Stéphane Travert, ministre éclairé de l’agriculture intensive

mercredi 12 juillet 2017.
 

Le nouveau ministre de l’Agriculture a apporté sa contribution aux débuts difficiles mais révélateurs du gouvernement. Cet ami des pesticides l’est aussi du nucléaire, en accord avec son profil d’anti-écologiste primaire.

Pour une entrée en matière, c’est parfait. Tout juste nommé ministre de l’Agriculture par Emmanuel Macron, Stéphane Travert a démarré sur les chapeaux de roue avec une interview remarquée chez Jean-Jacques Bourdin.

Interrogé sur les propositions contenues dans un rapport interministériel projetant de revenir sur l’interdiction de l’épandage aérien et l’utilisation de certains pesticides, les néonicotinoïdes suspectés d’être des "tueurs d’abeilles", le ministre a confirmé que ce retour en arrière était bel est bien envisagé : « On peut le prendre comme ça », a-t-il benoîtement concédé. Avec de tels propos, le tout nouveau ministre devrait, normalement, combler assez rapidement son déficit de notoriété.

Déjà désavoué

Si le rôle des néonicotinoïdes dans la surmortalité des ruches est parfois discuté, les préconisations de l’Anses pointent l’évidente responsabilité des pratiques agricoles et des produits phytosanitaires. Pour justifier son propos, Stéphane Travert a eu recours à une curieuse argumentation. Il a ainsi expliqué que la loi française concernant les néonicotinoïdes « n’est pas conforme avec le droit européen » au prétexte que la législation nationale allait au-delà des préconisations de Bruxelles. C’est un peu comme si on revenait sur les 35 heures au prétexte que la durée maximale du travail votée dans l’Union européenne est de 48 heures – bel exemple d’alignement sur le moins-disant.

Surtout, l’éventualité de telles mesures a généré le premier couac gouvernemental avec Nicolas Hulot. Dans une vidéo de sa fondation en 2015, dans une tribune en 2016, ce dernier disait « halte au massacre des abeilles » écouter ici. Devant la polémique naissante, le premier ministre Édouard Philippe a désavoué Stéphane Travert en annonçant dans un communiqué que « le gouvernement a décidé de ne pas revenir sur les dispositions de la loi de 2016 ».

Côté déclaration d’amour aux écologistes, il faut pourtant reconnaître au ministre de l’Agriculture une certaine constance. Interrogé peu avant le second tour par France Bleu, il répondait ainsi à la question « À quel moment vous vous êtes dit, je pars avec Emmanuel Macron ? » – attention cela pique un peu : « Je ne me reconnaissais plus dans les positions très bobos et parisiennes de la gauche de la gauche, comme par exemple la sortie du nucléaire, la décroissance ».

Irradiation

Le propos pourrait paraître outrancier mais il n’est pas inutile d’apporter une petite précision sur le député Stéphane Travert : élu en 2012 sous l’étiquette Parti socialiste et réélu en 2017 avec le label LREM, notre pugnace ministre de l’Agriculture est l’émérite représentant de la troisième circonscription de la Manche. Un territoire incontestablement rural, mais qui recèle quelques pépites industrielles comme la centrale nucléaire de Flamanville. Outre ses deux premiers réacteurs en fonction depuis le milieu des années 80, c’est au chantier du troisième réacteur avec la technologie EPR (réacteur pressurisé européen) que Flamanville doit sa renommée.

Une renommée méritée, tant la construction de ce réacteur de nouvelle génération est emblématique de l’accident industriel et financier programmé. Le chantier lancé à la fin 2007 devait s’achever en 2012 pour un coût de 3,3 milliards d’euros. Quelques années plus tard, on sait désormais que le réacteur ne sera pas en service avant 2018 et que la facture sera supérieure à 10 milliards d’euros. Cerise sur le gâteau, la cuve du réacteur ne remplit pas les critères initialement requis en termes de résistance.

Qu’importe, Stéphane Travert irradie de bonheur dès lors qu’on agite les trois petites lettres magiques E, D et F. Reste une question sur les raisons de ses déclarations chez Jean-Jacques Bourdin : initiative intempestive et personnelle ou expression des lobbies financiers du secteur agro-industriel ?


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