Ségolène Royal : le parcours d’une semeuse d’illusions raconté par elle-même

samedi 5 janvier 2019.
 

Paru en octobre, le livre bilan de la carrière politique de Ségolène Royal a été écrit pour tenter de sortir l’auteure de l’impasse politique dans laquelle se sont retrouvés les dirigeants du parti socialiste au terme du quinquennat de François Hollande. Mais cet ouvrage est surtout une tentative d’embellissement du parcours personnel de l’auteure en survalorisant le travail d’une personnalité dont le premier souci fut toujours de soigner son image. Pourtant, à y regarder de près, ses idées manquent toujours de fond pour être en phase avec les grands enjeux du XXIème siècle.

C’était une des annonces les plus médiatisées du début de l’automne. Ségolène Royal allait sortir un livre au titre révélateur : « Ce que je peux enfin vous dire » (1). Histoire d’allécher le lecteur deux ans après « Un président ne devrait pas dire çà » consacré à François Hollande par les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Une première conclusion s’impose à la lecture du livre de Ségolène Royal : on n’est jamais si bien servi que par soi même. Cet ouvrage consacre 290 pages à survaloriser le parcours de celle qui l’a écrit et apparaît ainsi comme un moyen de relancer de sa carrière politique après 18 mois de présidence d’Emmanuel Macron à l’Elysée.

Quand Royal imite Rocard après l’avoir moqué

De la page 75 à la page 78, Ségolène Royal raconte comment, devenue la candidate des socialistes pour l’élection présidentielle de 2017, elle reçu la visite impromptue de Michel Rocard, quelques jours avant le dépôt officiel des candidatures. Celui qui fut amené à s’effacer à deux reprises devant François Mitterrand et deux autres fois devant Lionel Jospin, lui demandait de lui laisser la place, lui faisant valoir que les sondages la donnaient battue face à Nicolas Sarkozy. « Tu n’y arriveras pas. Je suis le meilleur candidat. Il faut que tu te désistes en ma faveur », lui aurait dit Rocard ce jour là.

L’anecdote est plausible. Mais, deux mois après l’avoir publiée , Ségolène Royal a cru devoir jouer la même partition pour tenter de relancer sa carrière politique en lançant à Yannick Jadot , tête de liste d’Europe Ecologie Les Verts pour les Européennes de 2019, un appel en ces termes 19 décembre dernier : « Face à l’urgence climatique à laquelle j’ajoute les urgences sociale et démocratique, les conflits d’égo n’ont pas se sens . Et je n’ai aucune réticence à me mettre après quelqu’un d’autre », écrivait-elle dans un tweet dans le but d’être cooptée en seconde position sur la liste d’EELV.

Les dessous du quinquennat de François Hollande

Pas plus visionnaire que Ségolène Royal dès qu’il s’agit des meilleures décisions à prendre pour freiner le réchauffement climatique, Yannick Jadot a justifié son refus en ces termes dans le Parisien du 21 décembre : « La réponse ne peut pas être de faire de l’écologie une simple potion électorale pour requinquer la gauche. Je ne suis pas le conseiller matrimonial du PS pour réconcilier ses courants, Olivier Faure avec Benoît Hamon, Ségolène Royal avec François Hollande (…) Ségolène Royal a un flair politique extraordinaire. Mais l’écologie n’est pas une mode (…) On ne m’achète pas en me faisant miroiter une aventure personnelle ». Avec des ambitions bien plus modestes que celles de Michel Rocard en 2007, Ségolène Royal a échoué comme lui en 2018 deux mois après avoir sorti un livre pour tenter de se relancer.

Car c’est l’unique but cet ouvrage consacré à embellir le parcours politique de celle qui l’a rédigé ainsi qu’à régler quelques comptes avec les hommes de sa famille politique qui l’on souvent humiliée. Il fourmille d’anecdotes sur les dessous peu reluisants du quinquennat de François Hollande, lequel la tint à l’écart de toute entrée au gouvernement jusqu’en 2014 pour ne pas accroître la jalousie d’une autre personne qui partageait sa vie privée à l’Elysée. On apprend aussi que c’est Manuel Valls a voulu une nouvelle « Loi Macron » sans Macron , pour faire reculer les droits des travailleurs. Ce fut dans le seul but de discréditer son ancien ministre de l’Economie qu’il voyait déjà comme un concurrent pour l’élection présidentielle. Voilà pourquoi Myriam El Khomri servit de potiche en sa qualité de secrétaire d’Etat pour piloter cette nouvelle loi Travail qui devait montrer que Valls et Hollande étaient encore plus sensibles aux intérêts des patrons que Macron, les trois ayant en tête l’élection présidentielle de 2017 !

Révélation sur une image du palais Bourbon

Dans le cadre du débat sur cette loi El Khomri, nous sommes nombreux à avoir gardé le souvenir d’une image de Manuel Valls recadrant Macron le 6 janvier 2016 à 14H55 au banc du gouvernement à l’Assemblée nationale. Mais nous n’avions pas le son pour comprendre ce qu’il lui disait. Assise entre les deux hommes ce jour là, Ségolène Royal écrit à ce propos : « Le matin même, Emmanuel Macron s’est exprimé dans la presse économique, en disant que la croissance était en berne. Manuel Valls fulmine. Il est déjà dans l’hémicycle. Quand Emmanuel Macron arrive d’un pas léger et prend place à ma droite, le Premier ministre, assis à ma gauche, l’interpelle et j’entends avec stupéfaction et amusement ceci : « Et ta q…….e, elle est en berne ? » Il y a sept points de suspension dans l’ouvrage de Ségolène entre la première lettre et la dernière de ce mot qui en compterait donc neuf, ce qui semble bien correspondre à « quéquette ». Cette révélation n’est toutefois pas suffisante pour recommander cet ouvrage comme un travail de réflexion prospective d’une ancienne ministre et ancienne présidente de région sur les enjeux majeurs de ce XXIème siècle à partir de son parcours personnel en politique.

(1) Editions Fayard, 294 pages, 22€

Gérard Le Puill

Source : https://www.humanite.fr/livre-le-pa...


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