Des fautes de Bénalla à la disqualification d’Emmanuel Macron comme président

vendredi 3 août 2018.
 

A propos de l’affaire Benalla, par la rédaction de Mediapart. 21 juillet 2018

Voici donc deux collaborateurs de la présidence de la République, Alexandre Benalla et son acolyte, surpris dans leurs méfaits : faux policiers mais vrais cogneurs de manifestants. Il n’est pas exclu que ces irréguliers abrités par l’Élysée soient plus nombreux. Il n’est pas exclu non plus que leurs méfaits soient aussi plus nombreux comme le montre leur aisance à s’imposer aux forces de police sur le terrain, leur capacité à faire interpeller les manifestants victimes de leurs coups et leurs relais au sein de la Préfecture de police pour obtenir des informations.

La présidence Macron aura donc aussi privatisé le maintien de l’ordre. Premier défilé syndical de la Fête des travailleurs à avoir été démembré et empêché, au prétexte des casseurs près du pont d’Austerlitz, ce 1er Mai aura aussi connu cette innovation : des personnels de l’Élysée infiltrés sur ordre au cœur du dispositif policier qui n’ont pas hésité à jouer les agents provocateurs. Et qui, malgré la connaissance presque immédiate de leur comportement en haut lieu, étaient protégés depuis plus de deux mois et demi par tout l’appareil d’État, depuis son sommet, la Présidence, jusqu’à ses ministères, celui de l’Intérieur, et ses administrations, la Préfecture de police. Difficile de trouver un précédent sinon le climat barbouzard de l’après-68 quand l’État lui-même organisait parfois la violence qu’il prétendait combattre.

Les images filmées le 1er Mai place de la Contrescarpe, dans le cinquième arrondissement de Paris, montrent en action des nervis et non pas des serviteurs de la République. Un nervi, du pluriel de l’italien « vergo » qui signifie vigueur, c’est un homme de main. De ceux qui font facilement le coup de poing et qui sont utiles aux coups de force politiques. Fascinés par la sécurité, ces amateurs sortis du rang singent les professionnels sans en accepter les contraintes. Pour eux, l’ordre se passe aisément de la loi et le désordre leur sert souvent de marche pied. Fiers à bras se moquant des règles et des conventions, ambitieux passés sans transition des services d’ordre militants au palais présidentiel, bénéficiant dès lors de passe-droits, la protection élyséenne générant le raccourci administratif, ils illustrent cette voyoucratie nichée dans la part d’ombre d’une politique saisie par l’obsession du pouvoir.

Dévoilant la tentation macronienne d’un service de sécurité privé à l’Élysée, l’affaire Benalla arrive heureusement à temps pour empêcher que cet abus de pouvoir prolifère. Mais elle révèle que ce président élu sur la promesse d’une « révolution démocratique profonde » en est la négation incarnée. Près de deux ans après que ces mots aient été imprimés dans un livre dont le titre, Révolution (XO Éditions), semble aujourd’hui sorti d’une nouvelle d’Orwell où le mensonge serait proclamé vérité, on peine à croire qu’y était écrit aussi que « la responsabilité est précisément ce qui, me semble-t-il, peut contribuer à restaurer un peu de cette morale collective dont nous avons tant besoin ». Emmanuel Macron y affirmait que « l’ultime responsabilité est politique » et que, dans ce registre, « certaines fautes vous disqualifient radicalement ». Il n’est pas exclu que les fautes de son protégé disqualifient radicalement sa présidence.


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