Lignes ferroviaires régionales : Le train-train de la privatisation

dimanche 12 novembre 2017.
 

C’est une histoire de la vie comme elle va désormais quand le libéralisme règne en maître. Le quatrième paquet ferroviaire européen, voté au Parlement européen, prévoit que la libéralisation des lignes régionales commencera en 2019. Des zélés prennent les devants. Vendredi 20 octobre, le Conseil régional Provence Alpes Côte d’Azur mettait à son ordre du jour une délibération pour préparer l’ouverture à la concurrence de ses lignes régionales de chemin de fer. Pourquoi attendre 2019 ? Le Conseil régional souhaite aller le plus vite possible pour ouvrir à des entreprises privées les TER. C’est pourquoi il lance dès maintenant cet « appel à manifestation d’intérêt ». Déjà, depuis le début de l’année, la région a rompu la convention qui la liait à la SNCF. Les présidents de région Christian Estrosi puis Renaud Muselier n’ont eu de cesse de montrer du doigt l’entreprise publique pour la qualité du service qu’elle apporte. Il est vrai que les retards sur les TER sont excessifs en région PACA. Encore faut-il en examiner les causes.

D’abord, la moitié des retards s’explique par des évènements naturels auxquels la région est plus exposée que d’autres. Par exemple les incendies. Ensuite, le réseau TER de la région PACA compte parmi les lignes les plus saturées du pays, comme celle qui relie Cannes à l’Italie. C’est même le deuxième réseau régional le plus fréquenté après celui de l’Île-de-France. Et, comme partout, il souffre du sous-investissement depuis 25 ans dans le réseau ferroviaire de proximité. En effet, la plupart des investissements publics se sont concentrés sur le développement du TGV. 38% des investissements y ont été consacrés ! Pourtant ce réseau ne concerne que 2% des des trajets. Résultat : si on exclut les lignes à grande vitesse, le réseau ferré français a été réduit d’un cinquième. Le manque d’investissement est donc davantage responsable de la dégradation de la qualité que ne l’est la gestion par une entreprise publique.

Le Royaume-Uni offre un bon exemple de ce que donne la gestion du train par le privé. Dans ce pays, le réseau ferroviaire a été ouvert au privé en 1996. Depuis, la situation n’a cessé de se dégrader. La proportion des trains qui arrivent en retard est supérieure de 50% à celle de la SCNF. Entre avril 2015 et mars 2016, dans le réseau sud de l’Angleterre, seul un train sur cinq arrivait à l’heure. Le coût pour les usagers a considérablement augmenté : trois fois plus rapidement que les salaires. Lisez ça : le coût moyen du trajet du domicile au travail représente 14% du revenu des familles britanniques ! En France aussi on a pu mesurer l’inefficacité de la libéralisation par exemple dans le domaine du fret ferroviaire. Sous l’effet des directives européenne, la France a ouvert le transport de marchandises ferroviaires en 2006. Alors ? Depuis, la part du train dans le transport de marchandises a diminué d’un cinquième !

Dans son intention de courir au devant des consignes de la commission européenne pour tout libéraliser, Renaud Muselier a de bons alliés : le Président de la République et son gouvernement. Dès la campagne présidentielle, Emmanuel Macron déclarait : « l’État doit permettre aux régions de recourir à la concurrence dès qu’elles le souhaitent et dans de bonnes conditions ». C’est le résumé de l’orientation tracée par la future loi ferroviaire qui sera présentée par le gouvernement en 2018. Macron permettra ainsi à la région PACA de vendre l’exploitation des lignes régionales au plus offrant, et le plus rapidement possible. De même, toutes les dispositions que présentera le gouvernement dans cette loi sur la destruction du statut des cheminots n’auront qu’un seul but. Celui de préparer l’ouverture à la concurrence et donc à des compagnies privées de toutes les lignes ferroviaires. En effet, il faut pour cela que les travailleurs du rail, aujourd’hui agents de la SNCF, puissent passer dans des contrats de droit privé afin d’être embauchés par d’autres entreprises. Macron aurait prévu pour y contraindre la SNCF de lui faire un chantage à la dette : abandon de ses caractéristiques de service publique contre un allègement de sa dette.

C’est oublier que la dette ferroviaire est principalement issue de la reprise de vieilles dettes des compagnies privées qui pré-existaient à la SNCF et des investissements très lourds dans le développement du TGV. Les conditions salariales des cheminots n’y ont aucune responsabilité. L’exploitation des lignes va donc être confiée à des sociétés privées. Bruno Le Maire a annoncé que l’investissement dans les infrastructures serait aussi désormais ouvert au privé : « au delà de l’argent public, ce qui compte à nos yeux c’est d’attirer les financements privés pour construire les infrastructures de demain. ». Cette orientation est contraire aux principes d’intérêt général qui devraient commander nos investissements dans des infrastructures de transport. Y introduire des investisseurs privés signifie que c’est la rentabilité qui primera avant tout dans les choix. Sale temps en vue pour les usagers devenus des clients ! « Faites-les taire ! »


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