La question nationale et l’émancipation sociale (par Andrès Nin)

samedi 13 janvier 2018.
 

1) Présentation par Robert Duguet

Voici quelques extraits d’une brochure rédigée par Andres Nin, dirigeant historique du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) sur la question de la Catalogne à la veille du coup d’état de Franco. Son parti fut très actif dans le processus révolutionnaire en Catalogne, notamment comme on le voit très bien dans le film de Ken Loach « Terre et liberté » de collectivisation des terres agricoles et de démantèlement des grands domaines latifundiaires.

Le POUM, comme la CNT, subiront la répression des agents staliniens du NKVD aux ordres de Staline, notamment infiltrés dans les Brigades Internationales, avec le soutien du PCE (Parti Communiste Espagnol). Au nom de la lutte contre le franquisme, le PCE s’impliqua dans le démantèlement du processus révolutionnaire en cours et œuvra avec acharnement pour remettre le pouvoir aux prétendus « républicains » bourgeois, totalement minoritaires dans la révolution espagnole.

Le POUM sera dissous et ses dirigeants assassinés par les hommes de main de Staline. Andrès Nin, interlocuteur de Léon Trotsky en 1931, meurt assassiné le 20 juin 1937 à Alcalá de Henares, sur ordre d’Alexandre Orlov, responsable du commissariat du peuple pour les affaires intérieures (NKVD) en Espagne. Il n’est pas question pour le dictateur sanglant du Kremlin de toucher à l’appropriation privée des moyens de production et d’appliquer une réforme agraire contre les latifundia.

En frappant la tête de la Catalogne révolutionnaire et les mesures socialistes qu’elle commençait à prendre, Staline donnait à Franco des moyens supplémentaires de l’emporter sur le plan militaire dans la guerre civile. Ceci s’ajoutant aux réserves d’or de la république espagnole que le dictateur du Kremlin s’appropria en échange de livraisons d’armes inutilisables…

2) Extraits de : « Le marxisme et les mouvements nationalistes » septembre 1934

[…] Les mouvements nationaux jouent un rôle de premier plan dans le développement de la révolution démocratico-bourgeoise, ils entraînent dans la lutte des masses immenses et constituent un facteur révolutionnaire très puissant que le prolétariat ne peut pas ne pas prendre en compte, surtout dans des pays comme le nôtre, où cette révolution n’a pas encore eu lieu. Tourner le dos à ces mouvements, adopter une attitude d’indifférence envers eux, c’est faire le jeu du nationalisme oppresseur et réactionnaire, malgré les tentatives pour occulter une telle attitude derrière la façade de l’internationalisme. La position du prolétariat doit être, à ce propos, claire et concrète et s’articuler à l’objectif de resserrer les liens entre les ouvriers des différentes nations qui forment l’Etat et d’impulser la révolution pour qu’elle aille de l’avant. […]

Le prolétariat, par sa nature et par la mission que l’histoire lui assigne, est appelé à réaliser ce que ni la grande bourgeoisie ni la petite ne sont capables de faire : la révolution démocratico-bourgeoise. Il est le seul, par conséquent, à pouvoir résoudre radicalement le problème national. Mais, pour cela, il importe qu’il adopte une attitude claire et définie face à lui. La tradition du marxisme lui propose, en ce sens, une orientation précise.

Marx et Engels ont souligné maintes fois le rôle progressiste des mouvements d’émancipation nationale et, plus particulièrement, l’immense importance de la lutte de la Pologne et de l’Irlande. L’indifférence envers ces mouvements représentait, à leurs yeux, un appui direct au chauvinisme oppresseur qui est à la source du pouvoir de classe de la bourgeoisie de la nation dominante. (…) Marx affirmait que « la victoire du prolétariat sur la bourgeoisie est en même temps le signal de l’émancipation de toutes les nations opprimées ». […]

Le mouvement national catalan, par son contenu et par la participation des masses populaires, est, à l’heure actuelle, un facteur révolutionnaire de premier ordre, qui contribue puissamment, avec le mouvement ouvrier, à contenir l’avancée victorieuse de la réaction. D’où l’on déduit clairement quelle est l’attitude que doit adopter à son endroit le prolétariat révolutionnaire :

1/ un soutien actif au mouvement d’émancipation nationale de la Catalogne, en opposition énergique à toute tentative de la réaction pour l’attaquer.

2/ Une défense du droit indiscutable de la Catalogne à disposer librement de son destin, sans que l’on exclue son droit à se séparer de l’Etat espagnol, si telle est sa volonté.

3/ La prise en considération que la proclamation de la République catalane est un acte d’une énorme importance révolutionnaire.

4/ Se saisir du drapeau de la République catalane pour déplacer de la direction du mouvement la petite bourgeoisie indécise et portée à capituler, qui prépare le terrain de la victoire de la contre-révolution ; pour faire aussi avec la Catalogne émancipée du joug espagnol le premier pas vers l’Union des Républiques Socialistes Ibériques.


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