Budget Macron : 9 milliards en plus pour les plus fortunés

vendredi 27 octobre 2017.
 

- A) Impôts  : Macron taxe les pauvres pour aider les riches

- B) L’exécutif serre la vis sans fin de l’austérité budgétaire

A) Impôts  : Macron taxe les pauvres pour aider les riches

Le premier budget de l’État du quinquennat est marqué par un transfert fiscal inédit des ressources des ménages modestes et moyens vers les plus aisés. Ces derniers bénéficieront de 4,5 à 7 milliards de nouveaux cadeaux financés par la hausse de la CSG pour tous.

C’est pour «  investir, innover et créer de l’emploi  », à en croire le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, que les revenus sur le capital des plus riches vont drastiquement baisser. Ainsi l’ISF va changer drastiquement et ne concernera plus que le patrimoine immobilier. Les revenus du capital, à savoir les dividendes, les actions, les intérêts ou encore les plus-values de cession, soit l’écrasante majorité de la fortune des ultra-riches, en seront exemptés. «  Avec un taux d’imposition de 1,5 % pour les plus gros patrimoines, cette transformation de l’ISF permettra aux ultra-riches d’économiser 15 000 euros par million d’euros de patrimoine  », calcule l’ONG Oxfam dans son rapport «  Réforme fiscale  : les pauvres en paient l’impôt cassé  », pour un manque à gagner direct de 3,2 milliards. Et ce, dans un contexte où la fortune des milliardaires français a déjà augmenté de 21 % cette année, selon le classement de Challenges… Le dossier de présentation du budget par Bercy recense ainsi des «  cas types  », comme celui d’un contribuable disposant d’un patrimoine de 11 millions d’euros passant de 108 690 euros d’ISF cette année à… zéro euro l’an prochain.

À la place de l’ISF, le gouvernement a emprunté l’idée scandinave d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU), qui prévoit de taxer à un niveau fixe et maximum de 30 % (la «  flat tax  ») tous les revenus liés au capital, prélèvements sociaux compris dans ce plafond. En clair, c’est le retour du bouclier fiscal pour le capital ainsi mis à l’abri de toute hausse d’impôt à l’instar de la CSG, puisque celle-ci sera aussitôt «  neutralisée  » par le plafond des 30 %. Quant aux assurances-vie, elles seront exemptées du PFU de même que les abattements fiscaux sur la plus-value réalisée lors de la vente d’entreprise. À l’issue du quinquennat, 10 % des Français les plus pauvres perdront 337 euros par an

Au total, la mise en place du PFU représente une nouvelle perte nette de rentrées fiscales de près de 1,3 milliard d’euros par an selon le gouvernement, plutôt de 4 milliards selon les calculs de l’OFCE qui prend en compte la promesse de l’exécutif que «  personne n’y perdra  ». Avec la réforme de l’ISF, le cadeau fiscal pour les plus riches s’élève à 4,5 milliards pour le gouvernement, plus de 7 milliards d’euros selon l’OFCE, dont 5 pour les seuls 340 000 foyers les plus riches. Et, à l’inverse, d’autres baisses d’impôts promises, ces cadeaux fiscaux arriveront dès le 1er janvier.

Il faudra patienter un peu plus pour voir, par exemple, la taxe d’habitation exonérée pour 80 % des ménages contre 20 % aujourd’hui, puisque cet engagement sera réalisé d’ici à 2020, avec une première tranche de baisse (30 %) dès 2018. Patience aussi, pour voir la suppression intégrale promise des cotisations maladie et chômage des salariés du privé, qui devrait se répercuter sur le salaire net et permettre ainsi «  un gain net de pouvoir d’achat équivalent à 1,45 % de salaire brut  », en tenant compte de la hausse de la CSG. Car si celle-ci s’appliquera dès le 1er janvier 2018 à tous les revenus, la baisse des cotisations, elle, «  sera mise en place en deux temps  »  : un premier tiers du «  gain  » accordé en janvier (0,5 % du salaire), et les deux autres tiers (0,95 %) en octobre. Entre les deux, une partie de la hausse de la CSG se sera évaporée… pour financer le manque à gagner des cadeaux faits aux plus aisés.

Reste que les retraités qui perçoivent une pension de plus de 1 300 euros par mois et les fonctionnaires devront s’acquitter de la hausse de la CSG sans compensation pour les premiers, insuffisante pour la compenser pour les seconds avec la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité de 1 %. Les uns et les autres seront donc perdants dès le 1er janvier, et sans que cela serve à enrichir les salariés du privé  !

Si on ne connaîtra le détail du plan de financement de la Sécurité sociale qu’aujourd’hui, Manon Aubry d’Oxfam insiste d’ailleurs sur le fait que les cadeaux fiscaux faits aux plus riches seront en partie financés par une baisse des prestations sociales. Les économies réalisées sur les aides personnalisées au logement (APL), qui ont déjà commencé, atteindront 2 milliards d’euros dès l’année prochaine, et la coupe s’élèvera à 3,3 milliards à l’horizon 2019. Le budget de la Sécurité sociale devrait, lui, être plombé de 5 milliards d’euros. En prenant en compte ces baisses de prestations, l’OFCE a pu calculer que les 10 % des Français les plus pauvres perdront à l’issue du quinquennat 337 euros par an, alors que les 10 % les plus riches gagneront 1 193 euros par an. «  C’est une accélération encore jamais vue de la politique fiscale de ces vingt dernières années, analyse Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam France. La baisse de l’impôt se fait au profit d’une extrême minorité. Pour ce gouvernement, la fiscalité a perdu ses missions premières, à savoir de redistribution des richesses et le financement des services publics. Preuve en est les coupes drastiques dans le budget des aides au logement.  »

La baisse progressive de l’impôt sur les sociétés (IS), avec l’extension du taux réduit à 28 %, relève de la même logique  : la hausse des bénéfices entretient les augmentations des revenus issus du capital, eux-mêmes de moins en moins taxés. «  Petite surprise dans ce budget, le gouvernement prévoit de baisser les recettes de l’IS à 25 milliards d’euros, c’est encore moins que ce que l’on pensait, relève Manon Aubry. Je rappelle qu’il y a encore dix ans, cet impôt sur les bénéfices rapportait 50 milliards d’euros à l’État.  »

Sébastien Crépel et Pierric Marissal, L’Humanité

B) L’exécutif serre la vis sans fin de l’austérité budgétaire

Le gouvernement a présenté hier un nouveau plan d’austérité afin d’atteindre un déficit sous les 3 % de PIB. Si certains ministères sont renforcés, l’action sociale et nombre de services publics sont au régime sec.

Après un été tumultueux, durant lequel le gouvernement a multiplié les coupes budgétaires, le projet de loi de finances pour 2018 a été présenté hier. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a défendu un énième tour de vis, avec 15 milliards d’euros de baisse de la dépense publique en 2018 (7 sur le budget de l’État, 5 sur la Sécurité sociale et 3 sur le dos des collectivités locales). L’exécutif, qui table sur une croissance de 1,7 % en 2017 et 2018, prévoit un déficit à 2,9 % du PIB en 2017, puis à 2,6 % en 2018. De quoi passer sous la barre des 3 %, comme réclamé par la Commission européenne, au titre des traités signés. «  Nous sommes avec l’Espagne le dernier pays à être sous procédure de déficit public excessif. C’est une honte et nous allons en sortir  », a insisté Bruno Le Maire, tout en annonçant une baisse de 10 milliards des prélèvements publics, une hausse brutale de la CSG, une pérennisation sans condition du Cice, et la poursuite de la vente des actifs de l’État, en pleine «  fusion  » entre Alstom et Siemens.

200 000 emplois aidés supprimés, le plus grand plan social du pays

Devant les commissions des Finances, il a affirmé «  répondre aux attentes des plus faibles  ». Pourtant, les aides au logement vont être amputées de 1,7 milliard. Le budget de la mission pour la cohésion des territoires va tomber de 18,3 à 16,5 milliards en 2018, avant de chuter à 15 en 2019. «  Il n’y aura pas de baisse des APL  », mais un effort des bailleurs sociaux, a argumenté Gérald Darmanin. Le ministre des Comptes publics a aussi affirmé qu’il n’y aura pas de baisse de la dotation versée aux collectivités locales alors qu’elles sont sommées de renoncer à 13 milliards sur cinq ans, à travers une démarche «  contractuelle  ». Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, a estimé que ce «  pari  » fait peser des «  risques  » sur la tenue du budget 2018 «  raisonnable  ». Enfin, les crédits alloués aux contrats aidés passent de 2,4 à 1,4 milliard, avec à la clé «  la suppression de 200 000 emplois aidés, soit le plus grand plan social de notre pays  », dénonce le député PCF Jean-Paul Dufrègne.

«  Votre budget, c’est au bonheur des riches. Vous offrez aux plus fortunés 9 milliards de cadeaux et imposez des économies sur le dos des Français  », a ajouté le communiste Fabien Roussel, avant de demander pourquoi l’exécutif n’investit pas «  massivement dans la lutte contre la fraude fiscale  ». Gérald Darmanin a esquivé en le remerciant d’être «  le seul dans l’opposition à dire où est l’argent  ». Éric Coquerel, pour la FI, a rappelé que les dépenses de l’État sont aussi des recettes, et tancé une politique qui va «  avantager les 10 % les plus riches  ». Bruno Le Maire lui a vertement répondu qu’il est «  facile d’avoir la main sur le cœur et rien dans le portefeuille, ça s’appelle le socialisme  », tout en défendant quelques minutes plus tard la baisse de l’ISF.

Côté transports, les crédits aux infrastructures seront de 2,4 milliards en 2018, au lieu des 3,2 prévus. Le ministère des Sports, alors même que Paris vient de décrocher les JO de 2024, passe, lui, de 541 à 348 millions. L’Environnement monte par contre de 9,9 à 10,4 milliards, avec en parallèle la suppression de 1 274 emplois liés. La Justice doit se voir accorder une hausse de 19 % sur cinq ans et l’Intérieur gagne 200 millions cette année. Mais c’est le ministère des Armées, porté à 34,2 milliards, qui devrait recevoir le plus gros chèque, avec 1,7 milliard par an jusqu’en 2022 afin d’atteindre les 2 % du PIB, comme le réclame l’Otan. Enfin, l’Éducation monte à 51,3 milliards. Au final, l’exécutif table sur un déficit en hausse en 2018, à hauteur de 89 milliards.

Aurélien Soucheyre, L’Humanité


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