Energie : L’EPR, fiasco technique, économique et financier

dimanche 3 septembre 2017.
 

Areva a conçu et développé l’EPR (Evolutionary Power Reactor ), réacteur de troisième génération selon la classification internationale, pour prendre la relève des centrales nucléaires vieillissantes (18 centrales avec 58 réacteurs en France). Outre une puissance plus importante (1600 MW au lieu de 1450) et la recherche d’une production d’électricité à un prix inférieur, cette nouvelle génération est, selon Areva, censée garantir plus de sécurité, notamment quant au risque de fusion du cœur du réacteur (accident intervenu à Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima).

Quatre EPR sont actuellement en cours de construction :

En Finlande, le début des travaux a eu lieu en juillet 2005 avec une mise en service prévue en 2009 et un prix de 3 milliards d’euros.

En Chine, 2 EPR ont été vendus en 2007 avec un début de construction en 2009.

En France, à Flamanville avec une construction démarrée en 2007 pour une mise en service en 2012 et un coût estimé de 3,3 milliards d’euros avec EDF comme maître d’œuvre.

Et les déboires se sont accumulés. Ainsi celui de Finlande n’entrera au mieux en fonctionnement que fin 2018. Soit 9 ans de retard et un coût multiplié par 2. Celui de Flamanville en est déjà à 6 ans de retard et un coût multiplié par 3.

Malfaçons à Flamanville

Conçu en 1998, bien avant la catastrophe de Fukushima (11 mars 2011), les exigences de sécurité ont été depuis revues à la hausse. Mais le chantier ayant déjà commencé, toutes n’ont pu être intégrées. Or ce réacteur étant plus puissant et contenant plus de plutonium est bien plus dangereux en cas d’accident.

De plus ce chantier de construction, piloté par EDF, a accumulé de nombreuses malfaçons identifiées par l’Autorité de Sûreté nucléaire (ASN) au niveau de la qualité du béton, de l’acier et des soudures. Quoi d’étonnant quand tout est fait par les entreprises de construction (Bouygues et ses sous-traitants) pour réduire les coûts au maximum. Pendant plusieurs années, des centaines de travailleurs polonais et roumains ont été embauchés avec des conditions de travail et de rémunération indignes. L’ASN a décompté 377 accidents du travail en 2010 dont un tiers n’aurait pas été déclaré, et en 2011 deux salariés ont trouvé la mort. La gestion du chantier soulève aussi de nombreuses interrogations. Ainsi 8 700 tonnes de déchets non nucléaires, datant de la construction des deux réacteurs en fonctionnement depuis plus de 30 ans à Flamanville, ont été découvertes lors de la construction d’un parking et une centaine de tenues de travail contaminées ont été mise au jour sur le site parmi des déchets non nucléaires.

Plus grave encore, le 7 avril 2015, l’ASN annonçait des défauts de fabrication sur le fond et le couvercle de la cuve du réacteur produite par Areva dans l’usine de Creusot Forge. Celle-ci présente une concentration en carbone trop importante, jusqu’à 50 % par rapport à la norme, provoquant une capacité de résistance insuffisante à la propagation de fissures. Il n’y a donc pas de garanties quant à l’impossibilité de rupture de la cuve qui contient le combustible nucléaire. Or cet élément ne peut plus être changé une fois la construction terminée !

Si l’ASN n’avait pas insisté pour procéder aux vérifications, elles n’auraient pas été réalisées par Areva qui n’en voyait pas l’intérêt. Et pour cause, puisque Areva ainsi que EDF étaient au courant de ce défaut depuis 2006. Malgré cela ils ont laissé fabriquer ces pièces défectueuses pour les centrales nucléaires dont l’EPR !

La cuve étant installée et soudée dans le bâtiment, la changer représenterait un surcoût de centaines de millions d’euros et un nouveau report de la mise en service. La solution la plus raisonnable serait donc d’abandonner la construction de l’EPR. Il n’en est pas question pour EDF et Areva qui vont chercher à prouver que la ténacité de la cuve est suffisante. Après des essais sur des pièces dites similaires, le président de l’ASN conclut que « le fond comme le couvercle présentent des marges suffisantes vis-à-vis du risque de rupture brutale ». Néanmoins, il demande à EDF de mener « des contrôles périodiques supplémentaires, afin de s’assurer de l’absence d’apparition ultérieure de défauts » et de changer le couvercle de la cuve avant 2024, le temps d’en fabriquer et installer un nouveau. Pour le fond c’est impossible, il ne reste donc plus qu’à croiser les doigts en espérant que le pire n’arrivera pas. L’ASN a lancé une consultation du public jusque fin septembre comme si elle cherchait à se couvrir par rapport à une décision déjà prise.

L’EPR va-t-il tuer EDF ?

EDF doit aussi bâtir deux EPR à Hinkley Point en Angleterre. Mais alors que le chantier n’a pas encore démarré, le devis initial a déjà commencé à dériver ainsi que les délais de construction mettant en péril EDF. Au point de provoquer la démission du directeur financier d’EDF en 2016, en désaccord sur ce projet.

L’EPR est donc un fiasco technique, économique et financier. Hélas le lobby du nucléaire, EDF en tête, décide de la politique énergétique et l’impose au pouvoir politique au nom de la souveraineté de la France et d’une énergie moins chère. Mais l’uranium est importé et le prix du Kwh des énergies renouvelables est maintenant inférieur à celui du nucléaire, notamment EPR dont le coût à Flamanville (10 milliards) représente près de 4 000 éoliennes de 2MW (à 2,6 millions), soit l’équivalent de la puissance de 4 EPR.

A l’heure du réchauffement climatique, les tenants du nucléaire ont essayé d’utiliser l’argument des faibles émissions de gaz à effet de serre mais il est inefficace face aux énergies renouvelables.

Les EPR sont donc censés venir remplacer les réacteurs nucléaires des générations précédentes dont la durée de vie a été portée à 40 ans en espérant pouvoir la prolonger jusqu’à 60 ans.

Flamanville n’est que le premier d’une série à construire et de son démarrage dépend la fermeture de Fessenheim. Mais on ne peut qu’être inquiet lorsqu’on sait que le premier ministre Édouard Philippe a travaillé chez Areva de 2007 à 2010 et qu’il s’était opposé à la loi de transition énergétique dont la mesure phare était justement la réduction de la part du nucléaire de 70 à 50 % de l’énergie électrique produite. Certes Nicolas Hulot a affirmé la nécessité de ces fermetures, « ce sera peut-être jusqu’à 17 réacteurs, il faut qu’on regarde », mais avant d’affirmer que l’objectif prévu par la loi serait difficile à tenir. Et sans renoncer à ouvrir l’EPR pour les remplacer.

L’EPR est donc un choix technologique coûteux, peu fiable et dont la première conséquence est de mettre en danger EDF (37 milliards d’euros de dette), et ce encore plus après l’obligation qui lui a été faite de racheter Areva au prix exorbitant de 2,5 milliards d’euros. Au final ce sont les clients EDF qui vont payer les pots cassés ainsi que les contribuables. A l’heure où le gouvernement en place veut réduire la dépense publique, en finir avec les EPR permettrait d’économiser plusieurs milliards d’euros et d’aller vers une France avec 100% d’énergie renouvelable comme le propose la France Insoumise.

Martine Billard

A noter : Manifestation STOP EPR à Saint Lô (Manche) Samedi 30 septembre 2017 – 14h 30 Place de la Mairie


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