFP est tombée tard mais c’est une synthèse très pointue du texte de l’interview. Par conséquent la diffusion de l’info se fait correctement en tenant compte à la fois de la rudesse du propos et des nuances qui s’y trouvent. Je choisis de rester muet. On verra tout a l’heure. Je ferai une note. mais d’abord je veux raconter ma campagne sur le terrain.

MERCREDI MATIN - Journée rudement serrée. Le matin je suis sur le marché de Stains en Seine Saint Denis pour participer à la campagne de Marie George Buffet.

Une bonne vingtaine de socialistes participent à l’action dont la suppléante de notre candidate socialiste du premier tour, Najia Amzal, et plusieurs dirigeants de la section locale du PS qui ont pu se libérer. Aux côtés de Marie George Buffet nous faisons quelques mètres dans l’allée du marché en distribuant des tracts. Pas davantage car le nombre des caméras et des micros rend très problématique le moindre mouvement. Surprise : à l’exception de LCI, et FR3 ce soir toutes ces images ne passeront guère. Mais peut-être que les amis qui regardent la télé et me renseignent n’ont pas tout vu. Sur les ondes, Europe 1 a fait un sujet. Les autres ? Pourtant le moindre bruissement à propos du Modem est immédiatement multidiffusé.. Précisément le symbole ici disait un autre message : c’est à gauche qu’est la réserve de voix ! C’est sur la gauche qu’il y a un devoir de solidarité par priorité.

Soyons simples et clairs : il n’y a pas un député socialiste élu sans le soutien des communistes. Pas un. Et, de même, pas un communiste, ou à plus forte raison un vert, n’est éligible sans les socialistes. Tout ce qui introduit du désordre ou de la confusion dans cette alchimie là est donc non seulement inacceptable politiquement mais tout a fait contre performant électoralement. Les coups de téléphone de Ségolène Royal annoncés à grand sons de trompe, confirmés, démentis et confirmés de nouveau, puis sa prise de distance, somme toute assez hypocrite, sur le thème « la polémique c’est la faute des éléphants et je n’y participe pas », sont autant de mauvaises manières nuisibles aux succès qui restent à notre portée. Si Laurent Fabius n’avait pas réussi à fixer le débat public sur la question de la TVA « sociale », nous aurions passé la semaine sur ces sottises politiciennes incompréhensibles et démoralisantes.

MERCREDI SOIR - Le soir j’étais à Gisors, pour un meeting aux côtés de Catherine Picard candidate de la gauche au deuxième tour dans cette circonscription de l’Eure. Elle affronte un rustre signataire d’une pétition pour le rétablissement de la peine de mort et diverses autres horreurs de cette sorte. Catherine et moi sommes amis de longue main. Elle était député de l’Eure sous le gouvernement Jospin et son nom avait couru comme possible secrétaire d’Etat à cette époque compte tenu de son implication dans l’éducation populaire. Aujourd’hui elle est très fortement engagée dans la lutte contre les sectes. Et celles-ci le lui rendent bien......

Tout le deuxième tour se joue sur la capacité à ramener des abstentionnistes jusqu’aux urnes. Chacun commente ici les dégâts des « bagarres parisiennes » et l’impact de l’inversion du calendrier sur la perception de la place des législatives pour les gens simples qui ont du mal à suivre le fonctionnement des institutions républicaines. Nous payons plein pot nos carences en éducation populaire. Nous soldons nos campagnes électorales ineptes menées sur le registre d’une personnalisation systématique des enjeux et de sloganisation de la pensée. A la tribune le maire communiste de Gisors, Marcel Larmanou a fait une magnifique introduction en situant l’enjeu du deuxième tour par rapport à la longue lutte de la gauche et à sa propre adhésion à l’idéal communiste. Après la réunion on boit le coup en faisant des photos pour les camarades qui préparent les prochaines municipales. Des jeunes femmes de la cité du coin m’expliquent leur campagne. On est loin des combines. Là, voix par voix, il faut arracher la motivation par des arguments pédagogiques et francs. Puis on monte dans la voiture.

Retour de nuit. L’ami qui conduit est mon complice politique depuis pas mal d’années. Dans le secret du véhicule sur la route on laisse aller notre désarroi devant la catastrophe que sont ces élections présidentielles et législatives pour la gauche. On parle de la relève générationnelle qui doit s’organiser. Il me décrit l’état des forces militantes dans le secteur, l’âge moyen, les mentalités, la place des syndicats dans la vie du petit pays. Au fil des mots, je réalise que d’années en années, de voiture en voiture, d’heure en heure passées à arpenter les rues et les campagnes, je finis par connaître notre pays vu du ras du sol et le Parti Socialiste de la cave au grenier. Les visages qui se dessinent dans mon esprit me font penser que le premier média d’un parti ce sont les personnes qui le composent et qu’elles sont sa seule réalité durable. A la fin du meeting Marcel Larmanou m’a dit "je n’aurais pas eu un mot à changer de ce que tu as dit. Mais ton discours n’est pas majoritaire au parti socialiste". Il souriait malicieux. Je lui ai dit : "maintenant je rentre chez moi avant qu’il fasse nuit noire". Le ciel était rose et la route comme un pastel qui s’éffiloche dans le gris sombre.

UN COUP DE TELEPHONE MANQUANT

Zut ! je devais aussi passer un coup de fil à mon député et je ne l’ai pas fait. Il s’agit de François Lamy et il faisait un meeting hier dans la circonscription où je vis. Moi j’étais dans l’Eure comme vous le savez maintenant. Il a l’habitude de se passer de moi pour les meetings car chaque fois c’est la même histoire : je suis ailleurs, je cours le pays. En fait, il n’a pas trop besoin de ma présence, il faut bien le dire. Les conseillers généraux socialistes de ma ville, Jérome Guedj et Marie Pierre Oprandi tiennent le haut du pavé là d’où ils mobilisent les plus gros scores de la circonscription. De toute façon la campagne de François Lamy est superbe. Le deuxième tour est réglé comme une horloge. Ca ne garantit rien mais ça permet d’optimiser les résultats de l’action.

Les militants socialistes de ma commune, Massy, et les communistes marchent la main dans la main depuis des années. Là on fait un porte à porte géant ensemble chaque soir pour convaincre les abstentionnistes. La motivation est forte chez tous les copains car le député a une côte personnelle forte. En effet, François Lamy est un élu de haut niveau et maire de sa commune, Palaiseau, qu’il a pris a la droite. Mais il est resté très militant comme c’est la tradition en Essonne et spécialement dans cette circonscription. Rien à voir avec certains notables bouffis d’orgueil et de flemme que j’ai repéré ici où là et qui sont « sur leurs terres » comme les abbés d’anciens régimes qui venaient seulement vers leurs gens le jour de la dîme.

En Essonne les trois députés socialistes viennent du rang et ont une longue tradition d’implication militante. Julien Dray et Manuel Valls sont de ce bois là comme François Lamy. J’étais à la tribune avec Dray mardi soir à Morsang. J’ai été frappé par l’ambiance bon enfant et finalement très exigeante qui régnait dans la salle, d’un intervenant à l’autre. Les communistes s’étaient bien mobilisés. Ils avaient l’humour décapant. Ca n’a pas manqué d’amuser Dray aussi et j’en ai déduit que c’était le style dans ce coin d’Essonne. J’ai trouvé Julien Dray très préoccupé par l’état de la gauche et très en recherche sur l’avenir. Bref, je ne l’ai pas trouvé Ségo-béat comme les mauvaises langues me le peignaient. Du coup le courant est bien passé avec les élus communistes qui étaient là et avec mes camarades de PRS qui écoutaient tout ce qui se disait sans en perdre une miette. Dans la gauche militante qui participe aux meetings, les gens sont attentifs aux arguments de fond. Les esprits superficiels couinent qu’un meeting ne réunit que les convaincus. Et alors ? Ceux là sont justement les relais d’opinion qui ont besoin d’arguments et de perspectives. On ne peut pas les mépriser puis les solliciter sur le terrain sans leur fournir des munitions d’arguments crédibles. Ni sans être crédible soi-même !


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