1681 Deux moines capucins dénoncent l’esclavage

jeudi 6 juillet 2017.
 

Esclavage et réparations, de Louis Sala-Molins. Éd. Lignes, 132 pages, 16 euros. Le philosophe Louis Sala-Molins revient sur l’histoire de deux moines capucins prônant la liberté des esclaves noirs dans les Amériques du XVIIe siècle.

Il faut se rendre à l’évidence  : en chaque période de l’histoire, contre les clameurs générales, contre l’opinion régnante, il se rencontre toujours des sans-grade ou des «  pouilleux  » qui se battent pour la vérité. C’est le cas de deux capucins du XVIIe siècle finissant qui, s’opposant aux négriers et planteurs, évêques et gouverneurs, politiciens et ministres, théologiens et traditionalistes, s’égosillèrent contre le système esclavagiste.

Dans Esclavage et réparations, le philosophe Louis Sala-Molins suit la longue lutte menée par ces deux moines, le Jurassien Épiphane de Moirans et l’Aragonais Francisco José de Jaca, aux Amériques, à la cour espagnole et à la cour pontificale, pour faire reconnaître à la fois la liberté naturelle des Noirs réduits à l’esclavage, l’illégalité de la traite, l’obligation de l’affranchissement immédiat et d’un dédommagement financier.

En 1678, l’un est à Caracas, l’autre à la Martinique. Puis tous deux se rencontrent à La Havane, les deux capucins troublent les esprits, éveillent les colères, fomentent les révoltes. On les entend un peu partout dans cette vaste zone atlantique entre les côtes de Guinée et celles de la Guyane, du Brésil et de l’île Saint-Christophe.

Inlassablement, ils disent  : «  De quel droit tenez-vous en esclavage les Noirs  ? Vos esclaves sont des hommes libres.  » Étranges homélies qui exaspèrent les autorités civiles et ecclésiastiques, alors que Jaca et Moirans menacent des foudres divines les maîtres qu’ils entendent en confession.

Hors du temps, les deux moines  ? se demande Sala-Molins, rappelant la modernité de leurs écrits, la Liberté des esclaves ou Défense juridique de la liberté naturelle des esclaves (Moirans) et Conclusions sur la liberté des Noirs et de leurs ascendants autrefois païens et désormais chrétiens (Jaca).

Tous deux rédigés en 1681, un bon demi-siècle avant les premières lueurs des Lumières, ces deux Mémoires osent invoquer «  les droits de l’homme  » et exigent paiement, dédommagement et réparation pour tous les maux endurés sous les chaînes.

Mais, suivant son Conseil des Indes, la couronne espagnole ne modifia pas sa conduite esclavagiste et n’écouta pas ces deux théologiens hors normes.

ALIOCHA WALD LASOWSKI


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