Clémentine Autain, France Insoumise et la réinvention du mouvement ouvrier

mercredi 25 octobre 2017.
 

Les adhérents d’Ensemble  ! sont consultés jusqu’à vendredi pour déterminer s’ils rejoignent la France insoumise. Leur ancienne porte-parole, Clémentine Autain, devenue députée FI, estime «  qu’il faut en être  ». Entretien.

Les adhérents de votre mouvement, Ensemble  !, sont consultés jusqu’à vendredi pour décider de leur avenir. Quels sont les enjeux de ce vote   ?

Clémentine Autain Je ne suis plus porte-parole d’Ensemble  ! depuis que j’ai été élue députée et que je siège dans le groupe de la France insoumise, mais j’en suis toujours membre. Avec cette consultation, l’hypothèse d’une participation active d’Ensemble  ! au mouvement de la FI est soumise au vote. Ma conviction est qu’il faut en être parce que le paysage politique est en train de se refonder et que le mouvement des insoumis, dont nous partageons la base programmatique, incarne aux yeux du grand nombre la première opposition à ce gouvernement. Évidemment, le mouvement reste fragile parce qu’il est jeune. Mais il a à son actif plusieurs clés de réussite comme l’accent mis sur le neuf, l’utilisation des réseaux sociaux, ou l’audace d’affirmer que nous pouvons et nous devons gagner.

Vous évoquez votre accord avec FI sur la question programmatique, est-ce que vous partagez aussi sa stratégie qui a beaucoup de traits communs avec le populisme de gauche théorisé par Chantal Mouffe  ?

Clémentine Autain Pendant la campagne, Jean-Luc Mélenchon a évité de brandir comme un étendard le terme de gauche parce qu’il le savait associé au bilan gouvernemental de François Hollande et ­Manuel Valls. Il a rempli le mot de contenu. Le parti pris du partage des richesses, de la démocratie véritable, de la transition écologique comme notre positionnement actuel contre le gouvernement des riches, pour la défense des libertés publiques sont autant de marqueurs clairement de gauche. D’aucuns diraient que c’est populiste, parce qu’est proclamé le peuple contre l’oligarchie. Mais cette conception a bien à voir avec des rapports de classes. Cette question n’est pas franco-française et il me semble que la forme des insoumis est la moins ambiguë du point de vue de l’ancrage à gauche, au regard d’autres expériences de gauche radicale. Le mouvement ouvrier dans son ensemble, bien essoufflé, a besoin de se réinventer, sur le fond et sur la forme. Le débat théorique sur le populisme de type Laclau-Mouffe fait partie de la discussion sur le processus de refondation. Pour ma part, j’y vois des apports utiles, mais j’en retiens aussi de sérieux désaccords.

Est-ce que la forme mouvement de la France insoumise ne pose pas d’autres problèmes démocratiques que ceux auxquels elle prétend échapper  ?

Clémentine Autain Les partis traditionnels du XXe siècle sont inadaptés pour répondre aux aspirations contemporaines. Évidemment, nous avons besoin de démocratie, de processus de prise de décisions qui permettent d’associer tous ceux qui participent au mouvement, de pluralisme. Mais, comment ne pas retomber dans les mécanismes organisationnels classiques  ? Ce n’est pas si simple. Aujourd’hui, les lieux de direction du mouvement sont pluriels – entre son noyau issu de ceux qui ont fait la campagne, la convention, l’espace politique (composé d’un représentant de chaque formation membre de la FI) et le groupe des députés –, avec une place prépondérante du leader qui est le fruit de la campagne présidentielle. Comment passer la seconde sans retomber dans les formes connues ou un renforcement de la centralisation, c’est le défi qui nous est posé. Le vote direct des adhérents sur toute une série de questions est par exemple une piste nouvelle.

Ensemble  ! a appelé à faire «  front contre Macron  ». Cette démarche unitaire qui s’adresse au monde politique et syndical est-elle indispensable pour battre en brèche les ordonnances  ?

Clémentine Autain Bien sûr. Il y a eu plusieurs bonnes nouvelles ces derniers jours : l’engagement de FO dans la bataille et la participation de la CFDT à l’intersyndicale, la victoire des routiers et l’appel de ­Jean-Luc Mélenchon à se placer derrière les syndicats. Cette méthode peut permettre le rassemblement des forces sociales et politiques dans un mouvement qui pourrait passer une étape nettement supérieure de mobilisation. Des discussions bilatérales sont entamées et il faut qu’une réunion puisse se tenir. Tout le monde doit mettre au pot pour que le mouvement monte en puissance. Et gagne.

Propos recueillis par Julia Hamlaoui. Paru dans l’Humanité.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message