PLF 2019 : Macron détricote la Sécurité Sociale

vendredi 27 novembre 2020.
 

La Sécurité sociale, acquis majeur (Jacques Serieys)

Le premier budget de la présidence d’Emmanuel Macron avait un seul mot d’ordre : tout pour les plus riches. La deuxième année, loin de rééquilibrer la politique du gouvernement, l’accentue.

Le projet de loi de finances 2019 (PLF 2019) et le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS 2019) ont pour seul but la hausse de la rémunération du capital et de défaire l’Etat social.

Tout pour les entreprises

Une phrase revient de façon récurrente dans les documents budgétaires : il faut « libérer l’économie et le travail » pour « faire croître nos entreprises ». Bien évidemment, aucune mesure n’est prise pour combattre la financiarisation. Au contraire, le gouvernement répète les vieilles formules : il faut baisser le coût du travail, assouplir les normes et rendre l’environnement plus doux pour les détenteurs du capital.

En 2019, le CICE, mesure phare de la politique de l’offre initiée pendant le quinquennat de François Hollande, sera transformé en baisse permanente de cotisations sociales patronales. Les entreprises bénéficieront ainsi des deux dispositifs, ce qui engendrera une baisse de leur fiscalité de 20 milliards d’euros. Au moment où les rapports officiels pointent l’échec de la politique de l’offre (1 emploi généré par le CICE coûte aux finances publiques 200 000 €), le gouvernement amplifie ce choix. Il faut rappeler qu’une enveloppe de 20 milliards d’euros peut être utilisée d’une façon bien plus utile. Par exemple, elle aurait permis de financer la rénovation thermique de 700 000 logements ou la construction de 200 000 logements sociaux. Ce choix aurait eu des conséquences, en termes d’emploi et de bien-être bien plus importantes.

L’assouplissement normatif relève de la loi PACTE, en discussion à l’Assemblé Nationale. Les conséquences budgétaires de cette loi sont inscrites dans le PLF. Ainsi, les impôts sur les plus-values au moment de la vente d’une entreprise seront allégés. Le « pacte Dutreuil » sera modifié afin de faciliter les exonérations fiscales en cas de cession d’entreprise aux héritiers. Enfin, pour rendre la vie plus simple aux détenteurs du capital, l’exit tax sera supprimée. Cette taxe vise à éviter que des Français changent de domicile fiscal avant de réaliser une plus-value financière. Avec le nouveau dispositif, seules les plus-values réalisées deux ans après le départ seront taxées, perdant ainsi sa force dissuasive. On est loin de la logique de l’impôt universel. Ces choix montrent que le gouvernement s’intéresse avant tout aux problèmes de l’oligarchie plutôt qu’au pouvoir d’achat de la population.

Fausse hausse du pouvoir d’achat

Le gouvernement soutient que le PLF augmentera le pouvoir d’achat des ménages grâce aux baisses d’impôts de 6 milliards qui entreront en vigueur en 2019. Ces baisses résultent du rééquilibrage de la bascule CSG / cotisations engagée en 2018 (-4 Mds), la baisse de la taxe d’habitation (-4 Mds) et l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires (-0,5 Md). Si ces mesures sont partiellement compensées par la hausse de la fiscalité écologique (+2 Mds), sur le tabac (+0,4 Md) et sur la baisse des crédits d’impôts sur la rénovation thermique (+1 Md), le compte resterait favorable aux ménages de 6 milliards.

Ce chiffre masque les effets de l’austérité sur la dépense publique. La sous-indexation des pensions de retraite et de certaines prestations sociales amputeront le pouvoir d’achat de plus de 3 milliards d’euros. Le nouveau mode de calcul des APL va diminuer fortement le nombre de bénéficiaires : 1 milliard d’euros seront perdus pour les plus modestes, alors que le budget destiné au logement social est en chute. Le gel du point d’indice de la fonction publique et la baisse des effectifs (-4 200 emplois dans l’État) engendreraient des économies de plus de 2 milliards. En cumulant ces mesures on constate que le compte n’y est plus… et on peut ajouter la baisse des contrats aidés (-100 000 en 2019) et les économies prévues sur les soins de santé. Sans oublier que les familles populaires seront en première ligne de la baisse des effectifs dans l’Éducation Nationale. Toute la communication gouvernementale ne réussira pas à masquer le choc qui s’annonce sur le pouvoir d’achat des Français.

Lente disparition de l’État social

En 2019, les prestations sociales seront revalorisées selon leur contribution à la lutte contre la grande pauvreté et leur impact sur la reprise d’un emploi. Ainsi, le minimum vieillesse sera revalorisé de façon exceptionnelle (+35 euros par mois au 1er janvier) tout comme l’allocation adulte handicapé (+40 euros au 1er novembre). Le RSA suivra l’inflation tandis que le reste des prestations seront sous-indexées (+0,3%) et feront perdre 1,3% de pouvoir d’achat. Le comble du cynisme est atteint pour les pensions d’invalidité et celles destinées aux personnes en inactivité du fait d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle : comme ils ne peuvent pas reprendre un emploi, ils doivent contribuer aux hausses de salaires nets que les entreprises ne souhaitent pas consentir ! Le monde à l’envers.

Même dans sa politique de retour à l’emploi, le Gouvernement est dans le mensonge. La hausse annoncée de 20 euros de la prime d’activité, sera concentrée sur les bénéficiaires qui gagnent l’équivalent mensuel d’un SMIC à temps complet. En revanche, les personnes à temps partiel bénéficieront peu de la nouvelle bonification. Or, sous couvert de bonification, il n’y aura pas de revalorisation en raison de l’inflation sur le reste de la prime, ce qui produira une perte de revenu pour les salariés qui sont le plus dans la galère.

Comme en 2018, les retraités seront les grands perdants du PLF 2019. Selon une étude de l’OFCE, 80 % des retraités perdront du revenu du fait de la politique d’Emmanuel Macron. En ignorant leur vie de dur labeur, le Gouvernement stigmatise des retraités réputés trop gâtés au moment même où les baisses d’impôts sur le capital bénéficient aux plus riches d’entre eux. Ceci nuira à la solidarité entre générations.

Baisse des pensions, coupes dans les prestations sociales, réduction des remboursements de soins médicaux. Tout est fait pour mettre à bas le système de protection sociale et en finir avec le programme du Conseil National de la Résistance. Les réformes à venir de l’assurance chômage et du système des retraites ne laissent rien augurer de positif.

Enfin, le PLFSS 2019 introduira une innovation majeure dans les relations entre l’État et la Sécurité sociale. L’État ne sera plus obligé de compenser auprès des caisses de sécurité sociale l’ensemble des exonérations de cotisations qu’il décidera, abrogeant ainsi la loi Veil du 25 juillet 1994. L’année même où la « sécu » allait avoir un excédent budgétaire, mettant fin à l’obsession de la dette, l’État met à mal son autonomie et se prépare à créer du déficit pour poursuivre sa politique au service du capital.

Luis Alquier


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