Gilets jaunes ou police : au Rassemblement national, l’opportunisme d’abord

jeudi 17 janvier 2019.
 

Le parti lepéniste, très attaché à l’ordre, tente de soutenir à la fois les forces de l’ordre et les manifestants, deux réservoirs de voix importants à la veille des européennes. Une tactique qui paye dans les sondages.

Il « condamne » les violences, mais… le Rassemblement national (RN) considère que« le seul responsable de la situation, c’est le gouvernement ». Marine Le Pen l’a redit, mercredi, au micro de Radio classique : s’il y a eu des exactions lors des manifestations des gilets jaunes, plusieurs samedis de suite, le « coupable » en est l’exécutif : « C’est lui qui est en réalité l’auteur du désordre. »

Les scènes de chaos lors des dernières manifestations, l’ancien boxeur Christophe Dettinger frappant un gendarme mobile, des manifestants s’introduisant de force dans le ministère de Benjamin Griveaux ? Pour la dirigeante du Rassemblement national, qui lance dimanche à Paris la campagne du parti d’extrême droite pour les européennes, il s’agit d’un « piège qui a été lancé par le gouvernement ». La députée du Pas-de-Calais, qui « condamne » quand même « les exactions comme [le font] la majorité des gilets jaunes », estime qu’Emmanuel Macron aurait commis « un certain nombre de provocations, qui ont servi à hystériser le débat ».

L’avis a de quoi surprendre, dans un parti historiquement attaché à l’« ordre » et dont les militants sont d’habitude plus enclins à supporter les policiers que les anarchistes. « C’est une stratégie pour récupérer les voix des gens qui considèrent qu’il y a une sorte de volonté du gouvernement d’envenimer les choses, en refusant toute forme de dialogue qui permettrait de résoudre la situation », explique le politologue Jean-Yves Camus.

Dos à dos

Le Pen dit en effet que « comme [le Président] ne veut pas être en première ligne, il met les policiers en première ligne. Et le piège est terrible : il consiste à jeter les policiers contre les gilets jaunes, à jeter de l’huile sur le feu ». Puis elle ajoute : « Le problème, c’est que ce sont des Français d’un côté comme de l’autre, qui partagent les mêmes espoirs et les mêmes inquiétudes. » Les flics seraient-ils des gilets jaunes qui s’ignorent ? Pas vraiment. La présidente du RN s’adresse ici à « ceux qui considèrent que les policiers devraient déposer les armes ».

Marine Le Pen ne veut surtout pas mettre forces de l’ordre et gilets jaunes dos à dos : elle sait trop bien la manne électorale potentielle que les deux représentent pour le parti qu’elle dirige. En 2016, 56,2 % des policiers et militaires indiquaient avoir prévu de voter Le Pen au premier tour de la présidentielle 2017. Cette année-là, le Front national (devenu depuis Rassemblement national) avait été le premier à soutenir leur mouvement de protestation. Comme il l’a été quelques mois plus tard pour les gilets jaunes, sans toutefois appeler à manifester, pour « ne pas trop en faire », explique un proche de la dirigeante frontiste : « Dans d’autres partis, certains pensent qu’il faut mettre des gilets jaunes pour se les mettre dans la poche, mais ils sont indifférents à ça. »

Sondages

Que faire alors ? Raconter que « le pouvoir veut que police et citoyens se tapent dessus, pour incarner l’ordre. En réalité il incarne le désordre »,que « les manifestants ne font que répondre à la répression. Ce n’est pas la police qui réprime, ce sont les donneurs d’ordre ». Une tactique qui semble payer : depuis le début du mouvement, pourtant protéiforme, le RN est le seul à monter dans les sondages. Il est désormais considéré comme le parti qui incarne le mieux l’opposition, devant La France insoumise. Pour la première fois depuis le début du quinquennat.

Tristan Berteloot


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