SNCF. Marine Le Pen se moque des syndicats qui vont « pleurnicher » dans la rue

jeudi 22 mars 2018.
 

Interrogée mercredi sur son « soutien » à la mobilisation des cheminots, la présidente du Front national a une fois de plus donné des preuves de son anti syndicalisme devant la presse parlementaire.

Elle a beau dire sur tous les tons qu’il faut « préserver la nation » et ses joyaux, services publics en tête, non, Marine Le Pen « n’appelle pas à manifester » contre la réforme de la SNCF. Il y aura « certainement des adhérents dans les cortèges », puisque le FN rassemblerait « un Français sur trois », dit-elle, mais sa haine des syndicats chevillée au corps l’empêche de leur apporter un quelconque « soutien », a-t-elle répondu mercredi à l’Association des journalistes parlementaires qui la recevait à l’Assemblée nationale. A propos de la CGT, elle dénonce le « jusqu’au-boutisme syndical qui a fait beaucoup de mal », ayant « par le passé » pénalisé les plus faibles en multipliant les « blocages ». Paradoxalement, sans doute parce qu’elle ne peut se couper de sa base - si réellement une partie de ses adhérents soutenait les cheminots -, elle ne peut que prendre leur défense : ils ont beau avoir « certains avantages qui apparaissent comme indus », valide la présidente du FN, ce n’est « pas le statut des cheminots qui a créé la dette » de la SNCF. « Est-ce que ceux qui dénoncent ce statut privilégié ont poussé leurs enfants à entrer à la SNCF ? », s’interroge-t-elle. « Non. Preuve qu’il ne doit pas être si confortable. »

Faire semblant de défendre le service public tout en attaquant les « élites » ? La députée FN exécute un numéro d’équilibriste... en réalité déséquilibré. Car si elle paraît en phase avec les préoccupations des salariés de la SNCF, dénonçant la « privatisation à terme » de l’entreprise, elle en profite pour attaquer et leur motivation et leur légitimité. « Ils vont avoir du mal à mobiliser », prophétise Marine Le Pen à propos de la grève qui se profile. Essentiellement, selon elle, « car la réforme (du statut - ndlr) porte sur les entrants ».

Ou comment faire passer le message que les « privilégiés » seraient en plus des individualistes qui ne veulent que préserver leurs acquis personnels, et pas les conditions de travail des futurs embauchés. Passons sur le fait que pour elle, les syndicats ont « tous appelé à voter Macron » au second tour de l’élection présidentielle (ou plutôt à faire barrage à sa propre candidature), lui donnant dit-elle, « un blanc-seing » pour mener sa politique et se retrouvant contraints d’« aller pleurnicher » dans la rue.

Au passage elle délivre une vision de l’exercice du pouvoir par ordonnances - mot qu’elle ne cite pas une fois dans les 144 engagements de son programme présidentiel. Pour elle, même si le rôle du Parlement est réduit, c’est « une méthode de gouvernement qui peut se défendre ».

Alors que plusieurs cadres frontistes, dont le secrétaire général Nicolas Bay, avaient trouvé le procédé « très contestable » au moment de la signature des ordonnances sur la loi Travail en septembre dernier, il est vrai qu’elle n’en avait rien dit.

Si les syndicats ne trouvent pas grâce à ses yeux - elle partage cette méfiance des « corps intermédiaires » avec Nicolas Sarkozy - c’est que les salariés s’en détournent, preuve qu’ils « ne sont pas représentatifs », explique-t-elle, et surtout pas « soumis au même contrôle que les partis », c’est à dire à validation de leurs comptes par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Et de remettre sur le tapis une vieille revendication de l’extrême droite, plus tournée vers des corporatismes qui lient patrons et salariés dans un destin commun niant l’existence des classes que vers un syndicalisme géré par les travailleurs eux-mêmes : la « liberté de création » de syndicats. Sous le nom de « liberté » se cache la volonté de faire sauter la représentativité et l’indépendance des centrales syndicales au profit de syndicats maison.

Le Front national l’avait déjà expérimenté sous la houlette de Bruno Mégret à la fin des années 1990, mais leur dénomination (FN-Police, FN-RATP, FN-Pénitentiaire...) ne cachait pas la volonté d’implantation politique, ce qui a valu leur dissolution au motif que « les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes visées par leur statut » (article L-411-1 du Code du travail).

Par peur d’être en contradiction avec cette définition, s’il y a « des adhérents (FN) dans les cortèges » syndicaux le 22 mars, ils voudront rester discrets sur le double discours de leur patronne.

Grégory Marin, L’Humanité


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