Deux ans après le tsunami ( L’Humanité, Libération, Le Monde)

dimanche 15 janvier 2006.
 

1) L’Humanité 4 janvier 2007

Tsunami : la moitié des aides dans les caisses

ONG. Dans son rapport sur les fonds collectés en France après le raz-de-marée, la Cour des comptes propose de réaffecter l’argent non utilisé à d’autres crises.

L’heure des comptes a sonné. Deux ans après le tsunami qui a fait plus de 240 000 morts en Asie du Sud-Est et suscité une générosité sans précédent à travers le monde, la Cour des comptes a publié hier un très attendu rapport sur « l’aide française aux victimes du tsunami du 26 décembre 2004 ». Un travail colossal qui a mobilisé pendant plusieurs mois pas moins de 24 magistrats qui ont mené une vingtaine de missions en Indonésie, au Sri Lanka et en Thaïlande. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a estimé lors de la présentation des documents à la presse que cette juridiction avait mené « un programme sans précédent de contrôles ».

350 millions d’euros récoltés

Les Français ont versé aux différentes ONG françaises près de 350 millions d’euros. L’étude des magistrats porte sur 90 % de ces dons, soit très précisément 323 millions d’euros, répartis entre 32 associations. Si l’on met de côté le cas de l’UNICEF France qui a reversé la totalité de l’argent reçu (57 millions d’euros) au siège de New York, il ressort de cette enquête qu’à la date du 31 décembre 2005, les deux tiers des dons n’avaient pas encore été dépensés : 66,5 %. En queue de peloton se trouvent notamment la Croix-Rouge française (85 % des fonds non utilisés) et le Secours catholique (80 %). Ces deux associations avaient totalisé à elles deux près de la moitié des dons. Pour leur défense, les ONG indiquent avoir dépensé une grande partie des sommes en 2006, une année pas prise en compte par la Cour. Elles indiquent aussi avoir étalé leurs financements sur plusieurs années pour monter des projets de développement de plus long terme.

Pourtant, la Cour des comptes estime que même en prenant en compte le premier semestre 2006, l’aide dépensée n’excéderait pas les 50 %. Un taux qualifié de « faible » par Philippe Séguin, premier président de l’institution. Selon ce dernier, « le problème est qu’un tel excédent de ressources et un tel étalement dans le temps des projets ne sont pas sans risque ». « Avec le temps, le lien entre les actions entreprises et la catastrophe s’estompe et il devient difficile de distinguer aide aux victimes et aide plus générale au développement dans des régions déjà fortement démunies », précise-t-il. Par ailleurs, Philippe Séguin a estimé que des ONG spécialisées dans l’urgence s’étaient aventurées dans des missions de développement, c’est-à-dire dans « des métiers qui n’étaient pas les leurs ».

Satisfecit pour quinze associations

Au final, toutefois, aucune association n’est réellement épinglée. « Les dépenses des ONG contrôlées sont apparues globalement conformes aux objectifs poursuivis par les appels à la générosité publique », indique le rapport. Sur les 32 associations, 15 ont reçu un satisfecit, 9 des recommandations. Les 8 dernières ont fait l’objet de véritables réserves comme Médecins du monde. Dans ses conclusions, la Cour des comptes indique que la réaffectation des dons à d’autres crises est à encourager. Mais à condition d’informer les donateurs. L’institution effectuera une deuxième série de vérifications en 2009.

ROUSTEL Damien

1) LIBERATION.FR : mardi 26 décembre 2006

Le 26 décembre 2004, le tsunami a ravagé le pourtour de l’océan Indien emportant 230.000 vies. Deux ans après, plusieurs milliers de personnes on allumé des bougies et se sont recueillies en silence, mardi en Indonésie, sur des fosses communes.

Dans la province indonésienne d’Aceh, la plus durement touchée avec environ 168.000 morts et disparus, les habitants commémoraient le drame au moment où la région martyre subit des inondations ayant fait plusieurs dizaines de morts et des milliers de sinistrés (lire l’article). Le tsunami de 2004, déclenché par un séisme de magnitude 9,3, avait ravagé 800 kilomètres de rivage dans l’archipel, laissant 600.000 sinistrés sans logis. Cinquante à soixante-dix mille Indonésiens demeurent entassés dans des baraquements préfabriqués, de plus en plus insalubres.

Sur l’île de Bali, épargnée par la vague meurtrière, une dizaine de milliers d’habitants ont participé à un exercice d’alerte aux tsunamis. Les pays de l’océan Indien avancent depuis deux ans en ordre dispersé pour se doter d’un système de prévention. Ce chantier emblématique est inachevé, avec des retards notamment en Indonésie où un second tsunami a fait 600 morts en juillet 2006.

En Thaïlande, qui déplore officiellement 5.400 morts, pour moitié des touristes étrangers, deux cérémonies religieuses se sont déroulées dans la matinée sur la célèbre plage de Patong à Phuket, où une minute de silence a été observée en présence d’un millier de touristes et d’habitants, ainsi que dans le village de pêcheurs de Ban Nam Khem, devenu symbole du pire cataclysme depuis une centaine d’années.

Sur les archipels indiens des Andaman et Nicobar, plusieurs milliers de personnes se sont recueillies dans les églises et ont observé plusieurs minutes de silence. « Depuis ce matin, nous prions et nous allumons des cierges pour honorer la mémoire de nos chers disparus », a indiqué un membre de Conseil tribal de Nicobar. Les archipels, situés au large des côtes sud-est de l’Inde et composés de plus de 500 îles, avaient déploré environ 3.500 morts ou disparus après le tsunami qui a fait plus de 16.000 morts en Inde.

Au Sri Lanka, la catastrophe a fait 31.000 morts et un million de sans-abris. Les autorités ont décrété une « journée de la sécurité nationale » pour sensibiliser la population à la gestion des catastrophes naturelles. Le président Mahinda Rajapakse, qui avait admis l’an passé l’insuffisance des efforts pour les rescapés, a souhaité que le pays se concentre sur « l’accélération du travail de reconstruction ».

Si la reconstruction été relativement rapide en Thaïlande, la corruption et la guerre entre l’armée srilankaise et la rébellion tamoule bloquent toujours les milliards de dollars d’aide étrangère promis aux victimes. Colombo a reconnu que seulement la moitié des 100.000 habitations détruites ou endommagées ont été reconstruites.


2) Article paru dans le Monde, édition du 26.12.06 (par Francis Deron)

La reconstruction de l’après-tsunami est bien engagée en Indonésie mais piétine au Sri Lanka

Le bilan des efforts internationaux pour remédier à la misère provoquée sur les rives de l’océan Indien par le tsunami du 26 décembre 2004 - résultat d’un tremblement de terre sous-marin au large de Sumatra (Indonésie) - apparaît, deux ans après, contrasté. La reconstruction avance dans la zone la plus touchée, la province indonésienne d’Atjeh (près de 200 000 morts et disparus), à l’époque la moins ouverte politiquement et en proie à un conflit vieux de trente ans. Elle est presque au point mort au Sri Lanka (35 000 morts), où les affrontements entre l’armée gouvernementale et les insurgés indépendantistes tamouls menacent de reprendre à grande échelle. Sri Lanka et Atjeh connaissent deux situations diamétralement opposées : moins de morts sri-lankais mais un million de sans-abri ; chez les Atjehnais, les survivants étaient moins nombreux que les disparus.

En Thaïlande (au moins 5 000 morts, dont une moitié d’étrangers, surtout dans l’île de Phuket), le tourisme a repris ses droits. Les autorités ne s’intéressent guère à la restructuration sociale d’une population qui a perdu moyens d’existence et références communautaires.

Un peu partout, la corruption se trouve dans le collimateur des organisations non gouvernementales et la fragilité des institutions a ralenti les opérations. Deux ans après la catastrophe, des dizaines de milliers de personnes vivent toujours dans des abris de fortune.

La meilleure nouvelle de l’après-tsunami vient d’Atjeh, qui a subi 80 % des pertes en vies humaines enregistrées lors de la catastrophe. Le règlement politique de l’interminable conflit, sous les auspices de l’Union européenne, a accouché d’une élection sous supervision internationale dont personne n’a contesté le résultat, pourtant perturbant pour Djakarta : c’est l’un des chefs de l’ex-insurrection indépendantiste, Irwandi Yusuf, qui doit être nommé gouverneur après validation officielle du scrutin, début janvier.

Plus d’un tiers des 128 000 habitations nécessaires à Atjeh ont été construites, selon le chef de l’agence gouvernementale chargée de coordonner les opérations de réhabilitation, Kuntoro Mangkusubroto. Le processus n’a pas été exempt de « bavures » financières. Plusieurs millions de dollars se sont évaporés dans la manœuvre.

En outre, à Atjeh, la Banque mondiale se plaint du manque de vision du gouvernement indonésien. « Il n’y a toujours pas de stratégie claire à long terme pour redresser Atjeh », a reconnu en public son représentant à Djakarta, Andrew Steer, à la mi-décembre.

Au Sri Lanka, c’est plus grave. Si la moitié des 100 000 habitations détruites ont été reconstruites, on est sans nouvelle, depuis septembre 2005, de la plus grosse partie (près de 90 %) des 1,1 milliard de dollars d’aide engagés par la communauté internationale (qui en avait promis 3,2 milliards, contre 8,9 milliards pour l’Indonésie).

Corruption et regain de combats entre les forces gouvernementales et rebelles du mouvement des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) se sont ligués pour « mettre en péril », selon les termes des représentants de l’ONU, l’assistance internationale à la reconstruction. Outre des « fuites » locales, des accusations commencent à être lancées par l’ONG Transparency International, très présente sur tous les théâtres touchés par le tsunami, contre des agents étrangers qui auraient profité de l’argent de la solidarité internationale.

Par comparaison, la Thaïlande, bien moins affectée, semble avoir rangé le tsunami au chapitre des souvenirs douloureux. Des cérémonies peu suivies ont été organisées à Phuket à la mémoire des victimes tandis que les derniers corps non identifiés ont été symboliquement inhumés début décembre.

La leçon qui avait été tirée dès les premières heures d’après le tsunami, à savoir la nécessité d’un système d’alerte à l’image de celui qui existe dans l’océan Pacifique, à Hawaï, n’a toujours pas été comprise sur les rives de l’océan Indien. Les gouvernements ne se sont pas mis d’accord sur le lieu d’installation d’un centre de surveillance entre la Thaïlande, la Malaisie, l’Australie, l’Inde... « Rien n’avance », dit-on à la Commission océanographique internationale.

« Comme sur ces rivages ravagés où les promoteurs immobiliers reprennent la terre pour des projets à bas coût, on dirait que tout le monde mise sur le fait que le prochain tsunami pourrait ne se produire que d’ici un siècle », résume un financier à Bangkok. Dans un siècle ou... en 2007.

CHIFFRES

INDONÉSIE : 170 000 morts et disparus, selon le bilan officiel de l’ONU, auxquels s’ajoutent les victimes du tremblement de terre de Nias en mars 2005.

SRI LANKA : 35 000 morts.

INDE : 18 000 morts et disparus.

THAÏLANDE : 8 200 morts.

SOMALIE : 289 morts et disparus.

BIRMANIE : 61 morts (non vérifié).

MALDIVES : 108 morts et disparus.

MALAISIE : 75 morts et disparus.

TANZANIE : 13 morts.

BANGLADESH : 2 morts.

SEYCHELLES : 2 morts.

KENYA : 1 MORT.

DERON Francis, K. S.


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