Territoires palestiniens. Des banques françaises participent à la colonisation

mercredi 31 mai 2017.
 

On l’oublie trop souvent, mais la politique de colonisation israélienne repose sur un engagement actif du gouvernement pour son volet politique et de l’État proprement dit pour son application et son renforcement. Ainsi, durant les six premiers mois de l’année 2016, le gouvernement israélien a annoncé la construction de 1 823 habitations supplémentaires dans les colonies israéliennes à Jérusalem-Est et dans la zone C, une zone qui s’étend sur 60 % de la Cisjordanie et qui est entièrement sous contrôle civil et militaire israélien depuis les accords d’Oslo. Les liaisons dangereuses des banques et assurances françaises

Pour cela, les banques sont l’un des outils les plus fondamentaux en ce qu’elles octroient des prêts pour les constructions et les infrastructures, détiennent des parts dans des entreprises investies dans les territoires palestiniens occupés. Plusieurs organisations (Association France Palestine Solidarité, CCFD-Terre solidaire, Fair Finance France, Fidh, LDH, Solidaires, CGT et Al-Haq) publient aujourd’hui un rapport sur «  les liaisons dangereuses des banques et assurances françaises avec la colonisation israélienne  ». Une colonisation dont les effets sur les droits humains des Palestiniens est terrible. «  L’environnement coercitif généré par la colonisation israélienne impacte directement les conditions de vie et les droits humains des 300 000 Palestiniens qui vivent en zone C et des 298 000 Palestiniens de Jérusalem-Est, souligne le rapport. En effet, les restrictions administratives (permis de construction, de résidence, etc.) et physiques (check-points, barrages routiers, mur de séparation, etc.), imposées par les autorités israéliennes, limitent considérablement leur accès à un hébergement décent, aux marchés économiques extérieurs, aux ressources naturelles (pâturages, terres agricoles, sources d’eau, etc.) et aux services essentiels (énergie, éducation, santé, eau et assainissement, etc.). »

Les informations contenues dans ce dossier d’enquête sont basées sur une analyse financière menée par le cabinet de conseil néerlandais Profundo de mars à juin 2016, en partenariat avec les organisations signataires. Cette analyse repose sur les publications financières des entreprises et des banques, ainsi que sur des bases de données spécialisées (Orbis, Bloomberg, LexisNexis, ProQuest), recoupées avec des informations accessibles en ligne.

«  Cinq grands groupes financiers français – BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale, BPCE, Axa – gèrent des participations financières ou détiennent des actions auprès de banques et entreprises israéliennes qui contribuent au financement des colonies dans les territoires palestiniens occupés et fournissent des services vitaux au maintien et au développement des colonies tels que la construction d’habitations ou d’usines, la connexion aux réseaux téléphoniques et à Internet, ou encore l’aménagement en équipements de surveillance, peut-on ainsi lire dans le rapport d’enquête. Au-delà de ces participations, les quatre premières banques françaises – en l’occurrence, BNP Paribas, Société générale, LCL (filiale du groupe Crédit agricole) et Natixis (filiale du groupe Banque populaire-Caisse d’épargne) – ont accordé des prêts d’un montant total de 288 millions d’euros sur la période 2004-2020 à l’entreprise publique israélienne Israel Electric Corporation (IEC), pour un projet d’extension de deux centrales électriques au gaz, alors même que l’IEC approvisionne en électricité l’ensemble des colonies illégales en Cisjordanie occupée.  » Une aide, on le voit, non négligeable. Or, la colonisation est illégale au regard du droit international, comme l’a rappelé une nouvelle fois le Conseil de sécurité de l’ONU, le 23 décembre 2016, en adoptant la résolution 2334.

Les auteurs du rapport rappellent par ailleurs que «  si les États sont les principaux sujets de droit international, les individus et les entreprises se sont également vu reconnaître certaines obligations  », en ce sens que «  les institutions financières internationales telles que les banques privées peuvent apporter une contribution substantielle au conflit  ». Faut-il rappeler également les responsabilités des entreprises d’armement dans l’histoire de l’humanité  ? En mars 2014, les États membres de l’UE siégeant au Conseil des droits de l’homme des Nations unies (y compris la France) ont appuyé l’adoption d’une résolution exhortant tous les États à « appliquer les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme en ce qui concerne les territoires palestinien occupés, y compris Jérusalem-Est, et à prendre des mesures propres à encourager les entreprises domiciliées sur leur territoire et/ou relevant de leur juridiction, y compris celles en leur possession ou sous leur contrôle, à s’abstenir de commettre des atteintes graves aux droits de l’homme des Palestiniens ou d’y contribuer, conformément à la norme de conduite préconisée dans les principes directeurs et aux dispositions juridiques et règles internationales pertinentes  ». En mars 2015, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté une résolution qui demande aux entreprises multinationales de prendre des mesures afin d’éviter de contribuer à l’implantation ou au maintien de colonies israéliennes ou à l’exploitation des ressources naturelles du territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. En mars 2016, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies est allé plus loin, en adoptant une résolution qui prévoit d’établir une liste publique des entreprises impliquées dans la colonisation.

Le respect des droits humains mis aux oubliettes

Les principales banques israéliennes telles que Bank Hapoalim, Bank Leumi, First International Bank of Israel, Israel Discount Bank, ou encore Mizrahi Tefahot Bank, sont directement impliquées dans les colonies, en accordant des prêts hypothécaires aux particuliers et des prêts aux entreprises pour des projets de constructions immobilières. «  Le maintien et le développement des colonies ne peuvent se faire sans la mise en place d’un ensemble de services fournis par des entreprises israéliennes, précise le rapport. L’entreprise publique Israel Electric Corporation (IEC) alimente les colonies israéliennes en électricité. Les entreprises Bezeq, Partner et Cellcom leur fournissent des services de télécommunications tels que les communications mobiles, les connexions à l’Internet ou les réseaux 4G. Des centres de services après-vente de Cellcom sont notamment présents dans les colonies de Ariel, Modi’in Illit et Beitar Illit.

L’ensemble des institutions financières françaises visées ont pourtant pris des engagements relatifs au respect des droits humains. Mais dans la réalité, ces belles dispositions sont oubliées puisque ces banques françaises sont actionnaires dans des banques israéliennes qui participent à la colonisation. Ce soutien s’exprime également par l’octroi de prêts, comme c’est le cas pour IEC, qui bénéficie de l’aide d’Alstom pour l’extension de ses usines. Paris a voté la résolution 2334 de l’ONU en décembre dernier

De nombreuses institutions financières étrangères, publiques ou privées, se sont d’ores et déjà publiquement désengagées de banques et entreprises israéliennes actives dans les colonies. C’est le cas notamment du fonds de pension du gouvernement norvégien, de celui, néerlandais, PGGM, du luxembourgeois FDC, des banques danoise et allemande Danske Bank et Deutsche Bank. La responsabilité du gouvernement français est donc directement engagée, en ce sens qu’il n’agit pas en conséquence comme il devrait le faire vis-à-vis de ces institutions financières françaises. Paris a pourtant voté la résolution 2334 de l’ONU en décembre dernier. Accorder la parole aux actes : voilà comment grandir la France et apporter une contribution décisive à la paix dans cette région du monde.

Pierre Barbancey, L’Humanité


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