Réforme du code du travail : les députés communistes et insoumis en pointe de l’opposition

jeudi 20 juillet 2017.
 

La bataille étant perdue d’avance, les élus de gauche imposent leur tempo lors de l’examen du projet de loi. La majorité, elle, est peu présente.

Alinéa par alinéa, amendement par amendement. Les députés de l’opposition de gauche ont installé une discussion pied à pied à l’Assemblée nationale sur le projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances sur la réforme du code du travail, depuis l’ouverture des débats lundi 10 juillet.

Au cours des trois premiers jours de débat, les parlementaires de La France insoumise (LFI) et les représentants communistes de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ont occupé pleinement l’espace d’opposition au texte. Une bataille qu’ils savaient perdue d’avance, à la faveur de la nature du projet de loi et de l’intransigeance affichée par la majorité dès le travail en commission. Tous les amendements déposés par l’opposition y avaient été rejetés, suscitant l’agacement de celle-ci. En séance, la plupart ont également été repoussés après discussion, les rares adoptés ayant, pour l’essentiel, une portée symbolique.

« Insoumettez-vous »

Face à son incapacité à peser sur le fond du texte, l’opposition ne pouvait plus qu’imposer son tempo. « Il y avait un enjeu à réduire la cadence car on n’a pas eu d’explication sur celle imposée par le gouvernement », a expliqué, pour justifier la contestation systématique, Adrien Quatennens, qui a ouvert le bal, lundi. Lors d’un discours soutenant une motion de rejet du texte, le député LFI du Nord a donné le ton de son groupe, le verbe haut et l’attaque ciselée.

« Vous n’aurez pas notre blanc-seing pour jouer les apprentis sorciers avec le code du travail » a-t-il lancé au gouvernement avant de reprocher à la ministre du travail Muriel Pénicaud de « déshonorer » sa fonction après avoir déclaré que le code du travail « n’est fait que pour embêter 95 % des patrons ». « Insoumettez-vous », a-t-il encore lancé aux députés de la majorité.

Alors que la forme des ordonnances ne permet pas de voter sur le fond du texte mais seulement de déterminer ses contours, l’enjeu portait sur la capacité du gouvernement à préciser ses intentions.

Dans cette bataille, les députés LFI étaient accompagnés des très méthodiques élus communistes, saisissant chaque opportunité de prendre la parole. « On sait qu’on n’a pas la majorité mais nous sommes dans un lieu où nous pouvons faire grandir le débat public et lever le voile sur la réalité de ce qu’il y a dans le projet du gouvernement », explique Pierre Dharréville, député des Bouches-du-Rhône. De l’autre côté de l’Hémicycle, le député centriste Francis Vercamer (UDI, Nord), bon connaisseur de la matière, leur reconnait ce crédit : « On a eu des précisions sur un certain nombre de points. »

« Ça n’a pas bougé d’un millimètre »

Une satisfaction que ne partagent pas ses collègues de gauche. « Ça n’a pas bougé d’un millimètre », s’agace le socialiste Boris Vallaud (Nouvelle Gauche, Landes), très seul sur les bancs de son groupe. « C’est comme le serpent Kaa [dans Le livre de la jungle] : on nous dit “aie confiance” mais nos inquiétudes ne sont pas levées », ajoute-t-il. « Les échanges ne sont pas à la hauteur des enjeux », renchérit M. Dharréville.

Si l’opposition a disposé d’un boulevard, c’est avant tout parce que la voie a été laissée libre par une majorité qui s’est peu montrée force de proposition ou même de défense du texte. Lors des trois premiers jours de discussion, le groupe LRM n’a déposé que deux amendements. « On veut faire attention à ne pas parasiter la discussion qui a lieu en ce moment avec les partenaires sociaux », argue Aurélien Taché, coordinateur du groupe majoritaire au sein de la commission des affaires sociales.

De même, les députés La République en marche (LRM) n’ont qu’épisodiquement pris la parole en appui au gouvernement ou au rapporteur. « Ce n’est pas le nombre d’intervention qui importe, mais leur qualité », poursuit M. Taché, reconnaissant que ses collègues « prennent encore leurs marques » au Palais-Bourbon. « Ne pas faire de débat politicien mais se concentrer sur le fond, c’est aussi une marque de fabrique », ajoute-t-il.

Reste que les rares coups d’éclat ont porté sur les fractures idéologiques. Mercredi soir, l’examen des amendements portant sur l’alinéa consacré au fait de « favoriser le recours au télétravail », a donné lieu à une passe d’armes entre deux adversaires qui se scrutent depuis le début des débats : LRM et LFI.

« Vous n’avez pas le monopole du peuple »

Appartenant à cette deuxième formation, Loïck Prud’homme a ainsi stupéfait les députés de la majorité en défendant la suppression de cet amendement, expliquant, notamment, que le télétravail « casse les moyens de lutte au travail ». « C’est incroyable qu’au XXIe siècle on puisse tenir de tels propos », lui a rétorqué le député LRM de Paris Sylvain Maillard, évoquant une « vision d’un autre temps ».

Se reprochant mutuellement d’être dans la « posture » et la « caricature », les deux camps ont longuement poursuivi l’échange sur ce thème, suscitant l’agacement de certains élus. « Ce sont deux incarnations de Nuit debout qui se font face », raille un parlementaire de l’opposition, regrettant un débat fait de beaucoup de « mépris ».

« Vous n’avez pas le monopole du peuple », n’ont eu de cesse de lancer à leurs collègues LFI les députés de la majorité, revendiquant, expériences personnelles à l’appui, leur connaissance d’autres réalités que celles défendues par leurs adversaires.

Les députés communistes et LFI tablent, eux, sur la démonstration qu’ils ont une partie du pays avec eux. Rendez-vous est pris pour la rentrée, lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances. « Aujourd’hui nous avons une nouvelle mission : convaincre le plus grand nombre que ce texte est dangereux », souligne M. Quatennens. Un appel à la mobilisation est lancé pour le 12 septembre.

Manon Rescan


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