Les contradictions de Dominique de Villepin dans l’affaire Clearstream

mercredi 3 mai 2006.
 

L’argumentation brandie par Dominique de Villepin, mardi 2 mai, sur Europe 1 puis à l’Assemblée nationale, pour étayer sa contre-attaque publique, ne résiste pas à la lecture du dossier d’instruction de l’affaire Clearstream. Même appuyée sur le revirement inattendu du général Philippe Rondot, dont la déposition devant les juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons, recueillie le 28 mars, l’avait ébranlé, la défense du premier ministre est battue en brèche par les découvertes de l’enquête.

Le principal élément est une note personnelle du général Rondot, rédigée par celui-ci le 9 janvier 2004, au sortir d’une réunion avec Dominique de Villepin, tenue dans le bureau de ce dernier au Quai d’Orsay, en présence de Jean-Louis Gergorin, vice-président d’EADS et confident de longue date de l’actuel premier ministre. Découvert par les juges au cours d’une perquisition, ce document établit que, dès cette date, M. Villepin était informé de la présence d’hommes politiques sur les listings de Clearstream - à l’inverse de ce qu’il a affirmé dans toutes ses déclarations depuis la publication, dans Le Monde du 29 avril, des premiers extraits du témoignage de M. Rondot. Ce dernier écrit notamment que le futur premier ministre aurait évoqué des "réseaux tangentiels à explorer" autour de MM. Fabius, Pasqua, Strauss-Kahn et Marchiani, avant cette mention : "L’enjeu politique : Nicolas Sarkozy".

"A aucun moment, le nom de M. Sarkozy n’a été évoqué", certifiait M. de Villepin, mardi. Le document indique clairement le contraire. A le lire, M. de Villepin aurait lui-même évoqué "le voyage de M. Sarkozy en Chine" - qui eut lieu du 8 au 10 janvier 2004 - avec cette interrogation : "Intérêt financier ?" Le nom du ministre de l’intérieur est par ailleurs noté plusieurs fois, sans qu’il soit certain qu’il ait été prononcé par M. de Villepin lui-même. Surtout, une référence explicite est faite à sa présence sur les listings falsifiés - "Compte couplé N. Sarkozy - Stéphane Bocza, à préciser" -, ce qui contredit les proclamations du chef du gouvernement, mais aussi les déclarations de M. Rondot, qui avait déploré, dans Le Figaro du 2 mai, "l’utilisation biaisée d’éléments tirés de la procédure".

Prise dans leur intégralité, les déclarations du général - prononcées sous serment - mettent aussi en exergue l’importance des "instructions du président de la République", qui seules pouvaient justifier qu’un agent directement subordonné à la ministre de la défense puisse ainsi mener une enquête parallèle - dont il a reconnu, sur procès-verbal, qu’elle a excédé le cadre qui lui avait été fixé. Un autre document - adressé à Mme Alliot-Marie en avril 2004 - révèle le malaise éprouvé par l’officier supérieur face à une consigne venue d’en haut qui lui ordonnait de taire une partie de ses informations à ses supérieurs hiérarchiques.

Tout en louant la "rigueur totale" de Mme Alliot-Marie et de M. de Villepin "dans la gestion de cette affaire", M. Rondot, visiblement amer, déplore qu’aucune autorité n’ait eu "le courage politique de dire stop", autrement dit d’arrêter le cours d’une manipulation qu’il avait dénoncée dès le printemps 2004 et qui, deux ans plus tard, secoue la majorité et menace le gouvernement.

Le Monde daté su 2 mai vendu le 3 en Aveyron


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