EN CAMPAGNE : Kouchner, "ouverture et dysneyland de la politique

mardi 22 mai 2007.
 

« Qu’est ce qui se dit chez toi ? » « Je ne sais pas vraiment ! Les gens ne parlent pas ! » « Ca c’est pas bon signe ! Mais c’est pas agressif au moins ? » « Non, juste ceux qui viennent m’engueuler à cause de Kouchner. » « Mais tu n’y est pour rien ! » « C’est sûr ! Mais c’est comme ça »

Je rapporte là un concentré des conversations avec les camarades qui sont candidats. Drôle de période où tout semble devenir flou et nimbé de brumes politiciennes. Au sommet joue l’orchestre formidable de la droite. On dirait qu’un film totalement imprévu se déroule. Le président court partout, on croit voir crépiter son équipe. « L’ouverture » la semaine passée, le Grenelle de l’écologie cette semaine.

Pim ! pam ! pouf ! Tout le Dysneyland de la politique basé sur l’émotion et l’affect se retourne contre ceux qui avaient cru dorénavant pouvoir se passer de faire de la politique ! A l’heure qu’il est le numéro pulsionnel sur « tout sauf Sarko », « Sarko me fait peur » et autres approximations destinées à ne pas se hasarder sur le fond, tout est à l’eau. Restent les considérations profondes et belles comme des sentences de pages roses du dictionnaire sur l’équilibre des pouvoirs et le refus de « l’hyper présidentialisation ».

Sur le terrain ces mots sophistiqués s’effritent au premier choc. Il n’y a rien à leur reprocher : c’est juste, honnête et réaliste. Mais quasi impraticable. Faisons simple en nous demandant quelles sont nos propres motivations d’action. Moi, de toute façon je ne vote pas pour favoriser un schéma constitutionnel plutôt qu’un autre. Je vote à gauche notamment parce que je vote contre le programme social de Sarkozy. Je vote a gauche parce que je suis de gauche.

J’avais une affiche pour ça il y a quelques années pour tenir le coup après une raclée. « Quand on a le cœur a gauche, on ne laisse pas faire la droite ». Ma fédération socialiste en Essonne a repris le slogan il y a peu. Les affiches vont encore servir. Je verrai bien qu’on fasse campagne sur ce thème à nouveau. En posant les problèmes comme un citoyen engagé et non comme un commentateur politologue : « le bouclier fiscal à 50% vous êtes pour ? Vous laissez faire ? Dans le cas contraire votez à gauche ». « Voulez vous que le député qui vous représente vote pour abroger le CDI ? ». Mais bien sûr c’est une suggestion, pas une critique contre ce qui se fait.

Chacun fait pour le mieux en ce moment. Je suis déjà bien content que l’on se soit mis à taper sur les transfuges passés à droite. Car au Bureau du Parti, c’est Cambadélis et moi qui avons mis sur la table ce thème en montrant les dégâts que faisaient sur nous tous les ralliements. Le premier secrétaire n’en avait pas dit un mot dans son propos introductif. Et les orateurs suivantq avaient beaucoup rabaché l’expression de leur écoeurement à propos des conditions de déroulement du récent Conseil national du Parti et à propos des « querelles ».

Bref, une séance de nombrilisme ponctuée de « ça suffit, les disputes » adressé à tout le monde et donc à personne, qui exaspère tout ceux qui se sentent visés à tort et hystérise la réunion. En ce qui concerne les changements de camp, de toutes les façons le mal est fait maintenant. Et ce n’est sans doute pas fini. Avec la liste des secrétaires d’Etat, je pense que le nombre des personnes prêtes à faire don de leur honneur pour le service de la droite au pouvoir va s’allonger. Si l’on croise les biographies et les déclarations des actuels transfuges on voit que le milieu propice est large.

L’infection a de beaux jours devant elle. Attention, je ne parle pas des personnages en vue seulement. Je pense aussi à tous ceux qui ont une carrière dans l’Etat, les cabinets et autres officines inaccessibles sans la faveur du prince. Je résume le portrait robot du transfuge potentiel. Trop vieux ou trop jeune pour attendre un tour. Ca c’est le syndrome du camarade « pas reconnu à sa juste valeur par le parti ». A la clause de la biologie et de l’amertume s’ajoute la clause politique : le transfuge se met en jambes avant de passer à l’acte en se déclarant partisan d’une alliance avec le centre. Cette posture sert de sas avant la transgression finale comme l’illustrent le parcours de Kouchner et Jouyet. Au croisement de ces symptômes, il y a foule !

Je rapporte là un raisonnement que m’a tenu un fin connaisseur médiatique de la bonne société politique. J’ai dit que c’était l’ère du soupçon qui commençait. Je l’ai vérifié. J’estime donc que les porte-paroles du PS ont bien fait le travail qui leur revenait en dénonçant sans relâche depuis mercredi dernier cette manœuvre de « débauchage ». Il est urgent en effet de creuser un fossé clair et visible de loin pour empêcher la confusion de faire de nouveaux progrès dans les esprits. Débauchage, c’est le terme proposé par Fabius ; c’est bien plus efficace que de parler nous même « d’ouverture » comme si une négociation politique avait eu lieu. La suite des aventures des partisans d’une alliance avec le centre n’a pas fini de jeter le trouble. Car à présent il y a trois « Centre » : le Centre de Bayrou, le Centre des UDF maintenus et le projet de Centre radical....

Mais dans cette fumée qui dilue toutes les lignes et obscurcit tous les choix, la palme à monsieur Bayrou de nouveau. Avec ce ton qui n’appartient qu’a lui pour professer ses marottes comme des vérités scientifiques il soutenait dimanche soir a l’émission de Christine Ockrent sur France trois que les alliances pourraient se faire.... à la carte. Notamment pour les municipales. « On n’a pas besoin de la même majorité à Angers et à Marseille » a-t-il asséné. Ah bon ? Et pourquoi ? En fait de « modernité », de refus du « sectarisme » et autres boniments habituels qui enrobent d’un air de bon sens ces sortes de bons apôtres, il s’agit d’une apologie de la combinazione généralisée la plus archaïque, celle dans laquelle a sombré la quatrième République.


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