4 juin 2007 Guerre UMP en Aveyron entre Yves Censi et Thierry Puech au nom des Pères, des fils et du Saint Esprit

vendredi 1er juin 2007.
 

Veuille bien croire, cher ami lecteur que le papa Jean Puech représente un sacré potentat (d’après le dictionnaire Larousse "homme qui possède un pouvoir excessif") : président du Conseil général de l’Aveyron, sénateur, ancien ministre de l’Agriculture puis de la fonction publique, ancien président de l’Association des Départements de France... Il représente surtout un potentat dans sa façon de gérer le département.

Que manque-t-il à un tel homme pour correspondre à la définition bysantine du potentat (pouvoir absolu) ? Transmettre son fief à son fils Thierry, ci-devant patron d’entreprises pharmaceutiques. Première étape prévue pour cet héritage : la conquête du poste de député sur la 1ère circonscription (Rodez)

Qui oserait empêcher une telle famille de continuer à prodiguer sa mansuétude sur l’Aveyron ? Réponse : l’autre puissance politique locale, Marc Censi père, Yves Censi fils.

Veuille bien croire, cher ami lecteur de cet article que Marc Censi représente tout autant un homme au pouvoir local excessif, en plus policé mais peut-être en plus roublard : maire de Rodez, président de sa Communauté d’agglomération, fondateur de l’Assemblée des communautés de France, ex-président de la Région Midi Pyrénées...

Que manque-t-il à un tel homme ? Transmettre son fief à son fils Yves, député sortant, passé professionnellement par la Française des Jeux.

Cyrano de Bergerac l’avait déjà annoncé : " La même ambition allume une guerre entre deux Potentats" Ainsi, chacun est décidé, coûte que coûte, à se faire élire député sur la 1re circonscription de l’Aveyron. Yves Censi se prévaut d’être le député sortant, officiellement investi par l’UMP. Thierry Puech fait valoir qu’il était sarkozyste bien avant lui. Dans un contexte de poussée locale assez forte de la gauche lors des élections présidentielles, le derby s’est déjà transformé en affrontement public. Qu’on ne s’y trompe pas : la guerre qui vient de s’ouvrir finira par la mort politique de l’un des deux, même si la guerre doit durer longtemps. Croire l’inverse serait mal connaître Jean Puech.

L’Europe avait connu une Guerre de Trente ans au 17ème siècle dont l’enjeu était la suprématie politique sur le continent.

A un moindre niveau, l’Aveyron a connu une Drôle de Guerre de Trente ans entre les pères Jean Puech et Marc Censi ; non pas une guerre à coups de canon, mais une guerre tout de même, faite de rouerie permanente et de croche-pieds quotidiens, de sourires pour la photo et de couteaux tirés dans les couloirs, d’ostensible placidité et de colères feintes, de petits coups bas, d’aide à un vassal contre un vassal adverse pour conserver une baronnie locale... Dans ce Rouergue, fief historique du jésuitisme, ils bénéficient pour ce type d’exercice d’une expérience pluriséculaire.

Toute guerre atteint à un moment donné son paroxysme : Verdun pour la première guerre mondiale et Stalingrad pour la deuxième. La Guerre de Trente ans aveyronnaise n’en est peut-être pas encore à son paroxysme en ce début juin 2007, les insultes montant d’intensité d’un jour à l’autre.

1) Jeudi 24 mai : premier round pour Yves Censi

Depuis le début de la campagne, les électeurs surpris apprennent qu’Yves a été adoubé par l’UMP mais c’est Thierry qui utilise le sigle "Majorité présidentielle". D’après la presse, avant les présidentielles, Yves était proche des chiraquiens et Thierry des sarkozystes. Depuis les présidentielles, Yves souhaite prendre le maillot des sarkozystes mais Thierry est décidé à tout pour en garder l’exclusivité locale.

Probablement las de toute cette agitation, Nicolas Sarkozy se fend d’une lettre publique de soutien au député sortant rendue publique ce 24 mai :

" Mr le député, cher Yves

En ces jours de campagne électorale, je tiens à apporter mon entier soutien à ta candidature dans la première circonscription de l’Aveyron pour les scrutins des 10 et 17 juin. L’énergie, la rigueur, l’expertise et le dévouement que tu as toujours su mettre au service de nos concitoyens sont appréciés et reconnus de tous. Ton expérience est un gage nécessaire pour permettre à la majorité nouvelle de mener à bien les réformes indispensables à notre pays. C’est pourquoi je ne doute pas que les électeurs de la circonscription auront à coeur de renouveler ton mandat, afin que tu continues à défendre les valeurs de notre République et leurs intérêts à l’Assemblée nationale.

Avec tous mes voeux de réussite"

Un ex ministre villepiniste nommé Christian Jacob arrive même sur Rodez pour commenter cette missive devant la presse :

" Cette lettre siffle la fin de la récréation. Il faut arrêter les mensonges, les histoires de majorité présidentielle et autre. En politique, il faut en rester à des choses simples. L’investiture de Yves Censi a été adoptée à l’unanimité. Il semble qu’il fallait un point supplémentaire, c’est fait".

2) Vendredi 25 mai : Deuxième round pour Thierry Puech par papa interposé

Dans un premier temps, Jean Puech a fait donner ses proches du Conseil général déguisés en comité de soutien.

Dans un deuxième temps, estimant sans doute la réaction trop faible, il monte lui-même au créneau en tant que "sénateur ancien ministre" et choisit la contre-attaque directe, frontale, dure, violente :

" Je voudrais faire une mise au point sur les informations que livre régulièrement le député de la première circonscription, informations qui relèvent de la supercherie à grande échelle".

Comme ce n’étaient là que des mots, Jean Puech présente alors la liste des députés chargés de mission auprès du gouvernement durant la précédente législature. Il signale alors la présence passée inaperçue d’Yves Censi au titre du "développement rural". Et le Jean Puech de l’Aveyron se délecte, car ces députés ont remis un rapport qui a été publié, mais pas celui d’Yves Censi. Pourquoi ? Parce que c’était un texte trop mauvais, un travail de fainéant : " Quand on est parlementaire, et que le ministre ne publie pas votre rapport, il n’a pas de quoi être fier. Je me suis informé. Son rapport ne contenait que des procés-verbaux d’audition".

Jean Puech se lance alors dans la narration des dossiers sur lesquels il a été en contact avec Yves Censi (haras, RN 88) " et bien d’autres dossiers. Ils sont révélateurs d’un comportement auquel l’élu et l’ancien ministre que je suis ne peut souscrire. Un député ne doit pas être un illusionniste".

Quant à la lettre de Nicolas Sarkozy, il s’agirait "d’une autre supercherie" liée à la date d’envoi.

Pour finir, il explique pourquoi, bien sûr, il soutient son fils sur cette circonscription, et surtout, et surtout, il insinue qu’il a encore d’autres cartouches en réserve.

3) Que va faire le Saint Esprit ?

L’antique diocèse de Rodez et de Vabres bénéficie d’un avantage certain en ce début de 21ème siècle avec un représentant patenté de l’Esprit Saint en la personne du villiériste Bernard Seillier.

Il s’agit bien du seul parlementaire à avoir eu le courage de faire résonner le Sénat, antre maudite des rouges, du timbre inégalable de la Bible en latin.

Pourquoi le Saint Esprit interviendrait-il dans la Guerre de Trente Ans aveyronnaise ? Parce qu’il a besoin de courants d’air pour se déplacer, faire sa vie. Or, depuis trente ans, Jean Puech ne lui laisse aucun interstice de liberté ! Pas même une fenêtre mal fermée ! Tout est cadenassé à double tour, calfeutré en double paroi.

Ainsi donc, le sénateur Bernard Seillier vient d’entrer en lice contre Jean et Thierry Puech, en se plaçant, évidemment, sur le terrain de la morale :

" J’espère que beaucoup d’Aveyronnais sont comme moi stupéfaits et choqués par les attaques incongrues et injustes dont vient d’être victime Yves Censi. La compétition politique doit être loyale. Elle exclut certains procédés comme ceux qui sont utilisés contre l’activité parlementaire d’Yves Censi. Heureusement, ils ne peuvent tromper tous ceux qui connaissent l’assiduité et le travail fournis à l’Assemblée nationale par Yves Censi. Le député de la 1ère circonscription est un parlementaire sérieux et actif. ses travaux concernant notamment les prestations sociales agricoles et la retraite des enseignants du privé sont reconnus et appréciés... Je défie quiconque d’apporter la preuve contraire".

4) Jean-François Copé dans la bataille

Yves Censi a lancé ce troisième round comme il avait commencé le premier : en faisant venir à Rodez un dirigeant national ex-villepiniste de l’UMP. Qui ? L’ancien porte-parole du gouvernement : Jean François Copé. Quels arguments nouveaux peut-il apporter ?

* qu’il vient "à la demande expresse de la direction générale de l’UMP" pour faire cesser immédiatement la "dissidence aveyronnaise"

* que " les rapports d’Yves Censi ont nourri très largement la réflexion du gouvernement "( Raffarin puis Villepin).

Arguments massues ! Arguments de communication dont le but est seulement d’emporter une décision conjoncturelle.

Au détour d’une phrase, Jean-François Copé donne une bonne raison de sa venue sur Rodez : en concurrence avec le sarkozyste Estrosi pour la présidence du groupe UMP à l’Assemblée nationale, il a besoin d’une réelection de tous les ex-villepinistes.

5) Thierry Puech en champion du bras de fer

Je n’ai jamais rencontré ce Thierry Puech mais, à la lecture de la presse, la ressemblance de personnalité est frappante avec le Jean Puech de granit que nous connaissons, en plus dur peut-être.

Plusieurs messages d’anciens salariés d’entreprises qu’il a dirigées nous avaient prévenus sur sa personnalité.

Dans un milieu politique où les rapports de forces se jouent souvent au bluff, comme au poker, sa conférence de presse en réponse à JF Copé constitue un modèle.

"Candidat de la majorité présidentielle", sarkozyste de la veille et non du lendemain, il tape, tape et tape encore :

" Je rappelle à tout le monde le ralliement tardif d’Yves Censi au président de la République. Et je constate qu’à l’heure où Nicolas Sarkozy était entouré de ses fidèles au Havre, MM Censi et Copé tenaient une conférence de presse à Rodez.

JF Copé n’est pas venu à Rodez "à la demande expresse du comité nationale de l’UMP". "Ce n’est pas les éléments que j’ai. Moi aussi, j’ai des amis à l’UMP. Et, contrairement à ce qui a été dit hier, Jean François Copé n’avait pas mandat national, mais c’est bel et bien une initiative personnelle et de copinage avec Yves Censi".

Quant au bilan de son concurrent de droite : " Faute de bilan et de présence sur le terrain pendant cinq ans, Yves Censi gesticule et s’entoure de personnes anciennes. Il recherche des béquilles nationales. Moi, je n’en ai pas besoin pour avancer. Et je suis soutenu par nombre d’élus de la première circonscription".

Quant aux raisons de la dissidence : " Si aujourd’hui, nous en sommes là, c’est qu’au sein de l’UMP de la première circonscription, on a refusé des primaires. Ces primaires à droite, elles auront finalement lieu. Devant les électeurs"

Quant à son objectif : " Moi, je viens avec un projet de développement et je ne me trompe pas de combat : lutter contre l’idéologie de gauche".

Il va sans doute taper encore plus fort lors de son meeting ce soir à la salle des fêtes de Rodez.

6) Quel dénouement ?

Une reddition d’Yves Censi est exclue. Sa première réaction aux propos de Jean Puech marque un nouveau degré dans l’escalade "Je ne souhaite pas réagir à des mensonges"

Dans l’immédiat, rien ne laisse augurer une reddition de Thierry Puech dont le papa vient par précaution de faire créer un nouveau parti politique par des conseillers généraux de droite du département : le Parti de l’Union pour l’Aveyron présidé par Pierre Raynal.

Dans de telles conditions, la Guerre de Trente Ans peut se transformer en Guerre de Cent Ans.

Il existe un autre dénouement possible, plus rapide : c’est l’élection du candidat socialiste Christian Teyssèdre. Ce choix représente l’intérêt de la circonscription et du département car personne ne lui nie motivation et efficacité. De plus la défaite des fils des deux pères relève à présent de la salubrité locale.

Jacques Serieys


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