Quinquennat Macron : En marche, au pas de l’oie

dimanche 16 juillet 2017.
 

Le mauvais film des 5 premières semaines d’un quinquennat qui sera tragi-comique.

Le néolibéralisme est une idéologie qui accompagne la conquête des multinationales et des banques, qui accompagne leur bataille pour le contrôle des normes sociales et sanitaires quand elles freinent leur expansion, et qui propose un corpus intellectuel tentant de justifier les exactions écologiques et sociales perpétrées à l’échelle planétaire.

Ce courant de pensée a atteint sa culmination en France il y a un mois : un inconnu sans aucune expérience politique ou entrepreneuriale qui permette de le différencier de milliers d’autres, un Macron, a réussi en l’espace de quelques mois à faire disparaitre le clivage gauche droite. Cette transformation très momentanée du paysage politique s’est faite grâce à l’inédite OPA des plus grosses fortunes françaises sur la presse et les médias ces dix dernières années. Tout était prêt pour fabriquer le consentement.

Il faut se souvenir que le dévoiement de la vie politique par le parti socialiste pour conserver le pouvoir il y a 30 ans avait aussi préparé le terrain. L’utilisation de la menace fasciste pour générer un vote utile dès le premier tour de la présidentielle a permis d’escamoter le second tour qui s’est à nouveau transformé en pseudo front républicain. Cette instrumentalisation du FN dès les années 80 impliquait aussi d’interdire la proportionnelle (la France insoumise aurait 85 députés en proportionnelle intégrale). L’inversion du calendrier républicain a fait le reste : les législatives ont été une formalité pour Macron.

Or quel front républicain quand le choix s’exerce entre un mouvement nationaliste xénophobe, et un mouvement qui n’a comme seul projet que de transposer les directives de la commission européenne en droit Français ? Loi travail sur ordonnances en haut de la pile, dûment annoncée…

Faut-il que la culture politique des citoyens soit devenue si médiocre pour que 8 millions de gens environ aient voté Macron à chaque échéance électorale depuis 2 mois sans anticiper sur la nature réelle du personnel politique qu’ils portaient au pouvoir ?

Cet étonnant triomphe de la finance et des multinationales s’achève néanmoins et le mirage a laissé la place à un festival d’âneries : 5 semaines d’exercice du pouvoir ne permettent plus aux médias officiels de masquer la réalité. Le gouvernement et à l’Elysée œuvrent uniquement pour l’ensauvagement de la société par la dérégulation totale. Tout est affaire d’enrobage maladroit et de mensonges qui sont autant d’évidences.

Ci-dessous un petit inventaire à la Prévert des renoncements, erreurs, fautes et idioties qui ont révélé l’illégitimité de Macron et ses pieds nickelés, un inventaire devenu très important alors que dire la vérité est devenu révolutionnaire dans ce pays (comme disait Gramsci dans les années 30).

1. Promesses réitérées de féminisation de la vie politique : la plupart des femmes candidates de REM étaient suppléantes, le Premier ministre n’est pas une femme comme l’avait « souhaité » Macron, ni le Président de l’assemblée nationale comme l’avait à nouveau « souhaité » Macron. Ni les ministres les plus importants dans le protocole, ni les conseillers que Macron a placé partout dans les ministères pour dicter leur conduite aux ministres.

2. Un Président de l’assemblée nationale parjure qui a été adoubé par Macron (les députés REM ont voté pour lui comme un seul homme). Comment concevoir que la représentation nationale soit présidée par quelqu’un qui a menti publiquement (par écrit et devant les téléspectateurs) il y a seulement 5 mois lors de la primaire PS ? Comment tolérer que l’ensemble des députés se soient levés et aient applaudi un exemple d’une si faible intégrité morale ? https://www.marianne.net/politique/...

3. Un groupe parlementaire majoritaire présidé par un homme désigné par le Président de la République et élu à mains levées : le niveau de liberté laissé au groupe parlementaire par l’Elysée parait en ligne avec le pire de la cinquième république, ou bien rappelle les grandes heures de l’union soviétique. Comment plus de 300 députés peuvent-ils tolérer ces pratiques d’un autre âge ?

4. Le Président du groupe parlementaire majoritaire pris les mains dans le pot de confiture comme un débutant, dont les dénégations s’apparentent à des mensonges, et dont on sait maintenant qu’il a fait sa fortune personnelle et celle de sa femme (employée et bénéficiaire d’une bourse) en bafouant l’éthique la plus élémentaire. Dans quelle entreprise un individu peut-il se livrer aux montages border line d’un Ferrand, s’il n’est pas tenu pour acquis qu’il s’agit de gratifier un lobbyiste parlementaire influent ? Tout cela dans le secteur de la santé dont Macron nous assure qu’il faut davantage soutenir les mutuelles. Le meilleur soutien de Macron, le plus proche et le plus dévoué, est une sacré planche pourrie. Pourquoi le garder dans le circuit ? Parce que ses pratiques sont aussi celles de la nouvelle oligarchie en place ? Ou bien parce qu’il a la liste des donateurs du parti de Macron de la première heure ? Autre ?

5. Montrer à l’opinion qu’un individu suspecté par la justice n’est plus bon comme ministre mais est assez bon pour tenir le plus gros groupe parlementaire. Est-ce vraiment cela le renouvellement des pratiques politiques ? Les députés sont-ils vraiment tenus de recycler les bras cassés de la Macronnie, fut-elle Jupitérienne ?

6. Concernant la nature du nouveau personnel politique, on comprend mieux maintenant ce que l’expression « société civile » représente pour Macron : petits patrons, médecins, avocats, cadres supérieurs, collaborateurs d’élus. La nouvelle assemblée est encore plus élitiste que la précédente. Donc encore plus loin des intérêts de la population. Mais c’est le but non ?

7. 4 ministres ont démissionné alors que l’opération main propre promise pendant toute la campagne électorale était l’argument de vote numéro 1 du candidat Macron, que les retards dans la nomination du gouvernement étaient expliqués par la vérification des profils des candidats. Dès 2014 pourtant, Corinne Lepage écrivait que les pratiques de Bayrou avec les émoluments européens étaient inadmissibles, dignes d’une Marine Le Pen. Que s’est-il passé ? N’est-ce pas une habile manière de sortir un potentiel contradicteur alors que les conflits d’intérêts s’annoncent innombrable avec cette équipe de cadres supérieurs issus des plus influentes multinationales et banques ? Comme c’est déjà le cas pour Audrey Bourroleau. La vraie question ici est de se demander si Macron n’a pas anticipé la sortie des MODEMs quand il leur a promis la lune en Mars dernier.

8. Parmi les ministres démissionnaires, une attire l’attention, Sylvie Goulard, qui a bénéficié de 2013 à 2016 d’un salaire mensuel de 10 000 euros par mois versé par un organisme étatsunien consacrant son argent à réfléchir aux systèmes de gouvernance (sic !) alors qu’elle était député européenne. Cet institut est piloté par le descendant richissime d’un peintre de la côte ouest… et finançait donc la future ministre de la guerre ! Du John Le Carré. http://www.lejdd.fr/politique/lenig...

9. Il faut noter aussi que celle qui la remplace, la nouvelle ministre de la guerre donc, est une affidée de la banque Rothschild, son mari est un dirigeant de Thalès. Depuis janvier 2016, elle appartient au conseil de surveillance de l’entreprise Zodiac Aerospace. Elle y siège comme représentante du "Fonds Stratégique de Participation". « Le FSP est géré par le groupe Edmond de Rothschild. Regroupant six assureurs majeurs en France (BNP-Paribas Cardif, CNP Assurances, Crédit agricole assurances, SOGECAP (groupe Société générale), Groupama et Natixis Assurances), le FSP est un actionnaire de long terme dans le capital de sociétés françaises ». Voilà donc une ministre (de plus) dont les liens avec la banque et l’industrie sont étroits. Ici avec le groupe Edmond de Rothschild, basé en Suisse, qui, comme le révélait Cash Investigations, dispose de 142 sociétés écrans dans des paradis offshore.

10. Autre étonnant arrangement : pourquoi la ministre du travail ne démissionne-t-elle pas elle qui est mise en examen ? http://www.latribune.fr/economie/fr...

11. Avant de démissionner Bayrou avait eu le temps d’édulcorer sa fameuse loi de moralisation, laissant toute latitude aux lobbyistes pour continuer à pourrir la démocratie : les députés ne pourront plus « démarrer » une activité de conseil. Mais nous pensions qu’ils n’auraient plus le droit d’en conserver une… Plus de suppression du régime spéciale des retraites des parlementaires non plus ! L’inégibilité pour condamnations ne concerne plus que les parlementaires alors que le candidat Macron promettait que cela s’adresserait à tout candidat pour n’importe quelle élection.

12. Un autre personnage fait l’effet d’une douche froide, Gérard Collomb. Le jour de sa visite à Calais, au moment exact quand Macron dit à la presse qu’il faut traiter les migrants avec humanité, il plaisante sur les associations humanitaires qui « devraient aller exercer leurs talent ailleurs ». Il sait bien pourtant qu’il s’agit de donner de l’eau et des vivres à des êtres humains à bout physiquement et psychologiquement. Et il est certain que Collomb est celui qui dit la vérité de ce tandem improbable qu’il forme avec Macron. https://www.politis.fr/articles/201...

13. Car Macron a eu le temps de faire une petite blague sur les réfugiés comoriens au point de devoir s’en excusé officiellement. Le racisme décomplexé à l’œuvre. Aucun doute qu’il laisse à Collomb une totale liberté dans son appréciation de la situation à Calais. Collomb qui d’ailleurs éprouve l’impérieuse nécessité de faire Lyon Paris en Jet payé par la République. http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2...

14. Ces duettistes du progressisme décomplexé n’en rate pas une puisqu’ils anticipent la neutralisation des leaders de la contestation qui vient au moyen de la loi sur l’interdiction de séjour. 438 interdictions sur 618 ont concerné des politiques, et non pas des suspects de terrorisme. D’où la désapprobation du conseil constitutionnel. Et pourtant ils insistent…http://www.lemonde.fr/societe/artic...

15. La blague de Macron a été vite oubliée par les médias qui ont aussi raconté n’importe quoi à l’issue du premier sommet Européen. Ce n’était pas un succès, c’était un bide, et la question de la directive « travailleurs détachés », dont il assurait pendant la campagne qu’il fallait durcir la réglementation, a été évacuée. Idem pour la question du contrôle des activités chinoises. Les Chinois sont en train de racheter la Grèce et le Portugal. Il met à genoux des pays entiers avec ses amis de la troïka, et s’étonne que les Chinois y investissent pour ramasser les miettes ? http://www.lefigaro.fr/vox/monde/20...

16. Cette propension des médias a noyé systématiquement le poisson est redoutable. Le cas Hulot est emblématique. Qui sait que Macron, comme pour la plupart des autres ministres d’ailleurs, lui a choisi deux chaperons particulièrement gratinés : https://reporterre.net/Hulot-encadr... Et qui a compris que les contrats d’exploitation de gaz de schistes en cours, ainsi que leur renouvellement, n’étaient pas concernés alors que tout le monde se félicite qu’il n’y en aura pas de nouveaux ? https://www.marianne.net/societe/ex... Ou quand Hulot est présenté comme vainqueur d’un bras de fer sur les pesticides avec son homologue de l’agriculture, alors que tout est encore possible pour les lobbies : https://reporterre.net/Couac-gouver... http://www.liberation.fr/futurs/201...

17. Cet enfumage médiatique s’applique particulièrement à la diplomatie : Trump invité à assister au défilé du 14 Juillet, Poutine invité avec fracas à Versailles, Assad considéré comme un moindre mal face à la menace djihadiste… Autant de reniements des postures électorales qui devraient scandaliser la presse officielle. Macron n’hésite pas à faire exactement le contraire de ce qu’il dit, en laissant ses électeurs autoproclamés progressistes bouche bée.

18. Pourtant la presse aux ordres et largement subventionnée commence à s’inquiéter. Macron tweet comme un vulgaire Trump et les court-circuite, mais il dénie aussi aux journalistes le droit de l’interviewer. C’était dérangeant de le voir aussi vulnérable et incapable de soutenir le débat pendant la campagne, c’est devenu honteux maintenant qu’il est en place. Supprimer l’entretien du 14 juillet est compris comme un refus d’obstacle que sa propre communication n’arrive pas à justifier : « ses équipes expliquent tranquillement ce silence par le fait que la "pensée complexe" du président se prêterait mal à l’exercice ». https://www.marianne.net/politique/...

Finalement, tout est dans son autoportrait : le choix qu’il fait de copier bêtement Obama et une série télévisée est puéril, mais le message qu’il transmet est carrément sinistre. Quelque chose comme : « il faudra me passer sur le corps, je suis sur votre passage, et je m’accroche comme un malade avec mes petites mains, le business ça me connait ». Toujours ce doute concernant son équilibre émotionnel, avec cette personnalité qui ressemble pas mal à celle de Trump dont il semble ne plus pouvoir se passer. Sa complicité avec De Villiers affichée en septembre 2016 parait toute naturelle.

Il faut le combattre pour ce qu’il est, ce que lui et ses amis représentent d’enrichissements personnels, de confusion des genres et d’absence totale d’éthique républicaine, et pour ce qu’il fait. Les insoumis sont déterminés. Ils sont les seuls à avoir refusé de saluer un parjure nommé à la tête de l’assemblée nationale. Ils refusent de se livrer au cirque du congrès destiné à marginaliser le premier ministre et la représentation parlementaire. Et ils sont déterminés à défendre 100 ans d’acquis sociaux obtenus de haute lutte contre la grande bourgeoisie.

Deeplo.


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