Gauche : à quoi sert de survivre si c’est pour ne plus rien changer ? (Charlotte Girard BN de PRS, Coquerel MARS, Debons...)

samedi 12 mai 2007.
 

Réponse à Cohn-Bendit, Zaki Laïdi, et les autres...

La défaite est sévère. Certains seront tentés, comme en 2002, de refermer le couvercle sur les raisons profondes de l’échec et d’attendre tranquillement la prochaine échéance électorale. L’heure est au contraire à la réflexion et à l’action pour contribuer à une refondation. C’est en effet à un réarmement idéologique, politique, culturel, et à une clarification d’orientation qu’il faut s’atteler.

Après cinq ans de pouvoir d’une droite dure, le « sortant » Nicolas Sarkozy aura réussi à faire oublier les politiques brutales de démantèlement social et démocratique dont il aura été un acteur essentiel et à se faire passer pour un homme « neuf » prônant la « rupture ». Ne sous-estimons pas sa méthode : depuis dix ans, il affirme sa fierté d’être à droite, il travaille à la cohérence d’une idéologie, d’un discours et d’une perspective agrégeant les diverses valeurs de la droite, mariant ultralibéralisme et autoritarisme, « laisser faire » économique et ordre sécuritaire et identitaire. Il n’a pas dévié de cette ligne ; il en recueille les fruits.

Nous savons ce qui nous attend : une politique de contre-révolution libérale et conservatrice. Sur tous les terrains, il va falloir résister, pied à pied. Mais la lutte sera d’autant plus efficace qu’elle pourra s’appuyer sur une amorce d’alternative globale. On conteste d’autant plus et mieux que l’on sait par quoi remplacer ce que l’on refuse.

L’heure du choix d’orientation à gauche est clairement venue. Certains disent aujourd’hui que l’échec provient de la division de la gauche et de son insuffisante adaptation au libéralisme. Selon eux, il faudrait donc la rassembler autour d’une politique dite « réaliste », renonçant à contester l’ordre capitaliste, préparant les alliances au centre. Mais cette option, nourrie d’autres expériences européennes, a été au coeur de la campagne socialiste depuis quelques mois ! Ne tirant aucune leçon du 21 avril 2002, Ségolène Royal, aura tenu un discours de facture libérale sur le « goût du risque », « l’esprit d’entreprendre », le refus de « l’assistanat », la réconciliation avec le profit, allant jusqu’à disputer à Sarkozy une part du discours sécuritaire et identitaire.

Ce parti pris, accentué entre les deux tours, a désorienté l’électorat de gauche. Nous sommes convaincus que c’est l’une des clés de la défaite. L’adaptation sociale-libérale et l’ouverture au centre n’ont rien produit de bon, ni en France ni ailleurs en Europe. Cela a nourri les échecs des politiques menées par la gauche et le désarroi populaire depuis plus de vingt ans .

Nous pensons que la gauche ne renouera avec les catégories populaires que si elle contribue à construire avec elles une alternative moderne, crédible et mobilisatrice. C’est en refusant la fatalité libérale que le mouvement populaire a retrouvé son allant dans la dernière décennie.

C’est parce que la gauche de gauche n’a pas offert de prolongement unitaire à la campagne du « Non » au référendum européen et aux mobilisations sociales, qu’elle n’a pas été en mesure de peser sur le débat électoral et d’empêcher la droitisation des thèmes de campagne. Elle a, au total, réalisé, son plus mauvais score électoral depuis vingt ans, affaiblissant en conséquence la mobilisation de la gauche tout entière.

L’urgence est certes de se rassembler pour faire front, et ce dès les législatives, mais aussi de reprendre l’offensive sur le terrain des idées et des propositions autour de contenus transformateurs et attractifs.

Une gauche molle n’est pas l’outil politique adéquat face à la contre-révolution libérale ; quant à une « petite » gauche, elle serait cantonnée au rôle d’aiguillon minoritaire d’un social-libéralisme hégémonique. C’est à une refondation qu’il faut s’atteler, de la gauche, d’une gauche qui soit à gauche. Une gauche qui assume sans complexe sa vocation à répondre aux attentes populaires.

Une gauche fidèle à ses valeurs et qui se renouvelle.

Une gauche qui cesse de se dérober à la rupture avec l’ordre libéral et capitaliste dominant.

Une gauche qui ne cherche pas son salut dans des alliances à droite ou le « dépassement des clivages ».

Une gauche qui mette l’émancipation individuelle et collective au cœur de son projet et vise la conquête de nouveaux droits et libertés.

Une gauche qui donne la priorité à la satisfaction des besoins du plus grand nombre, qui relève le défi du partage des richesses et des pouvoirs, qui défende un nouveau modèle de développement respectueux des équilibres écologiques, qui replace la souveraineté populaire au cœur de ses propositions pour la France et pour l’Europe.

Ce projet peut et doit l’emporter demain à gauche. C’est la condition d’une future victoire sur la droite et sa politique. Regardons autour de nous, sans nous engluer dans la déprime ou les rancœurs.

Il y a celles et ceux qui se sont retrouvés derrière les candidatures d’Olivier Besancenot, de José Bové ou Marie-George Buffet.

Il y a ces collectifs unitaires antilibéraux qui, localement, ne se sont pas résignés à l’échec de l’unité antilibérale.

Il y a les acteurs sociaux qui savent combien l’absence d’alternative politique pèse sur l’issue de leurs luttes.

Il y a les forces intellectuelles et culturelles critiques qui ne demandent qu’à être utiles au champ politique.

Il y a, très nombreux, celles et ceux qui, socialistes, écologistes, républicains de gauche, d’autres encore, dans la jeunesse notamment, partagent la nécessité de reconstruire une gauche loin de toute normalisation social-libérale. Notre défi commun est clair : nous avons échoué pour n’avoir pas su agréger dans une visée commune toutes ces énergies antilibérales et transformatrices ; nous ne réussirons qu’en les rassemblant, dans leur diversité, sans nier leurs différences, en valorisant la part immense qui leur est commune.

La gauche doit enfin tirer le bilan de 25 ans de renoncement à être elle-même. Nous devons, très vite, redresser la tête pour résister et réfléchir ensemble : à ce qui nous est arrivé, à ce que nous voulons tous ensemble qu’il advienne. Nous avons besoin d’espaces partagés pour penser, converger, débattre, agir.

A l’automne, partis et courants politiques, collectifs et comités, tiendront congrès, assises, colloques... Au-delà, pour refonder une gauche de gauche, des convergences seront nécessaires. Pour rassembler de façon très large toutes les forces attachées à la transformation sociale, il faut entamer un processus de rapprochement pouvant déboucher sur un moment fort du type États-Généraux. Nous versons cette perspective au débat.

Après la défaite, l’heure pour la gauche est d’être maintenant, à gauche !

Le 10 mai 2007

Charlotte GIRARD (secrétaire nationale PRS)- Eric COQUEREL (président Mars Gauche Républicaine) - Claude DEBONS (ex-coordinateur collectifs du 29 mai)) - -François LABROILLE (élu régional IDF Alternative Citoyenne) - Jacques LERICHOMME (syndicaliste) - Claude MICHEL (syndicaliste) - Christian PICQUET (LCR Unitaire) - Catherine TRICOT (communiste unitaire) - José TOVAR (syndicaliste).


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