Face aux menaces de l’Europe libérale, Attac demande 5 engagements publics aux candidats aux législatives

vendredi 25 mai 2007.
 

Les 10 et 17 juin prochain, les citoyens vont élire une nouvelle Assemblée nationale. Les pouvoirs de celle-ci sont fortement limités pour deux raisons :

• La constitution de la Cinquième République bride strictement ses pouvoirs, et confère à l’exécutif la prépondérance sur le législatif et même une réelle autonomie. On peut donc faire confiance à Nicolas Sarkozy, s’il obtient une majorité parlementaire, pour mener l’Assemblée à la baguette et la plier à ses quatre volontés ;

• Qui plus est, une très grande partie des actes juridiques qui régissent la vie quotidienne des citoyens sont la simple transposition en droit national de décisions prises au niveau européen par les gouvernements et les institutions communautaires. Le Parlement français, pour sa part, a seulement le pouvoir d’amender à la marge et d’entériner après coup les transpositions proposées par l’exécutif. Nos futurs députés disposent par conséquent d’une souveraineté très réduite...

De cette manière, en application du dogme de la « concurrence libre et non faussée » sur lequel reposent pour l’essentiel les traités européens, les gouvernements ont pu, depuis des décennies, décider à huis clos des politiques ultralibérales comme celles sur la libéralisation du marché de l’électricité ou de La Poste. Ils les ont ensuite présentées à l’opinion comme des « contraintes » ou des « engagements » communautaires auxquels on ne pouvait pas s’opposer sauf à passer pour de « mauvais Européens ».

Après le rejet sans appel (55 % des suffrages) du traité constitutionnel européen (TCE) par le peuple français le 29 mai 2005, Nicolas Sarkozy (53 % des suffrages) entend se livrer à un tour de passe-passe : élaborer, avec ses partenaires de l’UE, un TCE dit « allégé », et le faire voter non pas par l’ensemble des citoyens, mais, à leur insu, par un Parlement qu’il espère à sa dévotion.

Attac demande à tous les candidats aux élections législatives, quelle que soit leur affiliation politique, de prendre cinq engagements publics :

• exiger, dès l’installation de la nouvelle Assemblée nationale, un débat sur la politique européenne du gouvernement et voter une résolution en faveur d’une renégociation des Traités confiée à une Assemblée européenne élue au suffrage universel et de la tenue d’un référendum sur tout nouveau traité européen que ce soit ;

• demander au nouveau gouvernement d’assumer clairement, le cas échéant, ses propres choix en faveur des libéralisations, ou, s’il prétend s’y opposer, de refuser de siéger dans toutes les réunions européennes où seront discutées des mesures de libéralisation ;

• d’ouvrir un débat sur la régulation macro-économique de la zone euro qui, pour l’instant, pèse gravement sur l’emploi et l’investissement public ;

• s’opposer, en particulier, à la nouvelle directive postale actuellement en discussion au Parlement européen. L’application de cette directive entraînerait la fermeture de 6 à 7 000 bureaux de poste, surtout dans les zones rurales, une profonde dégradation du service aux usagers et l’augmentation des tarifs ;

• refuser l’application de la directive européenne sur la libéralisation du marché de l’électricité qui doit entrer en vigueur le 1er juillet et qui va se traduire par une augmentation des tarifs pour les usagers.

Les citoyennes et les citoyens ne veulent pas d’une Europe privilégiant les seuls intérêts des principaux acteurs financiers et commerciaux.

C’EST POURQUOI ATTAC APPELLE TOUS LES CANDIDATS À SE COMPORTER COMME D’HONNÊTES REPRÉSENTANTS DU PEUPLE EN OUVRANT LES DÉBATS SUR LA NATURE DES CHOIX ET DES POLITIQUES EUROPÉENS.


Menace sur le service public de la Poste

Initialement programmé pour le sommet européen de Rostock en juin, l’examen de la nouvelle directive postale, prévoyant l’ouverture totale du marché dès le 1er janvier 2009, est reporté. La libéralisation totale serait renvoyée à l’horizon 2011 ou 2012, suite à la demande d’un certain nombre d’États qui jugent leur poste nationale insuffisamment préparée à cette échéance. Ce délai supplémentaire doit être mis à profit par les postes pour faire évoluer leurs structures et organisations, et donc accélérer les réformes, pour être prêtes le jour J.

Or, si le projet de directive prévoit un service « universel », censé assurer un service a minima aux usagers, il reste très discret sur les moyens de le financer. Aujourd’hui, le financement des missions de service public est assuré grâce au monopole : les services déficitaires sont financés par les services bénéficiaires. La directive supprime celui-ci, mais ne propose en contrepartie que le versement, en dernier recours, de subventions d’Etat, comme en Suède ou en Grande-Bretagne, dont on sait par expérience qu’elles seront d’un très faible montant, équilibre budgétaire et réduction de la dette oblige, et qu’elles seront encore réduites avec le temps.

Avant cela, la Commission européenne préconise des solutions pour faire des économies radicales. La première d’entre elles prévoit, chez les opérateurs chargés du service universel des suppressions d’emplois mas-sives, une évolution des statuts pour les fonctionnaires, le recours à la sous-traitance avec des « travailleurs indépendants » et le développement du temps partiel et de l’intérim. C’est-à-dire remplacer des emplois stables et performants par moins d’emplois précaires et une détérioration de la qualité du service.

La réduction du nombre de bureaux de poste est un autre axe pour réduire les charges. La directive de 1997 ne leur reconnaît comme seule fonction l’accessibilité au service universel du courrier, toute autre activité, relevant de missions de service public associée à la présence postale, n’est pas incluse dans le champ réglementaire. La fin du tarif unique du timbre, qui permet de compenser les surcoûts de distribution dans les zones éloignées ou difficiles d’accès, au profit de zones tarifaires est également au programme. Supprimer le tarif unique du timbre signifierait vider le service universel de tout contenu. Enfin, la libéralisation des tarifs, notamment pour les particuliers, est fortement recommandée. C’est un moyen efficace pour faire gagner de l’argent à la Poste qui perd le service réservé, mais qui aurait la liberté d’augmenter ses tarifs. Il s’agit aussi d’aider de nouveaux opérateurs à pénétrer le marché, car ils auront du mal à s’aligner sur les prix pratiqués aujourd’hui par la Poste.

Ouverture à la concurrence dans l’électricité : catastrophe annoncée

En France, le 1er juillet, l’électricité devrait être totalement ouverte à la concurrence. Le bilan des étapes précédentes de la libéralisation s’avère pourtant catastrophique en matière de prix. C’est l’expérience qu’ont vécue les industriels et les professionnels : le prix du kilowattheure s’est envolé sur le marché « libre ». En France, pour les entreprises qui ont préféré conserver les tarifs régulés d’EDF, l’augmentation n’a été « que » de 11 %. Par contre, celles qui ont choisi le marché dérégulé ont vu leur facture d’électricité croître de 76 %. De nombreux industriels qui ont opté pour le marché demandent d’ailleurs aujourd’hui à pouvoir revenir à la « protection des tarifs réglementés d’EDF et de Gaz de France ». Il en est de même à l’étranger : en 5 ans, de 2001 à 2006, le prix du kilowattheure a augmenté de 39 % en Espagne, de 49 % en Allemagne, de 67% en Finlande, de 77 % en Suède, de 81 % au Royaume-Uni, de 92 % au Danemark ! Contrairement à ce qui avait été annoncé, la libéralisation du secteur électrique a donc fait s’envoler les prix. Elle a entraîné en outre de graves dysfonctionnements, des pannes, des coupures de courant, et des sous-investissements dans les moyens de production et le réseau, qui seront la source d’autres disfonctionnements à l’avenir.

En fait, l’électricité a deux caractéristiques particulières qui font que le système de marché est fondamentalement inadapté. D’une part, elle ne se stocke pas, ce qui, conjugué avec le caractère massif et continu du besoin en électricité, produit un risque de rupture d’approvisionnement très peu maîtrisable par le marché. D’autre part, elle se transporte mal à cause des pertes sur le réseau, ce qui entraîne un gaspillage d’énergie. Il est donc aberrant de vouloir un marché électrique européen pour permettre de produire dans un pays ce qui sera consommé dans un autre (par exemple produire avec du nucléaire en France pour vendre en Roumanie).

A l’évidence, la libéralisation du secteur électrique ne peut qu’avoir de graves conséquences négatives. Pourtant, la marche aveugle vers l’ouverture du marché à la concurrence se poursuit. La politique énergétique, avec ses conséquences en termes environnemental et social, échappe toujours aux citoyens.


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