2017 2018 Election de Macron et rupture libérale

mercredi 3 janvier 2018.
 

L’élection d’Emmanuel Macron, grâce à la présence au second tour d’une extrême droite dont on a gonflé les voiles, est un événement que nous aurions tort de minimiser. Son accession au pouvoir dans un tel cadre signe une rupture déterminante avec les alternances régressives auxquelles nous étions, malheureusement et malgré nous, habitués. Incontestablement, M. Macron est l’homme de la situation pour les puissances d’argent qui rêvent d’accorder la France et son « modèle social » au diapason de la mondialisation capitaliste financiarisée. Il est, pour eux, l’alternative aux alternances qui non seulement s’essoufflait mais ne permettaient pas - de leur point de vue - d’opérer une révolution copernicienne d’ampleur par la destruction :

- du droit du travail au bénéfice du droit des actionnaires,

- du droit à la protection sociale au bénéfice des assurances privées,

- du droit à l’alimentation au bénéfice des oligopoles de l’agro-business,

- du droit à la libre administration des communes au bénéfice d’un Etat marié avec des institutions européennes centralisées.

Offensive qui se manifeste encore par l’abaissement du salaire minimum au bénéfice de la rente financière, foncière et immobilière, une contre révolution fiscale allant au-delà des désirs de la bourgeoisie qui reste discrète, une France installée dans un Etat d’urgence permanent au détriment des libertés publiques, et un hyper « Président - chef d’entreprise » qui méprise les contrepouvoirs, les oppositions parlementaires et les corps intermédiaires.

Au tableau saisissant des dizaines de mesures historiques prises par le nouveau pouvoir pour détruire le modèle social français s’ajoute une pratique monarchique assumée du pouvoir présidentiel. La majorité parlementaire acquise au Président feint de minimes oppositions dans les champs sociétaux pour instiller l’idée qu’elle recouvrirait l’ensemble des sensibilités du pays. Ainsi se retrouvent décrédibilisées les oppositions et est rendue inaudible une contestation qui se satisfait de la floue, stérile et fausse opposition entre « ancien » et « nouveau monde ». Rien de tel pour assouvir les demandes des puissants et obtenir une soumission tacite de celles et de ceux qui n’en peuvent plus de l’ultra-libéralisme qui enchaine les travailleurs comme les privés d’emploi à la loi du profit.

Le nouveau paradigme macronien s’accommode parfaitement du vernis des colères et d’une opposition de gauche dont on entretient la division entre « l’ancien » et le « nouveau monde ». Ce « nouveau monde » dont se réclame justement M. Macron ! Le pouvoir fait son miel des pièges identitaires qui sont multipliés à dessein sur le dos des principes républicains et enveniment le débat public pour détourner le regard de la salle besogne d’un aréopage de technocrates asservi au nouveau pouvoir et qui ronge chaque jour et sans coup férir l’os du compromis économique et social conquis au siècle dernier.

Le pouvoir avance masqué. Diffus, il nous échappe comme la savonnette, glissant de l’alcôve des conseils d’administration des grands groupes aux salles de marché, puis dans les arrières salles où sont prodigués de coûteux conseils par les avocats d’affaires des paradis fiscaux, avant d’inspirer par notes et rapports à la commande, les grandes orientations politiques. Une meute de « Spécialistes », de journalistes, se chargent de faire accepter leurs contenus écrits à l’encre de l’inacceptable.

Ce pouvoir fait plus que jamais son miel de systèmes démocratiques malades qui organisent la compétition électorale entre fondés de pouvoir, souvent millionnaires, qui surfent avec habileté sur les humeurs des citoyens pour s’attirer leurs suffrages à grand renforts de conseils marketing. Chômage, précarité du travail et abstention électorale deviennent autant de nécessités pour que se perpétue ce système illégitime où les décisions cruciales échappent à la délibération démocratique.

Mais, ils ont un sérieux problème. Ce néolibéralisme, entretenu par un débat d’idées cloisonné et par l‘immunité dont bénéficient les détenteurs de capitaux indument protégés par le sacro-saint droit de propriété, ne rencontre pas l’assentiment d’une majorité des citoyennes et des citoyens.

Aussi, dans le même mouvement et en conséquence, croît partout le sentiment que ce monde-là n’est pas à visage humain ; pire, qu’il est dominé par une pulsion de mort qui conduit à l’abîme la planète et les êtres qui l’habitent. Ce sentiment angoissant, diffus et contradictoire, peut conduire à la colère et à l’égoïsme, endurcir un chacun pour soi que l’individualisme libéral érige en règle de vie ou en morale. Il peut encore encourager les réflexes de repli, nationalistes et cocardiers, qui ont toujours été le poison mortel de la gauche.

L’asservissement au modèle néolibéral n’est rendu possible que par l’absence de réponses collectives, brocardées, vilipendées et raillées par les apôtres du libre-échange et de l’argent roi, empêchées par les divisons qui minent le camp du progrès humain.

Par Patrick le Hyaric, directeur de l’Humanité, député eruropéen


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