CETA : Macron aura-t-il le courage d’un référendum ?

dimanche 6 août 2017.
 

Le président de la République Emmanuel Macron ne pourra bientôt plus louvoyer à propos du CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Le Conseil constitutionnel a décidé lundi 31 juillet que ce traité pouvait être ratifié par la France sans avoir besoin de réviser préalablement la Constitution. La voie est donc libre pour que ce traité soit approuvé – ou rejeté – par un vote du parlement ou du peuple français dans les prochaines semaines.

Déjà ratifié par le parlement européen le 15 février dernier malgré l’opposition de plusieurs eurodéputés dont Jean-Luc Mélenchon, ce traité devrait entrer en vigueur de manière « provisoire » dès le 21 septembre prochain, avant même que la France ne l’ait ratifié. C’est ce qu’ont décidé les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, dont François Hollande, fin 2016. Mais ce traité est un accord dit « mixte ». Il mêle des compétences qui sont du seul ressort de l’Union européenne en vertu des traités actuels et des compétences qui appartiennent encore aux États-membres. De ce fait, il doit non seulement faire l’objet d’une ratification par le Parlement européen mais aussi par chacun des États de l’Union européenne. L’essentiel s’appliquera sans attendre ces 28 votes nationaux mais la France peut encore dire « non ». Le Conseil constitutionnel estime d’ailleurs dans sa décision du 31 juillet que le CETA n’est pas « irrévocable ».

Cette décision sur la ratification du CETA fait suite à la saisie par des parlementaires en février. Après une période d’analyse exceptionnellement longue, et qui aura permis aux partisans du traité d’enjamber les élections du printemps, le Conseil constitutionnel a décidé que le traité CETA pouvait être ratifié par la France sans révision préalable de la Constitution. Les parlementaires pointaient pourtant plusieurs menaces pour la Constitution. C’était aussi l’avis de plusieurs juristes comme Dominique Rousseau qui l’avait exprimé très clairement dans une tribune publié le 26 octobre 2016. Tous s’inquiétaient, et s’inquiètent toujours, de l’incompatibilité entre les tribunaux privés spéciaux pour les multinationales prévus par le CETA et la souveraineté nationale ou l’égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel fait l’autruche affirmant que ce tribunal d’arbitrage « ne peut ni interpréter ni annuler les décisions prises par les Etats » et que ses pouvoirs sont « limités au versement de dommages pécuniaires et à la restitution de biens ». C’est méconnaître l’influence du risque financier qu’encourent ainsi les Etats face des multinationales qui réclameront des centaines de millions d’euros de dommages et intérêts si une législation ne leur plait pas.

Le Conseil constitutionnel juge aussi qu’il n’y a pas d’incompatibilité avec la Charte de l’Environnement, annexée à la Constitution et au principe de précaution qu’elle contient. Ce n’est pourtant pas l’avis des associations de défense de l’environnement. Même Nicolas Hulot, avant sa nomination au gouvernement, dénonçait un traité « climaticide » car encourageant les transports et donc les émissions de gaz à effet de serre et ne protégeant pas les Européens contre certaines pratiques ultra-polluantes en usage au Canada. Mais l’esprit de la conférence climat « COP21 » a sans doute quitté Laurent Fabius sitôt après sa nomination comme président du Conseil Constitutionnel il y a un peu plus d’un an.

La balle est désormais dans le camp du président Macron. Celui-ci a déjà dit dans la campagne présidentielle qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que genre de traités se passent de la ratification pays par pays. D’ailleurs, lors de son premier Conseil européen comme président de la République en juin, il n’a pas évoqué la question, le CETA étant totalement absent de la réunion. C’est que derrière cet accord UE-Canada se trame la reprise des négociations pour un accord du même type entre l’Union européenne et les États-Unis. Angela Merkel a d’ailleurs appelé fin juin à la reprise des négociations suspendues depuis janvier.

Pendant la campagne électorale, Emmanuel Macron avait dû, sous la pression, promettre une commission d’experts pour évaluer les conséquences du CETA en matière « d’environnement et de santé ». On notera au passage le silence sur les conséquences sociales alors que le traité pourrait supprimer jusqu’à 200 000 emplois dans l’Union européenne dont 45 000 en France selon certaines études d’impact. Cette commission a été installée le 6 juillet et doit rendre son rapport début septembre, quelques jours seulement avant l’entrée en vigueur « provisoire » de 90% du traité le 21 septembre. Mais outre ce calendrier tardif, plusieurs ONG écologistes comme la Fondation pour la nature et l’homme (ex Fondation Nicolas Hulot) ont déjà pointé que les « conditions d’une évaluation utile et impartiale ne sont pas réunies ».

A la fin c’est bien Emmanuel Macron qui devra trancher, ainsi que sa majorité parlementaire. En effet, comme tout traité d’importance et même sans révision de la Constitution, le CETA devra faire l’objet d’une loi de ratification. S’agissant d’une loi ordinaire, un vote à la majorité simple à l’Assemblée nationale suffira à ratifier le traité. Mais l’article 11 de la Constitution prévoit que le président de la République a aussi la possibilité de convoquer un référendum pour demander l’approbation du peuple français sur « la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Le président Macron aura-t-il ce courage ? Son ministre Hulot en fera-t-il une condition de son maintien au gouvernement ? À moins qu’ils n’y soient contraints par une mobilisation parlementaire et populaire de grande ampleur. Le même article 11 prévoit qu’un référendum peut aussi être « organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Soit 185 parlementaires et environ 4,5 millions d’électeurs inscrits.

Le président Macron aura-t-il ce courage ? Son ministre Hulot en fera-t-il une condition de son maintien au gouvernement ? À moins qu’ils n’y soient contraints par une mobilisation parlementaire et populaire de grande ampleur. Le même article 11 prévoit qu’un référendum peut aussi être « organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Soit 185 parlementaires et environ 4,5 millions d’électeurs inscrits.

Matthias Tavel


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message