19 juin 1947 : le plan Langevin-Wallon

samedi 12 août 2017.
 

A) 1947, le plan Langevin-Wallon pour une école de justice et d’émancipation

Élaboré entre 1946 et 1947 par une commission présidée par Paul Langevin, puis, après la mort de ce dernier, par Henri Wallon, le plan remis en juin 1947 n’a jamais été appliqué, les communistes ayant été révoqués du gouvernement.

Le 19 juin 1947, une délégation de la Commission de réforme de l’enseignement que nous connaissons sous le nom de ses deux présidents successifs Paul Langevin (1872-1946) et Henri Wallon (1879-1962), tous deux membres du Parti communiste, pénètre au ministère de l’Éducation nationale. Elle est composée d’Henri Wallon, agrégé de philosophie et docteur en médecine, psychologue de l’enfance, professeur au Collège de France depuis 1937, de Fernande Seclet-Riou (1898-1981), inspectrice de l’enseignement primaire et maternel, de Roger Gal (1906-1966), agrégé de grammaire, animateur des classes nouvelles de lycées depuis 1945, et d’Alfred Weiler (1901-1961), professeur d’histoire et ­géographie, actif, lui aussi, dans la mise en place de ces classes. Ils présentent au ministre de l’Éducation nationale, le SFIO Marcel Naegelen, l’aboutissement de deux années de recherches et de consultations d’une commission composée de syndicalistes, résistants et universitaires représentants des différents ordres de l’enseignement. Pour comprendre la portée de l’événement, il faut donner quelques éléments permettant de replacer le projet en son temps et dans notre histoire. En 1947, le monde a entamé sa division en deux camps, avec deux champions  : les États-Unis et l’URSS. La guerre d’Indochine, qui a débuté l’année précédente, continue. Au début du mois de mai, les ministres communistes ont été révoqués, le plan Marshall est en voie d’adoption.

L’enseignement reste compartimenté, les «  trois types d’établissement, alimentés par des couches sociales distinctes, coexistent au-delà du cycle primaire  : les lycées et collèges, qui donnent seuls accès aux facultés et aux grandes écoles, les écoles primaires supérieures, auxquelles se joignent les cours complémentaires et, en dernier lieu, les diverses écoles techniques  » (1). Les voies de formation des enseignants demeurent distinctes et la pédagogie reste une affaire de transmission.

Le plan Langevin-Wallon fait suite aux différents projets conçus durant la Résistance et se place dans la continuité avec les réflexions et projets de réforme de l’entre-deux-guerres caractérisés par les principes de l’école unique et de la pédagogie nouvelle. Il s’appuie explicitement sur deux principes  : celui de justice, qui consiste à mettre «  chacun à la place que lui assignent ses aptitudes  », et celui de développement, qui demande une «  élévation continue du niveau culturel de l’ensemble de la nation  ».

Il comporte les mesures suivantes. Un enseignement obligatoire passant de 16 ans à 18 ans, avec un premier cycle d’enseignement commun, un deuxième d’orientation et un troisième se terminant à 18 ans ouvrant sur trois voies d’études possibles  : théoriques vers le baccalauréat, professionnelles vers les cadres de la production ou pratiques pour la préparation d’un métier. L’enseignement comporte des programmes communs et spécialisés, des méthodes actives

L’enseignement du second degré comportera un enseignement propédeutique et une première orientation, un enseignement supérieur avec trois objectifs  : la profession, la recherche, la culture.

La formation commune des enseignants se fera en deux années préuniversitaires dans les écoles normales, suivies par deux années de licence à l’université.

L’enseignement comportera des programmes communs et spécialisés, des horaires variables, des méthodes actives. Il n’y aura pas d’examen avant la fin de la scolarité obligatoire. L’éducation morale et civique préparera «  l’enfant à prendre conscience du rôle qui sera le sien dans la vie sociale et de sa responsabilité de citoyen  ».

Le plan aura une postérité dans des formes diverses. Il y aura d’abord le projet lui-même, qui a longtemps été le document mobilisateur pour les forces de progrès et reste encore aujourd’hui un modèle de démocratisation de l’enseignement, et trois principales réalisations au XXe siècle  : les psychologues scolaires, la pédagogie et la psychopédagogie dans la formation des enseignants, et un cadre unifié de leur formation. Son histoire est celle du mot d’ordre de «  démocratisation de l’enseignement  », en tête des luttes sociales et politiques pendant des décennies, avant sa mise entre parenthèses en 1995 et l’épuisement de «  son efficacité sociale  » (2). Depuis, il nous reste comme un monument de hardiesse et d’unité nationale à visiter pour changer l’école ­aujourd’hui. (1) Histoire de l’enseignement en France, Que-sais-je  ?, d’Antoine Léon et Pierre Roche, éditions PUF, 2012. (2) Éducation, société et politiques, d’Antoine Prost, éditions du Seuil, 1997.

Un document de référence… au tiroir  !

Dans la Pensée (avril 1969, n° 144), Fernande Seclet-Riou témoigne sur les travaux de la Commission Langevin-Wallon. Elle écrit notamment  : «  La rédaction étant terminée, une délégation de la Commission se rendit auprès du ministre pour lui remettre le document. Accueil courtois du ministre, qui, au cours d’une conversation rapide, rappela les buts proposés à la Commission, la remercia pour le travail accompli, exprima l’espoir d’un avenir heureux pour l’université réformée, adaptée à ses fins et à son époque. Puis, il saisit le document que lui remettait le président, il le déposa dans le tiroir central de son bureau, qu’il referma et verrouilla d’un geste sec. Ce geste, involontairement symbolique, est demeuré dans ma mémoire.  » Depuis ce «  classement  », le document est un des textes de référence en matière d’éducation.

Pierre Roche


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