Parcoursup et inégalités sociales : la sélection touche avant tout les candidatEs des lycées populaires

mercredi 13 juin 2018.
 

Inégalités, injustices

Tous les syndicats du secondaire et de l’enseignement supérieur, ainsi que les organisations de jeunesse, avaient prévenu que la sélection à l’entrée de l’université introduite par la loi ORE et Parcoursup toucherait avant tout les lycéenEs des quartiers populaires. Deux semaines après les premiers résultats de Parcoursup, si le nombre de lycéenEs en attente est descendu à 185 000, le système montre de plus en plus son côté inégalitaire.

Il faut déjà se départir de l’idée que les 580 000 lycéenEs qui ont eu au moins une réponse positive sont heureux de leur sort : pour beaucoup, les universités qui les ont acceptés étaient des roues de secours, au cas où leur choix de cœur était refusé. Beaucoup de ces lycéenEs sont encore sur les listes d’attentes de vœux qu’ils avaient formulés et qu’ils espèrent toujours avoir.

Injustice, attente, stress

De fait, rien n’est réglé, d’autant plus que 20 000 lycéenEs n’ont eu que des réponses négatives. Lundi 4 juin, sur LCI, la ministre Frédérique Vidal assurait qu’il s’agissait de lycéens qui avaient demandé « seulement des filières sélectives ». Un mensonge éhonté, comme l’ont prouvé les captures d’écrans réalisées par des dizaines de lycéenEs, refusés partout dans des licences pourtant « non sélectives ». Une situation d’autant plus stressante qu’à quelques semaines du bac, beaucoup sont stressés de ne rien avoir la veille de l’examen et de le passer en vain. Une lycéenne témoignait même auprès de La ZEP que « l’attente » est devenue une insulte dans son lycée...

Si le ministère se lance des fleurs en expliquant que la réforme est plus concluante qu’espéré, on ne peut que se demander quel est leur avis sur les lycéenEs des classes populaires qui sont les plus durement touchés par les listes d’attentes. En Seine-Saint-Denis, le nombre de lycéenEs qui sont toujours en attente et qui n’ont aucun espoir d’obtenir une formation sont très nombreux, même si les rectorats refusent de donner des statistiques académie par académie. Mais force est de constater que de nombreuses universités ont utilisé le lycée d’origine pour pondérer le dossier scolaire. Un lycéen de 17 ans témoignait ainsi au Monde que, malgré ses notes de 18/20 et 20/20 au bac anticipé de français, ainsi qu’une moyenne de 18/20, son rêve d’aller à Henri-IV s’est envolé avec Parcoursup. En cause, son lycée d’origine, à Montgeron, dans l’Essonne : le lycée Henri-IV lui avait même dit de ne pas candidater !

Sélection sociale renforcée

Quoi qu’en dise la ministre, la loi ORE est en train de renforcer la sélection sociale à l’université. D’une université qui reproduisait les inégalités sociales, on passe à une université qui exclut de son sein les classes populaires. Si, pour quelques-uns, Parcoursup devait être un modèle de « méritocratie », donnant aux plus méritants les meilleures places dans l’enseignement supérieur, la douche est froide. Car on le voit, aucune « méritocratie » n’est possible dans un système où ce sont les enfants d’ouvrierEs et d’employéEs qui sont exclus de l’université, quand les enfants des quartiers bourgeois du centre de Paris ne sont nullement stressés par leur orientation, leur lycée étant de fait un passeport pour la fac.

Georges Waters


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