Belfort : Portrait d’Anais Beltran, candidate France Insoumise

mardi 30 janvier 2018.
 

Né en 1988 à Belfort, Anaïs Beltran est issue d’un côté d’une famille ouvrière et de l’autre d’une famille d’artistes modestes. Grande voyageuse, ses rencontres et échanges avec les populations dans le vaste monde ont donné un sens global à ses idées politiques.

Jeune maman et présidente de la Lionne Verte, une association engagée dans la transition énergétique, l’écologie et la solidarité dans le Territoire de Belfort, elle est aussi la créatrice du blog mamavegamiam avec lequel elle milite pour une alimentation gourmande mais raisonnée, qui assure la protection des animaux et des hommes.

Elle a rejoint la France insoumise, participé à la campagne de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et se présente aux élections législatives dans la 1ère circonscription (sud) du Territoire de Belfort.

Enfance entre les Résidences et Chalonvillars

« Je suis issue d’une famille belfortaine bien ancrée. Ma grand-mère, Suzanne Bourquin Enderlen, a écrit un livre,Le tremblant et mon grand oncle est à l’origine de la statue située en face de la Maison des arts et du travail. J’ai passé mon enfance entre Chalonvillars chez mes grands-parents maternels et les Résidences chez mes grands-parents paternels. Il y avait d’un côté la famille d’artistes bohèmes et de l’autre les ouvriers du bâtiment et de chez Peugeot. J’ai donc connu deux formes différentes de conditions de vie, précaires mais d’une grande richesse humaine. »

Scolarité à Belfort et Lyon

Anaïs Beltran a débuté sa scolarité à l’école Victor Hugo puis au collège Sainte Marie. Elle est arrivée à Lyon à 16 ans pour la classe de première avant un retour à Belfort pour la terminale. Elle repart pour Lyon afin d’y suivre une première année à la fac d’histoire. « Puis mon esprit curieux et aventurier me pousse à partir un an aux USA à 19 ans. De retour en France, j’ai passé une licence de sciences politiques à Lyon. »

Du journalisme à la politique

Diplôme en poche, elle se lance dans le journalisme. « J’ai été chroniqueuse àTélé-Lyon-Métropole. Le souci dans une grande rédaction, c’est l’absence de liberté et le temps court. Je me suis rendu compte auJournal de l’action sociale à Paris, où l’on parlait sans cesse d’injustice, qu’il y avait une différence entre le train de vie de la plupart des journalistes et les idées qu’ils défendent. C’est un système très verrouillé et il faut faire de la politique pour bouger les choses. »

Voyager pour découvrir à l’essentiel

En voyageant, Anaïs Beltran est revenue à l’essentiel. Sac au dos, elle se rend compte qu’il y a beaucoup de superflu dans l’existence quotidienne « des sociétés capitalistes conduisant à l’individualisme. Les voyages montrent d’autres réalités. Je privilégie le temps long, en auto-stop ou à vélo, en logeant chez l’habitant pour me plonger dans la vie quotidienne. Je suis partie en stop de Lyon à la Turquie et j’ai découvert la condition des routiers qui sont toujours au téléphone avec leurs familles. Ça m’a montré les enjeux de l’Europe avec des concurrences humaines très fortes et le dumping social des travailleurs détachés. J’ai visité la Palestine en allant dans les camps, en vivant chez l’habitant et en prenant conscience de la condition palestinienne et des contrôles qu’ils supportent quotidiennement pour aller au travail et rentrer chez eux. J’ai aussi passé six mois en compagnie d’indiens très pauvres et d’exilés tibétains en Inde. Il faut s’intégrer à la culture des autres, intérioriser leur vie bien au-delà de la conception intellectuelle, c’est sensitif. »

L’alimentation c’est la santé

Militant pour la cuisine végétale, vivante (vapeur et moins de 45°C de cuisson) et sans gluten (apparu dans les espèces récentes de blé), Anaïs Beltran a créé l’association, Mama Vegamiam avec un blog participatif donnant des recettes. « Je suis végétarienne, c’est de la compassion vis-à-vis des animaux, de la conscience écologique, la production de viande est une des premières sources de pollution dans le monde, et c’est aussi meilleur pour la santé. Changer l’alimentation c’est aussi changer de mode de vie et se donner plus de chances d’être en bonne santé. Il n’est pas facile de changer les habitudes alimentaires. Pourtant notre ventre est notre deuxième cerveau, le cerveau entérique. Par exemple, on peut déceler la maladie de Parkinson dans le ventre bien qu’elle n’apparaisse dans le cerveau. »

Bien produire et bien manger

« On vit pourquoi actuellement ? Pour travailler et s’empoisonner. Il faut retrouver le temps présent et ne pas courir après la performance. Il y a beaucoup d’inégalité et d’injustice sociale dans la production et la consommation de nourriture. Les pauvres sont plus vite malades et obèses. Il faut respecter toute la chaine de la terre à l’assiette. Le rapport au monde animal a beaucoup changé aujourd’hui, avec d’un côté l’animal industriel désincarné et de l’autre les petits animaux domestiques qu’on aime passionnément. »

Permaculture locale et bio

« Une autre alimentation permet de revoir notre rapport à la nature, de préserver sa santé et d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs et des ouvriers. Le système actuel ne permet pas aux gens de vivre dignement. Un agriculteur se suicide tous les deux jours, soit plus de morts que lors des attentats. Développer l’agriculture locale n’est pas suffisant, il faut faire du bio ou au moins être en transition vers le bio. Dans le même esprit, nous devons développer la permaculture et permettre à des jeunes de s’installer dans l’agriculture pour aller vers l’autonomie alimentaire. »

Rapprocher le rural et l’urbain

« Depuis mon retour à Belfort, j’ai été prise entre le bonheur de retrouver la nature par rapport aux grandes villes et la surprise d’une désertification des jeunes qui ne reviennent pas après leurs études. Il faut une vision politique à long terme pour garder les jeunes en province. Belfort est au ralenti et les villes ne vont pas assez vite pour changer. La politique doit aussi créer du lien intergénérationnel pour que personne ne termine sa vie tout seul. Cela passe par un rapprochement entre le rural et l’urbain et par l’innovation au service de l’environnement, donc de l’homme, qui ne vit pas hors-sol. »

Inventer l’après pétrole et l’après nucléaire

Anaïs Beltran souhaite renforcer le lien entre l’économie locale, la solidarité et le respect du vivant. « Il existe un exemple très proche à Ungersheim, village en transition. Nous devons passer à l’après pétrole et on ne mesure pas assez le danger du nucléaire. Dépenser des sommes astronomiques pour prolonger la vie des centrales est aberrant car il y a des possibilités dans le renouvelable. Passer à une énergie en totalité issue du renouvelable en 2050, implique d’innover dans la production et la distribution à l’échelon local. »

Recycler pour les générations suivantes

« Si l’on pense aux générations suivantes, le recyclage est une priorité, il y a trop de gaspillage. J’ai un jardin ouvrier avec mon compost. C’est une richesse immense, y compris dans l’éducation des enfants. Apprenons-leur la patience, la coopération entre espèces vivantes. La compétition tue et ne fait pas avancer les choses. »

La politique contre la pauvreté

« Ce qui a aussi motivé mes luttes politiques c’est de voir les membres de ma famille morts jeunes à cause de conditions de travail, physiques, morales ou les deux, très difficiles. La pauvreté n’est pas que matérielle, elle est aussi consumériste comme chez nous et c’est terrible.

Paradoxalement l’épuisement physique est aussi prégnant chez le personnel de santé, censé prendre soin des malades, mais qui travaille 12 heures par jours avec 30 minutes pauses. Le peu de moyen humain et la marchandisation de l’hôpital public est une aberration à laquelle une politique cohérente doit remédier. »

L’importance des lieux de socialisation

Pour Anaïs Beltran, la politique est partout. « Chez Marcel et Suzon (où s’est déroulé l’entretien), ils font de la politique en assurant un lien social et en proposant des plats végétariens. La bibliothèque en libre-service est une ode à la culture et l’atelier Land art une ode à la beauté. C’est un lieu d’émulation et de rencontre. Je trouve très important d’avoir un troisième lieu de socialisation qui complète le temps passé chez soi et celui passé au travail. »

Députée pour retrouver la démocratie

« J’ai été abstentionniste pendant dix ans mais c’était une erreur. Il faut choisir une alternative sinon on perpétue le système. La lettre ϕ c’est l’harmonie et la grande question est de rétablir cette harmonie. Dans la France insoumise, il y a beaucoup de personnes qui n’ont jamais été encartées dans un parti politique. Mon engagement pour les législatives, au sein de la France insoumise, est une volonté d’échapper aux lobbyistes qui influencent les lois. Un élu national en a trois sur le dos en moyenne et notre mouvement citoyen offre une opportunité de renverser les choses. Nous voulons une 6e République avec des députés-citoyens. Le peuple se réenchante à faire de la politique pour changer la France et sa ville. L’opportunité de révoquer des élus donnerait un contrôle démocratique aux Français sur leurs représentants. »


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