Le plan de bataille de Macron : « une loi El Khomri puissance 10 » contre le monde du travail

lundi 8 mai 2017.
 

A peine la victoire de Macron annoncée, c’était l’euphorie ce lundi sur les marchés financiers. Le spectre d’un second tour Mélenchon Le Pen passé, les banques se sont envolées dans le CAC 40. Une illustration, si on en avait encore besoin, que Macron saura bien rendre la pareille à ses anciens collègues…

Après la victoire d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle (23%), l’union sacrée appelant à voter l’ex banquier de Rothschild pour faire barrage au FN a été quasi-unanime. Le PS comme Les Républicains, éliminés dès le premier tour, se sont empressés d’appeler clairement à voter pour Macron en agitant le chiffon du Front National. Une unanimité à laquelle cède y compris une partie de la gauche de la gauche, dont des organisations soutenant de La France Insoumise, avec notamment l’appel sans ambiguïté du PCF ou encore d’Ensemble à voter pour Macron pour faire barrage au FN. Pour le moment, Jean-Luc Mélenchon n’a pas donné de consigne de vote, se remettant aux adhérents de la France Insoumise pour déterminer une position, alors que, pour l’heure, ce qui monte, à la base, c’est l’idée d’un rejet de Macron comme de Le Pen, par l’abstention et par la mobilisation, dès le Premier Mai notamment.

Macron, un Hollande puissance 10

Dans ce contexte, et alors que la pression des appareils et au niveau médiatique est très forte, il est plus que nécessaire de rappeler en quoi consiste le programme du néo-libéral, de l’ex-banquier de Rothschild. Soutenu par Hollande lui-même et l’ensemble des appareils, du PS aux Républicains qui ont entaillé à coup de politique néo-libérale, les acquis du mouvement ouvrier, Emmanuel Macron compte opérer dans la continuité du gouvernement PS actuel.

On se rappelle déjà des bons et loyaux services rendus à Manuel Valls, lorsque l’ancien banquier a mis en place la loi portant son propre nom. Mais plus encore, Macron vise à entreprendre un approfondissement des attaques, avec en vue une « loi El Khomri puissance 10 » en préparation. Une loi pour « réformer » le code du travail qu’il compte mettre en place dès cet été au moyen d’ordonnances. Ainsi, plus qu’une continuité avec Hollande, c’est une « blitzkrieg » ou guerre éclair – terme emprunté à Fillon – , que l’ex-banquier s’apprête à mener, au service du MEDEF, contre le monde du travail et la jeunesse.

Le programme de Macron pour (encore) torpiller le droit du travail

En ce qui concerne la « loi El Khomri puissance 10 », Emmanuel Macron en laisse les contours pour le moment flous. « Je souhaite introduire dès l’été, un projet de loi d’habilitation pour simplifier le droit du travail et décentraliser la négociation. Il s’agit de donner plus de place à l’accord majoritaire d’entreprise ou de branche, d’une part, et d’encadrer les décisions des prud’hommes, d’autre part. Le tout par ordonnances, pour procéder de manière rapide et efficace ».

Autrement dit, dans la droite lignée de la controversée loi El Khomri, Emmanuel Macron souhaite « accorder plus de liberté » aux entreprises. Pour autant, étant donné que la Loi Travail permettait justement, au travers de l’inversion de la hiérarchie des normes, de faire primer les accords d’entreprises sur les accords de branche, puis sur la loi, il semble que Macron compte aller plus loin en élargissant les domaines d’application de la loi Travail à d’autres pans du droit du travail.

Priorité à la lutte contre le chômage ?

Comme il l’a affirmé dans une interview aux Echos, la priorité d’Emmanuel Macron sera de s’attaquer au problème du chômage. « Ce sera vraiment le cœur de mon projet : investissements, formation professionnelle, baisse des charges et réforme du marché du travail. » En ce qui concerne le dernier point, « il y aura une décentralisation des négociations sociales : c’est la loi qui définira l’ordre public social, les entreprises et les branches pouvant y déroger par accords. Il faut assumer davantage de flexibilité, je n’ai pas peur du mot, pour adapter notre droit du travail aux mutations en cours », explique-t-il.

Autrement dit, précariser le travail de tous pour garantir un « travail » pour tous, ou plus précisément pour atteindre les 7% de chômage, tel est le projet de l’ex-banquier. La définition de ce qui pourrait être décentralisé est très large. Ainsi, tout ce qui ne relève pas de « l’ordre public social », comme le salaire minimum ou « l’égalité » homme-femme, devrait pouvoir faire l’objet « d’accord majoritaire ». Dès lors, alors même que l’égalité homme-femme est théorique bien plus que réelle, la définition semble au final se réduire au seul SMIC, même si celui-ci est déjà souvent contourné. Modulation du temps de travail en fonction de l’âge : fin des 35h pour tous

Dans un premier temps, c’est à la modulation du temps de travail que Macron s’attaque. Emmanuel Macron en a fait sa priorité de l’été.Lui, qui qualifie le débat sur les 35 heures de « surréaliste », préconise de conserver une durée légale du travail, mais de laisser aux branches professionnelles le soin de la moduler en cas d’accords majoritaires.

Ainsi, au travers de cette « réforme », il imagine possible qu’elles négocient des horaires réduits pour les plus de 50 ans, et plus importants pour les jeunes pour qui « 35 heures, ce n’est pas long ».

L’essentiel serait pour Macron que l’État donne aux chefs d’entreprise la flexibilité dont ils ont besoin pour les inciter à embaucher, notamment des jeunes. C’est une contradiction dans les termes : tout en sachant que les licenciements seraient aussi facilités, quel intérêt pour les entreprises, dont l’objectif est celle de rétablir leur profit en nous faisant payer leur crise, que celle d’embaucher des personnes de plus de 50 ans à horaire réduit ?

Bref, Macron avance masqué, mais son objectif est bien de tirer le temps de travail par le haut, et d’appliquer la précarité pour tous. Plus encore, il s’agit maintenant de nous diviser entre ceux qui, jeunes, pourraient bosser plus de 35h, et les moins jeunes qui seront amenés pour compenser leur plus haut salaire à bosser d’autant plus pour obtenir un emploi.

Modulation du temps de travail sur 5 ans : la fin des heures supplémentaires ?

L’une des conséquences directes de la modulation du temps de travail, qui implique une flexibilité totale en fonction des besoins de production de l’entreprise est celle d’ouvrir la fin de la majoration des heures supplémentaires. Ainsi, le programme d’Emmanuel Macron affirme que la loi fixera toujours l’horaire légal à 35 heures mais ne dit pas un mot du tarif auquel seraient payées les heures supplémentaires, ni sur combien de temps elles pourraient être « modulées ».

En laissant un tel flou, aucune garantie n’est donnée qu’un accord d’entreprise ne puisse pas fixer la majoration des heures supplémentaires à 0 % ou les moduler sur 5 ans afin de ne les payer qu’à partir de la 8 036ème heure. Tout sera donc possible, en fonction du rapport de force, entreprise par entreprise puisque c’est là où s’écrira le droit du travail et que l’employeur pourra prendre l’initiative d’un référendum pour imposer un accord. Seule confirmation, Macron n’a pas l’intention de modifier le SMIC mais veut « alléger les cotisations salariales et patronales ». Baisser le salaire indirect, une façon de faire bien commode.

Et tout cela par ordonnance !

Le dimanche 9 avril, dans une longue interview au JDD, le candidat d’En Marche ! avait détaillé sa méthode de gouvernement, une fois arrivé au pouvoir. Il avait ainsi annoncé son intention de réformer le droit du travail par ordonnances. Une déclaration qui contredit pourtant, ses dires d’il y a cinq mois, alors qu’il affirmait qu’il « n’y croyait pas une seule seconde ».

Une radicalisation du discours qui visait sûrement à s’adresser aux électeurs de François Fillon, qui, pour sa part, affirmait préparer une « Blitzkrieg ». Des déclarations que Hamon – désormais soutien de Macron – , avait à l’époque vivement critiquées, affirmant qu’il n’est pas « acceptable que la leçon que l’on puisse tirer de l’épisode de la loi El Khomri, ça soit de légiférer par ordonnances ». Pour après conclure, que « cela en dit long fondamentalement sur la façon dont l’un comme l’autre, notamment Monsieur Macron, veulent remettre en cause le Code du Travail et les principes qui jusqu’ici protégeaient les salariés ». Une mise en relief des contradictions du néo-libéral Macron, qui illustre sa détermination à taper vite et fort.

Au menu : suppression de 120000 fonctionnaires, fin de la retraite par répartition, etc…

Ainsi, avec cette nouvelle « loi El Khomri puissance 10 » que le candidat d’En Marche ! est bien déterminé à appliquer, de nouvelles attaques d’une violence supérieure sont prévues au programme de l’ex-banquier. Le candidat prépare bien une « Blitzkrieg », au service du MEDEF, contre le monde du travail et la jeunesse.

La précarité pour tous, c’est en quelque sorte la seule réponse que le néo-libéral a à proposer. Le packaging 2.0 de Macron a fait illusion car sous certains aspects, les attaques du candidat d’En Marche !, n’ont rien à envier au programme de l’ultra-libéral Fillon.

C’est notamment le cas de la mise en place du système de retraite par point, qui mettrait fin à la retraite par répartition, l’un des principaux acquis du mouvement ouvrier. C’est encore la fin de la protection sociale, financée par les cotisations sociales payées en partie par le patronat, remettant en cause un acquis qui date de plus de 70 ans.

Et c’est sans compter, la suppression de 120000 postes de fonctionnaires, le contrôle drastique des chômeurs et la suppression des régimes spéciaux de retraite.

Ni Macron, ni Le Pen : Ni la peste, ni le choléra !

D’un côté, il y a Macron qui explique : « Ne cherchez pas un patron cherchez des clients ». Une façon d’expliquer que l’uberisation de la société, la liberté d’entreprendre, est en marche. L’ex-banquier prépare un plan de bataille sans commune mesure contre le monde du travail.

De l’autre côté, il y a Marine Le Pen, la bourgeoise de Saint-Cloud, digne héritière de son père, qui est la pire ennemie des travailleurs : en instillant, à grande échelle, le venin de la division de notre classe entre Français et étrangers ou soi-disant étrangers.

Ainsi, au second tour, c’est le choix entre la peste et le choléra qui est permis. D’un côté, certains appellent à voter Macron pour contrer Le Pen, mais c’est un vote parfaitement illusoire car la peste nourrit le choléra. De l’autre, le FN, lui, tente, au nom d’un vote anti-système, de contrer le candidat favori des patrons et de Bruxelles, pour capitaliser sur la colère existante d’une partie du monde du travail, qui souffre du chômage de masse et de la misère. Voter Le Pen, ce serait voter contre son camp et se désarmer.

Le 1er, c’est mobilisation ! Le 7, abstention !

Dès lors, compte-tenu du système électoral de la V° république qui ne reconnaît pas le vote blanc, la seule façon de s’exprimer, le 7 mai, ce sera en s’abstenant massivement, contre les deux candidats et contre ce système qui leur profite, en dernière instance, à tous les deux. Mais, pour préparer explicitement les combats à venir, il nous faudra également commencer à construire le rapport de force dans le cadre des manifestations du Premier Mai, journée internationale des travailleurs et de la solidarité avec les peuples en lutte.

Damien Bernard


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