«  Ceux qui misaient sur notre fatalisme sont tombés sur un os  »

lundi 14 mai 2018.
 

Pour nous, clairement, la grève (à la SNCF) se poursuit", a déclaré lundi à la presse Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminots, en sortant d’un entretien à Matignon avec le Premier ministre Edouard Philippe. "Il n’y a pas de débat", "les grévistes vont poursuivre le combat le temps d’avoir (des) réponses du gouvernement", a ajouté M. Brun, soulignant qu’il reste "encore trois semaines pour interrompre le processus parlementaire" avant l’examen du projet de loi de réforme ferroviaire au Sénat prévu à partir du 23 mai. "On sort motivés pour continuer", a déclaré Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, indiquant que le Premier ministre n’avait "pas (fourni) de détails précis" sur la reprise de la dette.

Alors que débute la huitième phase de grève à la SNCF, les syndicats de cheminots sont reçus ce jour à Matignon. Une avancée, pour eux, puisque le premier ministre refusait jusqu’alors d’être leur interlocuteur.

Édouard Philippe s’affiche inflexible sur l’ouverture à la concurrence, le changement de statut de l’entreprise et l’abandon de celui des cheminots. Dans quel état d’esprit vous rendez-vous à sa rencontre  ?

Laurent Brun Secrétaire général de la CGT cheminots. Nous y allons sans illusion, mais confiants. Nous n’imaginons pas que le gouvernement cède dès la première rencontre. En revanche, que le premier ministre prenne le dossier en main est positif. Nous allons enfin avoir en face de nous la personne qui prend les décisions. Probablement tentera-t-il de remettre le ministère dans la boucle  ? Peu importe  : c’est lui qui fait les annonces, et lui qui nous reçoit. Les syndicats demandent que ce soit lui qui pilote à l’avenir le processus.

À quelle condition cette rencontre sera-t-elle réussie à vos yeux  ?

Laurent Brun La première chose que nous comptons lui demander est de savoir s’il veut sortir du conflit. Si oui, une rencontre réussie devra se conclure par l’annonce d’un processus de négociations. Nous demandons des tables rondes tripartites avec le patronat, parce qu’à notre sens c’est le plus efficace. Je ne sais pas si nous pourrons l’obtenir dès demain, mais le minimum serait de déboucher sur un cahier de rencontres.

Force ouvrière, syndicat non représentatif à la SNCF, a été convié lui aussi. L’unité syndicale est-elle une garantie de réussite pour le mouvement  ?

Laurent Brun Nous verrons en fonction de ce qui est annoncé. Nous savons que nous avons des divergences entre organisations syndicales, par exemple sur la question de la mise en concurrence. Personne n’y voit de progrès. Certains, cependant, considèrent que l’on ne peut pas faire autrement et que le mieux est de l’accompagner. Si le gouvernement devait ouvrir une porte à cet accompagnement – ce qu’il n’a encore pas fait –, nous analyserons. Nous devons quoi qu’il en soit nous retrouver en intersyndicale mercredi.

Êtes-vous prêts à prolonger le mouvement au-delà du calendrier fixé en avril en cas d’échec des discussions  ?

Laurent Brun Poser un nouveau calendrier serait précipité. Nous avons encore un mois et demi devant nous. Les cheminots nous disent, en assemblée générale, qu’ils sont prêts à aller au bout. Si le gouvernement est disposé à affronter sept nouvelles périodes de grève après en avoir déjà affronté sept, ma foi, nous assumerons.

Les salariés d’Air France ont voté majoritairement contre l’accord proposé par leur direction. Quelle leçon en tirez-vous  ?

Laurent Brun C’est clairement un signe d’encouragement que nous pourrions réutiliser en organisant par exemple notre propre référendum syndical. À Air France, la direction pensait que les salariés avaient plongé dans le fatalisme et que tout pouvait passer. De même, le gouvernement pensait que la réforme de la SNCF se ferait sans trop de problèmes. Mais il est tombé sur un os. Le fatalisme est en train de reculer chez les salariés, et les patrons qui comptaient dessus se retrouvent piégés.

Marie-Noëlle Bertrand, L’Humanité


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