Fonction publique : généraliser le contrat pour restreindre le service rendu

dimanche 5 août 2018.
 

Mardi 22 mai, les agents de la fonction publique sont appelés à la grève pour la troisième fois depuis le mois de septembre dernier. Le contenu du rapport rédigé par le Comité action publique 2022 (Cap22) et révélé jeudi 16 mai avant d’être présenté mercredi 23 mai en réunion de cadrage budgétaire, ne devrait pas manquer de pousser à la mobilisation.

En octobre dernier, le gouvernement installait en effet ce groupe composé de 34 « personnalités qualifiées » aussitôt érigées au rang d’experts. Le cadrage de l’exécutif annonçait la couleur en fixant trois objectifs : « passer d’une culture de contrôle à une culture de confiance » dans les services publics, « offrir un environnement de travail modernisé » aux fonctionnaires, et pour chapoter le tout « accompagner la baisse des dépenses publiques ».

Au commencement figure bien sûr la baisse des dépenses publiques promise à Bruxelles : pour atteindre les 50 milliards d’euros promis, M. Macron s’est engagé à ramener la part de la dépense publique de 54,7% du PIB en 2017 à 51,1% en 2022. La fonction publique est en première ligne avec le gel du point d’indice réimposé sitôt M. Macron élu, le retour du jour de carence, mais aussi l’augmentation de la CSG qui pèse plus que dans le privé. Dans le même temps, 120.000 suppressions de postes sont annoncées, 50.000 dans la fonction publique et 70.000 dans la fonction publique territoriale. Et comme cela ne suffit pas pour recevoir l’adoubement de ses maîtres bruxellois, M. Macron entend faire exploser le statut de la fonction publique. Tel était l’objectif réel du rapport commandé à CAP22, encouragé en cela par M. Philippe qui leur donnait à l’automne « carte blanche » !

Le message a été bien reçu. Le rapport préconise rien moins que de « généraliser le recours à des contractuels » dans la fonction publique. Autrement dit d’abroger le statut en tant que norme. En effet, si 1,2 des 5,7 millions d’agents sont des contractuels (soit 21,7 % des effectifs), le statut demeure la règle et le recours aux contractuels est encadré (soit pour répondre à un besoin permanent lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions, soit pour répondre à un besoin temporaire). Généraliser le recours à des contractuels, en faire le cadre général d’embauche, c’est donc abroger le statut, vieille lune de M. Macron. En septembre 2015, il jugeait que celui-ci n’était « plus adéquat » et « plus justifiable compte tenu des missions » lors d’un débat public au think tank En temps réel ».

Bien sûr les coups portés au statut visent à une privatisation rampante du service public. La méthode, rôdée au sein des grandes entreprises publiques (France-Télécom, La poste etc…), consiste à introduire une part toujours croissante de contractuels qui déstabilise l’institution, laquelle se voit intenter des procès en sorcellerie de manière à promouvoir une supposée meilleure gestion confiée au privé. Que chacun-e regarde ce qu’il advient déjà dans l’Education nationale où les postes au concours ont été asséchés, où le recours aux contractuel a explosé, et où au final une grande pagaille s’est installée.

Mais en allant au-delà de cette gangrène insidieuse pour carrément saborder directement le statut et le remplacer par la règle des contrats, le gouvernement et son avant-garde entendent remettre en cause la nature elle-même du service public. Le statut (et son corollaire le traitement des agents) est visé en ce qu’il est directement lié à l’objet du service public. Le service est assuré au regard de son caractère universel et est fournit dans un même souci d’égalité à tous. Il ne peut devenir dépendant ni de la personne qui l’applique ni de celle à laquelle il est fourni. Le statut en est le garant en mettant le fonctionnaire à l’abri des tentations et des intérêts particuliers pour garantir son action au service de l’intérêt général. Ce n’est pas un hasard si le rapport CAP22 prévoit en parallèle une refonte du versement des prestations sociales qui en les regroupant masquerait le caractère universel de chaque droit, et donc inaliénable pour l’individu, pour mieux progressivement les rogner par le biais d’une prestation unique.

Bien sûr lors de la remise du rapport il est à parier que le gouvernement jurera la main sur le cœur qu’il est hors de question de « généraliser » le recours aux contractuels. Tout en annonçant qu’il faut quand même bien se résoudre à une « extension » du recours au contrat. M. Darmanin a d’ailleurs préparé le terrain dès le 15 mai lors du lancement du « 2ème cycle de concertation visant à refonder le contrat social avec les agents publics » qui avait pour thème « Comment améliorer et développer le recours au contrat dans l’emploi public ? ». Il évoquait alors « l’extension du recours au contrat dans la fonction publique » pour « accorder plus de souplesse et de liberté aux employeurs publics pour recruter leurs équipes en leur permettant de recourir davantage au contrat ». Et le document de cadrage d’interroger les « nouvelles modalités de recours au contrat et de renouvellement de contrat ».

François Cocq


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