Aides au logement : un pas en arrière malgré les APL à l’aide

vendredi 4 août 2017.
 

C)Baisse des APL : « Le corps social est en souffrance »

Le président de l’association Habitat et humanisme, Bernard Devert, estime, dans une tribune au « Monde », qu’il ne faut pas considérer les aides sociales comme une charge, mais comme un soin.

Source : http://www.lemonde.fr/idees/article...

Le corps social est disloqué en raison de trop de fractures qui, pour ne point être soignées, s’aggravent. L’annonce d’une réduction de l’aide personnalisée au logement (APL) à hauteur de 5 euros par mois, quels que soient les revenus, ne se révèle-t-elle pas un manque de soin à l’égard des plus blessés de notre société ?

« Cinq euros par mois, ce n’est pas si grave », disent certains. Les commentateurs ont largement parlé d’un « argent de poche », mais pour les deux tiers de la population qui perçoivent cette aide, la diminution viendra encore augmenter la part manquante du nécessaire pour vivre.

La décision, pour autant qu’elle soit confirmée, est pour le moins inquiétante ; n’a-t-elle pas été prise à l’aveugle, sans trop s’interroger sur les conséquences malheureuses qu’elle va entraîner, ni s’en inquiéter, pour ceux qui, n’ayant aucune marge de manœuvre, éprouvent déjà le sentiment d’un abandon qui ne fait qu’ajouter à leur détresse ?

Déni de la pauvreté

Le traitement à opérer ne doit pas s’intéresser seulement aux pathologies sociales mais à la situation des personnes, en veillant à s’éloigner du palliatif afin de proposer des soins qui remettent debout. Quand une famille, en fin de mois, est conduite à compter des pièces pour voir s’il lui est encore possible d’acheter du pain, de donner à manger à ses enfants et quand ces mêmes parents sont obligés de sauter des repas, il y a une situation alarmante criant l’insuffisance du « reste pour vivre » s’apparentant trop souvent à la survie.

Le corps social est en souffrance. Les aides doivent être entendues comme des soins. Dans cette perspective, les restreindre, alors qu’elles sont absolument vitales, se révèle non seulement un déni des situations de pauvreté mais aussi une fracture de la devise de la République, socle de la nation. Quelle liberté quand tout est contraint ? Quelle égalité quand l’argent fertilise le cadre de vie des uns et son absence stérilise celui des autres ? Quelle fraternité quand les décisions politiques ne font pas de différence entre les plus fragiles et ceux disposant de revenus plus décents ?

Ressentiment

... Il s’agit non seulement d’une question de justice mais du respect de la dignité des personnes vulnérables qui, à bout de souffle, pensent qu’elles n’ont pas d’avenir pour se juger les parias de la société.

Ce ressenti douloureux, il nous faut l’accueillir pour s’éloigner d’une dureté qui éteint l’espoir. Il appartient aux gouvernants de mieux faire comprendre les sacrifices à réaliser en protégeant les accidentés de la vie et les victimes du malheur innocent...

B) APL : un pas en arrière, mais vers quoi ?

La baisse des APL est d’ores et déjà dévastatrice pour l’image du gouvernement.

Il n’est jamais trop tard pour se corriger. Alors que l’annonce d’une baisse des aides au logement continue de susciter protestations et incompréhension, on s’étonne qu’un gouvernement qui avait tant misé sur la communication n’ait rien fait jusqu’ici pour s’expliquer, confortant ainsi ceux qui décrivent Emmanuel Macron comme un Robin des bois à l’envers.

Des "effets pervers"

Cette baisse des APL offre en effet un argument inespéré au mouvement de Jean-Luc Mélenchon qui dépeint Macron en « président des riches ». Au lieu de rectifier le tir, le gouvernement, par la voix de Jacques Mézard, a enfoncé le clou hier en dénonçant un système « pervers » de ces aides au logement et en annonçant pour l’automne une « réforme globale » qui suscite déjà de fortes inquiétudes. Il est vrai que ce système a des effets pervers. Les aides à la location poussent les loyers à la hausse, tous les économistes en conviennent. Sinon, comment expliquer qu’avec un système d’aides plus important que partout ailleurs, deux fois plus que la moyenne européenne, les Français ne soient pas mieux logés ? Plus l’Etat dépense, plus les prix montent. Et d’une certaine manière, ces aides profitent en fait aux riches ! C’est un fait ancien, bien connu mais auquel personne ne voulait s’attaquer.

Pour l’instant, ces projets ne peuvent qu’inquiéter tous les organismes sociaux, si les mêmes méthodes sont utilisées : « Agir sur le niveau des APL pour faire baisser les loyers revient à prendre le problème à l’envers » estime le président de la Confédération du logement. Le directeur général de l’Union sociale de l’habitat craint « un discours extrêmement stigmatisant pour les plus modestes ». « L’Allemagne, les Pays-Bas et le canton de Genève ont encadré les loyers, considérant que le logement n’est pas un bien comme un autre, mais un droit essentiel des citoyens » souligne son président Jean-Yves Mano, alors qu’en France, « les avantages fiscaux donnés aux personnes pour se constituer un patrimoine ont fait grimper les prix du foncier et donc les loyers ».

Aucune méthode n’est parfaite, mais pourquoi ne pas encadrer les loyers comme à Paris ou à Berlin ? D’après le président de Foncia Immobilier, dans ce cas, les loyers baissent en moyenne de 15 à 20 %». Mais l’encadrement a aussi des effets pervers, certains propriétaires préférant ne pas louer. Il y a aussi des effets d’aubaine, certains locataires aisés de grands appartements pouvant économiser plusieurs centaines d’euros par mois si les loyers sont encadrés.

La réforme annoncée pour l’automne sera-t-elle l’occasion de revenir sur les mesures contestées ? Elle sera regardée à la loupe, tandis que la baisse des APL est d’ores et déjà dévastatrice pour l’image du gouvernement.

A) Baisse de l’APL : Macron y pensait déjà en 2016

Source : http://www.liberation.fr/france/201...

Dans un échange de mails entre Emmanuel Macron et ses conseillers datant d’août 2016, la réduction « brutale » de l’APL est ouvertement évoquée. Où l’on apprend que le futur candidat à l’Elysée est favorable à un « programme de réduction rapide ».

Voilà qui est fâcheux. Depuis l’annonce, en fin de semaine dernière, d’une baisse de cinq euros par mois de l’aide personnalisée au logement (APL), l’exécutif s’abrite sous un parapluie politique : cette décision remonterait au gouvernement Valls puisque la réduction des APL figure dans un document estampillé Matignon datant de juin 2016.

Le hic c’est que cette lettre de cadrage – première brique de l’élaboration du budget – a ensuite été démentie dans les faits, le gouvernement écartant toute baisse de l’aide au logement dans le projet de loi de Finances 2017. L’ancien ministre du Budget Christian Eckert, qui s’est fendu d’un billet de blog sur le sujet mardi, rappelle que l’APL ont même été augmentées de 400 millions dans le document final adopté fin 2016.

« Les réduire brutalement »

Là où ça se complique un peu plus pour la majorité actuelle c’est que le site la Lettre A a déterré un échange de mails, que Libération a également pu consulter, dans les documents numériques piratés d’En marche, les « MacronLeaks ». Où l’on comprend que cette baisse de l’APL est en débat autour du futur candidat à l’Elysée pendant l’été 2016.

Ancien conseiller de François Hollande à l’Elysée et membre du « Pool Idées » du parti macroniste, Xavier Piechaczyk, adresse une note de quatre pages avec sept questions sur le logement le 16 août 2016 à deux proches de Macron. Sur l’APL, Piechaczyk s’interroge. Faut-il : « Les réduire brutalement pour inciter à la baisse des loyers ? Les réduire progressivement (ie. sur cinq à dix ans) ? Les maintenir faute de mieux et trouver d’autres leviers pour faire baisser les prix ? »

« Transformer » la société

Emmanuel Macron envoie ses réponses le lendemain, mettant en copie trois autres membres de son premier cercle : Alexis Kohler, Ismaël Emelien, qui le conseillent aujourd’hui à l’Elysée, et Julien Denormandie, secrétaire d’Etat auprès du ministre chargé de la Cohésion des territoires, un portefeuille comprenant le logement. Sur ce « sujet essentiel », Macron préconise « un programme de réduction rapide » de l’APL. « Surtout, il faut d’abord les différencier selon le prix réel du logement (zone tendue/non tendue), les remplacer en trois ans en zone tendue par un déblocage du foncier et une accélération de la production et les cibler sur les publics très fragiles », précise celui qui est alors ministre de l’Economie pour encore quelques jours.

près une semaine de polémique sur le thème « Macron président des riches », qui réforme l’ISF mais baisse l’APL, le chef de l’Etat a resserré les boulons lors du Conseil des ministres vendredi. Appelant son gouvernement à « transformer » la société. Selon des propos rapportés par le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, Macron a expliqué à ses ministres que leur « vocation » ne pouvait « pas se limiter à la bonne gestion ». Bercy, qui a remporté l’arbitrage sur la baisse de l’APL aux dépens du ministère de la Cohésion des territoires, appréciera.

Laure Bretton , Ismaël Halissat


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