Hulot : Des enseignements d’une démission

mardi 4 septembre 2018.
 

La démission de Nicolas Hulot est un événement considérable qui élargit le débat public sur plusieurs enjeux politiques essentiels. Elle constitue une alerte retentissante au cœur d’un gouvernement qui se croit les mains libres pour appliquer une politique ultralibérale, sourd aux revendications populaires et ignorant avec morgue les alertes des chercheurs et collectifs citoyens sur la dégradation accélérée du climat, de la biodiversité et de l’environnement.

D’abord, réfutons une mauvaise thèse. Cette démission ne traduit d’aucune manière une défaite de la politique. Elle souligne au contraire la nécessité de la réinventer face aux puissances industrielles et financières pour construire un nouveau rapport de force populaire. C’est donc bien plus de politique, plus d’engagement citoyen et une nouvelle dynamique pour les partis politiques, les syndicats et les associations qui s’avèrent nécessaires pour contrer l’offensive des milieux d’affaires qui s’activent dans l’ombre du pouvoir d’Etat. Elle interroge, à partir de l’expérience ministérielle, comme l’ont souvent fait d’anciens ministres communistes et quelques autres sur la question du pouvoir, les moyens de transformer les structures de la société et de L’Etat au service de l’intérêt général humain. Elle montre avec éclat qu’on ne peut servir à la fois l’argent-roi, le bien être humain et l’urgente mutation environnementale.

Les enjeux doivent être relevés dans toute leur profondeur. Les choix industriels et agricoles sous pression néolibérale et actionnariale se révèlent chaque jour incompatibles avec la sauvegarde de la planète comme avec les conditions de vie et de travail du plus grand nombre. Mesurons la force des mots de M. Hulot quand il explique qu’il est impensable de tracer une perspective écologique sans desserrer l’étau de l’austérité, sans la relier au développement des services publics, au progrès démocratique, sans appropriation sociale et citoyenne des grands enjeux économiques et industriels, sans une nouvelle répartition des richesses. Ce réquisitoire peut constituer un nouveau déclic de réflexion pour des millions de nos concitoyens qui déjà rejettent ce système. C’est d’ailleurs ceci qui explique la tentative de faire de la démission du ministre de la transition écologique et solidaire une affaire banale, dont, au mieux, seuls les lobbies seraient les responsables, alors qu’elle constitue un coup de pistolet dans le cœur du capitalisme.

Le pouvoir macroniste qui a fait de sa priorité l’accroissement du taux de profit au bénéfice d’une infime minorité, refuse de penser l’urgence écologique comme il refuse de s’attaquer aux inégalités qui structurent nos sociétés, tout en bridant l’expression citoyenne en changeant la Constitution. Ce sont les faces d’une même pièce. Les puissances économiques qui soutiennent le pouvoir actuel repoussent toute forme de transition écologique, refusent d’extraire de la sphère marchande les biens communs que sont l’eau, la terre, jusqu’à l’air que nous respirons, de développer des transports publics non polluant, notamment ferroviaires, ou d’engager la révolution agricole. Ils refusent que s’en mêlent davantage de citoyens, consommateurs, usagers des services publics et des transports qui nourrissent des vues opposées à la course à l’abime financière, dévastatrice pour le climat, l’environnement et l’ensemble de la société.

Que des groupes d’intérêts ou acteurs économiques gravitent autour du pouvoir n’est pas en soi une nouveauté. La nouveauté réside dans la fusion parfaite des desseins du gouvernement, du président de la République et des forces patronales et financières. Le discours cajolant d’Edouard Philippe à l’université d’été du MEDEF et la valise de mesures violemment antisociales annoncées ces derniers jours le montrent plus que de besoin. Le mythe du « en même temps » s’effondre ainsi sur l’une des questions les plus cruciales de notre temps. Cette quasi-fusion les conduit ensemble à pousser aux traités actuels de libre-échange avec leur nouveau dispositif juridique visant à outrepasser les lois nationales, à tenir fermée la camisole du traité de Maastricht et son orthodoxie budgétaire au service des marchés financiers, à contourner les normes sociales et environnementales. Des questions déterminantes ont ainsi été posées par l’ancien ministre. Cette démission, loin de désarmer le combat écologique ou de rendre fatale l’inaction, doit donc être l’occasion de faire monter d’un cran la cohérence des combats sociaux, démocratiques et environnementaux dans la perspective d’un nouveau projet de civilisation. Elle implique un mouvement populaire déterminé, conscient des enjeux et mobilisé sur le long terme, en capacité de porter un changement de paradigme social, écologique et démocratique. Cela ne rend dans la période que plus indispensable d’inviter largement à la réussite d’une grande fête de l’Humanité riche de débats et porteuses d’actions pour l’émancipation humaine.


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