Où en est le Vénézuéla ? (large extrait du rapport de l’ONU)

mercredi 14 novembre 2018.
 

Lorsque j’étais au Venezuela, j’ai rencontré des intervenants de toutes les tendances politiques, des membres de l’opposition, de l’Assemblée nationale, des professeurs d’université, des églises, des organisations non gouvernementales dont Amnesty International, PROVEA, Fundalatin et le Grupo Sures, qui m’ont aidé à comprendre la complexité des conflits démocratiques et constitutionnels ainsi que la pénurie actuelle de certains aliments, médicaments et produits d’hygiène personnelle, les problèmes liés à l’amassage, le marché noir, la contrebande, la corruption, le sabotage et l’inflation causée par des sabotages.

Un problème majeur est la dépendance de l’économie vénézuélienne à l’égard de la vente du pétrole - une situation qui prévaut depuis le début du XXe siècle. Bien que le gouvernement se soit efforcé de diversifier ses activités, la conversion est lente. La chute spectaculaire des prix du pétrole n’a pas été favorisée par les contraintes idéologiques du Chavisme. Puis ont suivi des mesures coercitives unilatérales, y compris des sanctions et des blocus financiers, qui ont aggravé la situation. Par exemple, lorsqu’en novembre 2017, le Venezuela a eu besoin de médicaments antipaludiques, la Colombie a refusé de les livrer et le Venezuela a dû acheter en Inde. J’ai appris que pour éviter les pénalités américaines, de nombreuses banques ont fermé des comptes vénézuéliens et d’autres banques ont refusé d’effectuer des transferts, des paiements internationaux de routine, y compris pour l’achat de nourriture et de médicaments. En fin de compte, les sanctions économiques tuent.

La guerre économique a commencé avec l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir il y a vingt ans.

La guerre économique n’a pas commencé avec les sanctions de 2015, mais déjà avec l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir il y a vingt ans. L’ingérence extérieure dans les affaires du gouvernement Chavez a notamment consisté à aider à organiser et à financer le coup d’État manqué d’avril 2002. Ceci est parallèle à la guerre économique contre Salvador Allende du Chili de 1970-1973, qui a pris fin avec le putsch de Pinochet. Comme Nixon l’a dit à Kissinger en 1970, un modèle socio-économique alternatif ne serait pas toléré et l’économie chilienne devait hurler de douleur. (4)

Alors que le principe de non-intervention du droit international et l’article 19 du chapitre 4 de la Charte de l’OEA interdisent expressément toute ingérence dans les affaires politiques et économiques des États, des sanctions ont été imposées dans le but d’asphyxier l’économie du Venezuela et de faciliter le changement de régime. On parle de plus en plus d’une "crise humanitaire" et de l’émigration du Venezuela vers les pays voisins. Le récit vise clairement à rendre une " intervention humanitaire " militaire, comme en Libye en 2011, plus acceptable pour l’opinion publique mondiale. Cependant, la situation au Venezuela n’atteint pas le seuil d’une crise humanitaire, comme me l’ont confirmé les responsables de la FAO et de la CEPAL, rien de comparable à Gaza (5), Haïti (6), Somalie (7), Soudan (8) ou Yémen (9).

La tâche la plus noble du Conseil des droits de l’homme est d’aider les peuples à réaliser leurs droits fondamentaux. En conséquence, la solution à la crise vénézuélienne doit passer par la médiation, comme ce fut le cas en République dominicaine en 2016-18 sous la direction de l’ancien Premier Ministre espagnol Zapatero. Le jour de la signature, le 7 février 2018, et à la surprise générale, l’opposition vénézuélienne a refusé de signer. Dans mon rapport qui sera présenté à la 39e session du Conseil, je propose de reprendre les négociations (A/HRC/39/47/Add.1). En attendant, si nous voulons aider le peuple vénézuélien, nous devons veiller à ce que les sanctions soient levées et que la guerre économique prenne fin.

Alfred de Zayas


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