Marche blanche : la LDJ sort Mélenchon et escorte Le Pen

vendredi 6 avril 2018.
 

La démonstration d’unité nationale contre l’antisémitisme a tourné court quand des éléments d’un groupuscule d’extrême droite ont contraint par leurs menaces la délégation de la France insoumise à quitter la manifestation.

La marche blanche en hommage à Mireille Knoll, une octogénaire juive tuée la semaine dernière à Paris, devait être un moment d’unité nationale contre l’antisémitisme. Dans une déclaration commune, le président de l’Assemblée nationale et les huit présidents de groupe, représentants l’ensemble des familles politiques siégeant au sein du bureau de l’Assemblée, avaient appelé à y participer. Fait rare, les travaux de l’Assemblée nationale avaient été suspendus pour permettre à tous les élus de s’y rendre.

Le Premier ministre et bon nombre de membres du gouvernement étaient annoncés. Ils ont défilé derrière des représentants de la société civile, rose blanche en main, avec de nombreuses personnalités politiques – la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, le délégué général de La République en marche, Christophe Castaner, le président de Les Républicains, Laurent Wauquiez, le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, la présidente (LR) de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent – présentes dans le carré de tête, la plupart ceints de leur écharpe tricolore. On y apercevait même Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot.

Mais après les propos irresponsables du président du Crif, mardi soir sur BFMTV, on pouvait craindre que la démonstration d’unité nationale tourne court. En prétendant interdire à Jean-Luc Mélenchon de participer à ce recueillement, Francis Kalifat attentait à l’unité recherchée en instaurant une détestable discrimination, tout en amalgamant scandaleusement la France insoumise et le Front national de Marine Le Pen. Au risque de susciter des troubles dans la manifestation.

Une atmosphère de lynchage

Cela n’a pas manqué. À leur arrivée, Jean-Luc Mélenchon et des députés de la France insoumise – Clémentine Autain, Danièle Obono, Alexis Corbière, Adrien Quatennens, Eric Coquerel –, accompagnés de militants de la France insoumise, ont été pris à partie. Une quarantaine d’individus ont rapidement créé autour d’eux une atmosphère de lynchage : bousculades, insultes – « collabos », « ordures », « pédés », « enculés »… – huées et sifflets.

Le rabbin Gabriel Farhi qui avait décidé de marcher aux côtés de la France insoumise n’a pas été épargné. Et les nervis s’en sont également pris aux policiers assurant la sécurité du groupe d’insoumis, ainsi qu’à certains journalistes présents sur place, leur reprochant de filmer la scène.

Après quelques minutes de tension extrême, le groupe a dû être exfiltré sous protection policière dans une petite rue adjacente, où Jean-Luc Mélenchon s’est efforcé de relativiser l’incident :

Le sujet de la manifestation, ce n’est pas moi. C’est cette femme assassinée par des violents et des barbares, et la nécessité de montrer que toute la communauté nationale serre les rangs, manifeste de la compassion, de l’amour. Le reste, c’est vraiment un épiphénomène. (…) Ce qui est important, c’est que le message passe, (...) que chaque juif sache qu’il est sous la protection de la totalité de la communauté nationale, et que jamais nos réserves d’amour pour notre peuple ne s’épuiseront.

La LDJ à la manœuvre

Quelques heures plus tôt, la Ligue de défense juive, organisation juive d’extrême droite, avait averti sur son compte twitter qu’elle n’accepterait pas la présence de défenseurs de la cause palestinienne, contrairement au souhait formulé par le fils de Mireille Knoll.

Et c’est avec satisfaction qu’elle s’est félicitée sur le même canal avec insigne de l’organisation de l’accueil réservé aux Insoumis, ses militants y ayant beaucoup contribué : « On t’avait prévenu Jean-Luc... »

Sur une vidéo de Quotidien, nos confrères de Streetpress ont noté que « le manifestant qui rameute tout le monde en direction de Mélenchon », reconnaissable à son bonnet noir est « depuis le milieu des années 2000, (…) le porte-parole et le chef de la “branche politique” de… la Ligue de défense juive (LDJ) ». Jean-Claude Nataf, « qui se fait appeler “Eliahou” est connu comme le loup blanc dans les cercles de la communauté juive » et intervient « au nom de la Ligue dans les médias communautaires ou pilotant le site web de la LDJ ».

Derrière lui, on aperçoit un homme blond, cheveux rasés sur un côté, une oreillette dans l’oreille droite, et vêtu d’un blouson vert. Nous le retrouverons plus d’une demi-heure plus tard en train d’encadrer les militants de la LDJ qui, avec des membres du DPS – le service d’ordre du FN –, protègent, derrière un cordon de CRS, la marche de Marine Le Pen.

La présidente du parti d’extrême droite, huée et sifflée à son arrivée par de nombreux manifestants, dont beaucoup de femmes, a été contrainte de quitter le cortège avec sa petite troupe composée notamment des députés Sébastien Chenu, Bruno Bilde, Gilbert Collard et Louis Aliot, son compagnon. Repliée rue de Montreuil, elle a rejoint par la rue des Boulets, et sous les invectives, la manifestation boulevard Voltaire où des militants de la LDJ, encore plus nombreux, lui ont ouvert la voie dans une ambiance électrique. N’hésitant pas à bousculer et rudoyer les manifestants qui affichaient trop près leur hostilité à Marine Le Pen et à son parti, ils l’ont accompagnée ainsi en remontant la rue de Charonne jusqu’au domicile de Mireille Knoll.

LDJ-FN : Des relations anciennes

Cette collaboration n’a rien d’une surprise. Les premiers contacts entre la Ligue de défense juive (branche française d’un mouvement néosioniste classé comme organisation terroriste aux USA et interdit en Israël) et le Front national remonteraient au début des années 2000 .

Le 26 février 2006, sur une idée de Marine Le Pen, une délégation du FN, conduite par Jean-Richard Sulzer – présent hier soir aux côtés de la présidente du FN – et Marie-Christine Arnautu, alors conseillers régionaux d’Ile-de-France, avait participé, sous la protection de la LDJ, à la manifestation organisée en mémoire d’Ilan Halimi, assassiné après avoir été torturé par le « gang des barbares ». Le Crif, la Licra et SOS Racisme, qui ne souhaitaient pas cette présence, n’avaient pu s’y opposer. Cette convergence est rapportée par Christiane Chombeau, alors journaliste au Monde et présente dans le cortège, dans la biographie qu’elle a consacré à la future présidente du FN, Le Pen, fille & père (Panama, 2007, p. 315) : « Ce n’est pas le FN ou Villiers qui sont antisémites mais les mouvements gauchistes pro-palestiniens, avaient expliqué alors les militants de la LDJ. Avec eux, aujourd’hui, on a les mêmes ennemis. »

En 2013, Mediapart avait aperçu Jean-Claude Nataf, alias « Eliahou » mais aussi « Amon Cohen » ou « Carlisle », dans la foule du 1er Mai du FN. Il écoutait le discours de Marine Le Pen en compagnie de Philippe Péninque, ancien du GUD et conseiller officieux de la présidente du FN.

Le 1er août 2014, au micro de RTL, la présidente du Front national défendait l’existence de la LDJ après que Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, eût évoqué la possibilité de sa dissolution.

En retour, la LDJ avait fait savoir, quelques heures avant la marche, que celle-ci n’était « pas la propriété intellectuelle du CRIF ». Et dans un clin d’œil appuyé au frontiste Gilbert Collard, elle demandait : « Qui est le Crif pour décider de qui a le droit ou non d’exprimer son émotion dans la rue ? »

À l’issue de la marche, le compte de la LDJ a retweeté plusieurs tweets de Jean-Richard Sulzer remerciant la police et ses militants.

B) Aux sources du Front national-sioniste : Jean-Richard Sulzer

Le soutien extérieur du système à Marine Le Pen ne doit pas faire oublier comment ce qui fut le mouvement national a été noyauté de l’intérieur. À ce titre l’arrivée et l’accession à des postes majeurs de personnes telles que Jean-Richard Sulzer sont exemplaires.

Né le 22 août 1947 à Besançon, Jean-Richard Sulzer habite à Neuilly-sur-Seine, l’une des communes les plus riches de France, très courue par la communauté israélite dont il est lui-même issu. C’est dans cette ville, fief des Sarközy-Sebaoun où il prit sa carte de l’UMP.

Marié et père de deux enfants, il est professeur de gestion à l’Université Paris-Dauphine. Expert en finances d’entreprise et en finances publiques, il a publié divers ouvrages consacrés essentiellement à ce domaine de la finance.

Homme du régime, il a été "honoré", entre autres, des titres de chevalier dans l’Ordre National du Mérite, chevalier des Palmes Académiques ; il a reçu la médaille d’Argent de la Ville de Paris (pour d’évidentes raisons) et la médaille de Bronze de la Jeunesse et des Sports. Bruno Gollnisch, universitaire d’un tout autre niveau, n’a jamais obtenu la moindre récompense du système...

Au-delà d’un parcours politique d’apparence chaotique (des centristes au vote Mitterrand, de l’UMP de Chirac au néo-FN de Marine Le Pen), les grandes lignes d’un engagement apparaissent, celles de la défense d’une République maçonnique irrémédiablement ennemie de la France par l’alliance entre la droite libéraliste et conservatrice et l’extrême droite sionisée et débarrassée de tous ses éléments nationalistes.


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