28 heures : la mobilisation des métallos allemands fait trembler le patronat européen

jeudi 8 février 2018.
 

Une hausse salariale de 6 % et le droit à une semaine de 28h pendant deux ans sur la carrière : voilà ce que revendique le syndicat IG Metall, qui représente près de quatre millions de travailleurs en Allemagne. Le mouvement social lancé par le plus grand syndicat européen commence à faire très peur au patronat allemand. Et à ses voisins.

Dès le 8 janvier, le syndicat a lancé une vague de débrayages de quelques heures qui a touché plusieurs centaines d’entreprises. Vendredi dernier, le 26 janvier, après 16 heures de négociation ayant abouti à un refus du patronat, le syndicat a appelé à des grèves tournantes de 24 heures cette semaine. Ces grèves ont lieu dans 300 usines entre mardi soir et samedi prochain. Le syndicat demandera ensuite aux travailleurs de se prononcer sur une grève nationale généralisée aux autres secteurs, et illimitée, si un accord n’est pas trouvé rapidement. La justice donne raison aux grévistes

Les entreprises métallurgiques ont entamé plusieurs actions en justice pour tenter de faire interdire les premières grèves de 24 heures de ce mercredi 31 janvier. Elles voulaient aussi que les grèves soient suspendues et que les arrêts de production soient compensés. Le syndicat a rejeté cette tentative d’intimidation en rappelant que le droit de grève est inscrit dans la Loi fondamentale (Constitution allemande). La justice vient de donner raison aux travailleurs en grève.

Ce mercredi, la première grève tournante a été un franc succès. 68 000 travailleurs ont arrêté le boulot dans 80 usines à travers le pays. Ce jeudi 1er février, la grève concerne principalement les constructeurs automobiles. Par la suite, les travailleurs pourraient paralyser l’ensemble des géants industriels du pays. Bon pour l’économie

Tous les deux ans, les métallos allemands se mettent en mouvement pour exiger des augmentations de salaires. Ils basent leurs revendications sur les chiffres d’augmentation de la production, de la productivité et des profits des entreprises : « Ce sont les travailleurs qui produisent toujours plus de richesses, ils ont le droit de voir la couleur de ces richesses produites. »

En plus, c’est bon pour l’économie : comme les années précédentes, le principal moteur de la croissance est la consommation privée, en raison de l’augmentation du pouvoir d’achat, à laquelle les hausses salariales d’IG Metall ont largement contribué.

Jusqu’ici, les patrons allemands se disent prêts à lâcher seulement 2 % à 4 % d’augmentation salariale. Mais c’est la revendication des 28 heures qui polarise les tensions. « Le temps est la chose la plus précieuse que nous avons »

Pour les métallos allemands, le temps de travail doit pouvoir s’adapter à la vie privée, et pas toujours l’inverse. Ceux-ci veulent pouvoir, pendant deux ans, travailler 28 heures par semaine avec un complément de 200 euros payé par l’employeur. Le patronat refuse, sauf s’il peut faire travailler les métallos plus de 35 heures par semaine et augmenter les heures supplémentaires. Pour le syndicat, pas question de toucher au rempart des 35 heures par semaine, les horaires de travail étant déjà trop flexibles. Une flexibilité dont profitent les entreprises un maximum : 57,3 % des travailleurs font des heures supplémentaires, dont la moitié le samedi et un quart le dimanche.

Les travailleurs veulent pouvoir respirer et avoir plus de liberté dans l’organisation de leur vie privée. D’après un sondage du syndicat réalisé auprès de plusieurs centaines de milliers de travailleurs, 82 % d’entre eux aimeraient travailler temporairement moins longtemps. Jürgen Köhler, métallo, soutient totalement cette mesure : « J’ai rarement tout un week-end de repos. Mon fils a neuf ans. Il m’a demandé un jour si j’avais un lit au travail. (…) Le temps est la chose la plus précieuse que nous avons. » En effet, cette mesure permettrait de pouvoir adapter un peu son temps de travail en fonction des aléas de la vie. Pour l’instant, cette option est laissée au bon vouloir de l’employeur de chaque entreprise. Moins de mini-jobs

IG Metall souhaite faire adopter cette réduction du temps de travail à 28 heures pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans, avec un droit de retour aux taux d’occupation initial.

Le patronat crie au risque de pénurie de main d’œuvre. « Argument » réfuté par les travailleurs : il existe encore en Allemagne un potentiel considérable de main-d’œuvre inexploitée. La part la plus importante est représentée par les 2,6 millions de personnes avec des mini-jobs ou contrats à temps partiels. La grande majorité d’entre eux aspirent à augmenter leurs heures de travail. Une lutte déterminante pour le reste des travailleurs européens

Beaucoup d’employeurs européens ont les yeux rivés sur la lutte en cours en Allemagne. En effet, ce mouvement est important pour l’Europe entière. L’Allemagne est l’économie la plus forte d’Europe, ce qui s’y passe risque d’influencer tous les syndicats européens. Si les travailleurs allemands arrivent à arracher une augmentation de salaire de 6 % et une semaine de 28 heures pendant 2 ans, cela risque de donner des idées aux travailleurs du reste du continent…

Le patronat allemand fait actuellement un blocage complet concernant la semaine de 28 heures. Même si la demande des travailleurs ne porte que sur deux ans de la carrière. L’establishment craint que ce mouvement relance la lutte pour une réduction plus générale encore du temps de travail. Sur toute la carrière et dans d’autres secteurs…

Benjamin Pestieau


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