On n’a plus les mâles comme on avait dans le temps !

lundi 26 mars 2007.
 

Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça : la Hongrie, le Danemark et la Grande-Bretagne tiennent des registres des malformations génitales des nouveaux-nés mâles.

Analysant récemment ces séries statistiques, des chercheurs danois ont constaté une forte augmentation des cas de micropénis, d’hypospadias (l’office de l’urètre n’est pas au niveau du gland) et de cryptorchidie (testicules non descendus). Le nombre d’enfants présentant ces malformations a presque doublé entre 1985 et 2000, ce qui est évidemment tout à fait significatif et spectaculaire. Dans le même temps, on a mis en évidence une baisse de la qualité et de la quantité du sperme humain, ainsi qu’une augmentation des cas de cancers des organes mâles de la reproduction. Comme toutes ces affections sont liées au fonctionnement du système hormonal, les scientifiques ont formulé l’hypothèse que des substances répandues dans l’environnement agiraient comme des « perturbateurs endocriniens ».

Cette hypothèse ne tombe pas du ciel. Les polluants organiques persistants (POP) tels que les pesticides, certains plastiques, des retardateurs de flamme tels que les PCB (Poly Chloro Biphényls), notamment, sont des perturbateurs endocriniens reconnus au niveau du monde animal. On a prouvé, par exemple, que la fragilité croissante des coquilles d’oeufs des rapaces - qui menaçait et menace encore d’extinction certaines espèces - était due à l’accumulation de pesticides (notamment le DDT) tout au long de la chaîne alimentaire. Mais les pesticides ne sont pas seuls en cause : le PCB, notamment, ferait des ravages. Aujourd’hui bannie en Europe, cette molécule a été produite en grande quantité pendant des décennies (pour son usage dans les transformateurs). Des dizaines de milliers de tonnes de PCB sont accumulées dans les boues marines et dans les vases des estuaires. Dans les mers particulièrement polluées en PCB, comme la Baltique, on observe que des mollusques ou des poissons se « féminisent », que des goélands changent de sexe, que des phoques perdent leur virilité. En Floride, on a montré qu’une espèce d’alligator était menacée de disparition parce que les perturbateurs endocriniens réduisaient fortement le désir sexuel chez les individus mâles. Etc, etc.

Chez l’être humain, les preuves de l’action des perturbateurs endocriniens sont évidemment plus difficiles à fournir - ce qui permet à l’industrie chimique de se réfugier derrière son sempiternel « Rien n’est prouvé ». Mais les présomptions sont plus que fortes. On sait par exemple que les pesticides ont une double action oestrogénomimétique (ils donnent des messages chimiques semblables à ceux des hormones femelles), d’une part, et anti-androgénique (ils bloquent l’effet des hormones mâles), d’autre part. Or, une étude menée en France récemment sur les bébés mâles présentant des malformations sexuelles a révélé qu’un tiers d’entre eux étaient nés dans des familles d’agriculteurs. Quand on sait que les agriculteurs représentent 5% de la population active en Europe, il y a de quoi se poser des questions... Comme le dit Charles Sultan, endocrinologue pédiatrique impliqué dans un projet européen de recherche sur les perturbateurs endocriniens : « De plus en plus d’éléments indiquent que l’utilisation de produits chimiques industriels et agricoles a des effets délétères sur la différenciation sexuelle masculine ».

Si ces effets consistaient simplement à réduire la proportion de machos, ce ne serait pas une mauvaise chose. Ce n’est pas le cas, hélas - la multiplication des machos non virils est un scénario plus probable.

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de gaudriole, le problème est très sérieux : au Danemark, la stérilité frappe aujourd’hui 10% des hommes et ce taux pourrait passer à 40% si l’augmentation du phénomène devait se poursuivre au rythme observé ces dernières années. « To be or not to be » est de plus en plus la question, et il n’y a pas qu’au royaume d’Hamlet que « quelque chose est pourri »...

TANIAU Léon 2005


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