La Chine en avance sur ses promesses de la COP 21

dimanche 4 juin 2017.
 

À l’heure où les États-Unis reviennent sur leurs engagements climatiques, Pékin hâte la réorientation de son industrie et anticipe sur le calendrier établi par l’accord de Paris.

Climat. La Chine accélère la sortie du charbon

La Chine va vite, mais sans doute pas assez pour nombre de ses contempteurs ou rivaux stratégiques, qui souhaiteraient la rendre responsable des maux de la planète. Il en va ainsi du président Donald Trump qui, loin d’en être à une manipulation près, n’hésite pas à expliquer que Pékin a inventé le réchauffement climatique pour nuire aux intérêts de l’Occident. Ces aberrations avaient poussé le ministre chinois des Affaires étrangères, Liu Zhenmin, à remettre les États-Unis à leur place en les encourageant à respecter, eux aussi, les engagements pris en 2015 à l’occasion de la COP21. Car, tandis que Donald Trump s’emploie à dénoncer les objectifs états-uniens fixés par l’accord de Paris et multiplie les gabegies environnementales, la Chine, elle, avance. Premier émetteur mondial de gaz à effet de serre (il compte pour 25 % des rejets), le pays, qui n’a pas encore achevé son développement, pourrait même donner l’exemple en matière d’action.

Sa position de plus gros pollueur mérite d’ailleurs d’être nuancée. Ramenée au nombre d’habitants – 1,4 milliard –, la part d’émissions de gaz à effet de serre des Chinois, à qui l’on sous-traite un gros morceau de notre production de biens industriels et électroniques, ne s’élève qu’à hauteur de 5 %. La part des Européens s’élève, elle, à 16 %, et celle des Nord-Américains, à 57 %. «  Si l’on prend en compte les flux d’importations et d’exportations entre les différentes régions du monde, les émissions européennes augmentent subitement de 40 % et celles d’Amérique du Nord, de 13 %, alors que les émissions chinoises baissent de 25 %. Or, il est nettement plus justifié d’examiner la répartition des émissions en fonction du niveau de consommation finale, plutôt que de production  », précise Gilles Fumey, enseignant-chercheur en géographie culturelle.

L’enjeu est autant climatique que sanitaire

Si la Chine insiste pour que les pays les plus avancés prennent davantage leurs responsabilités, les autorités se fixent elles aussi des objectifs. Entre autres, celui de réduire la dépendance du pays au charbon. Le combustible fossile compte actuellement pour 62 % de son mix énergétique. L’idée est de faire tomber cette part à 55 % d’ici à 2020. Pour le pays, l’enjeu est tout autant climatique que sanitaire, alors que, pour la seule ville de Pékin, le niveau de particules fines dans l’air reste dix fois supérieur aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Déjà, sur l’ensemble du territoire, dont la surface représente dix-sept fois celle de la France, la consommation de charbon a diminué en 2016 – et pour la troisième année consécutive – de 4,7 %. La tendance devrait se poursuivre. Selon les estimations de Greenpeace, la Chine devrait même réussir à atteindre une baisse de 1 % de ses émissions de CO2 en 2017. «  Elle est en voie de parvenir à un pic de ses émissions de CO2 bien avant la date de 2030 (retenue dans le cadre de la COP21, lire ci-contre – NDLR), si la transition rapide aux énergies propres et la fin de sa surdépendance vis-à-vis des industries polluantes se confirment  », précise l’organisation.

La taxe sur l’environnement approuvée

Le choix d’abandonner progressivement l’acier et le charbon ne se fait pas sans douleur  : 500 000 emplois sont menacés. Mais l’Administration nationale de l’énergie (ANE) prévoie également de consacrer 344 milliards d’euros aux énergies renouvelables d’ici à 2020, afin que celles-ci fournissent la moitié de l’électricité d’ici cette date. Le secteur serait susceptible de générer 13 millions d’emplois hautement qualifiés. Parallèlement, le comité permanent de l’Assemblée nationale populaire (ANP) a approuvé, fin décembre 2016, la loi sur la taxe sur l’environnement pour les entreprises et les institutions publiques, laquelle porte indistinctement sur toutes les pollutions (eau, sols, air), et pourrait avoir un impact sur les émissions de gaz à effet de serre.

D’aucuns estiment désormais que la Chine est en très bonne voie pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris. Une récente étude de Transport & Environment et Carbon Market Watch montrait que seuls trois des vingt-huit pays européens se donnaient, quant à eux, les moyens de respecter leurs engagements.

En avance sur ses promesses

Lors de la COP21, la Chine s’était engagée à atteindre le niveau maximal de ses émissions de gaz à effet de serre, puis à les réduire en 2030. La réalité va plus vite. Les émissions chinoises n’augmentent plus depuis 2013-2014. La baisse de 1 % prédite par Greenpeace Chine s’inscrit dans cette tendance. Les experts n’y voient pas encore le pic final, mais plutôt une pause de la hausse des émissions. Ils s’accordent, en revanche, à considérer que l’objectif chinois enregistré par l’accord de Paris n’est plus le bon indicateur pour mesurer ce qui se passe sur le terrain. La Chine devrait, in fine, afficher plusieurs temps d’avance sur ses promesses.

Lina Sankari, L’Humanité


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