Une recomposition politique dominée par la droite et l’extrême droite

vendredi 28 avril 2017.
 

Analyse. Le score de Jean-Luc Mélenchon avec des millions d’électeurs lucides et déterminée, le soutien d’autres forces comme le PCF et Ensemble est un socle pour reconstruire la gauche et peser dès les prochaines législatives.

Avec le résultat du premier tour c’est une véritable recomposition politique qui s’annonce avec un fait massif et dominant, c’est-à-dire une nouvelle orientation à droite du paysage politique. Emmanuel Macron a pu à l’évidence bénéficier de voix de gauche en grand nombre, venant aussi bien des indécis que d’électeurs qui avaient d’abord choisi Benoît Hamon, - le grand perdant de ce scrutin. Mais ce n’est pas seulement en raison du vote utile qui a joué en sa faveur, avec de nombreux électeurs anticipant le second tour pour battre Marine le Pen. Il a pu aussi bénéficier, pour attirer à lui une partie de la gauche, du ralliement clair ou à peine voilé de dirigeants socialistes, dont François Hollande, décidés à saborder le PS lui-même pour prendre le virage libéral déjà amorcé par le président comme par Manuel Valls et son gouvernement. Reste que son programme est bel et bien libéral et proche à maints égards, comme l’Humanité en a fait la démonstration la semaine passée de celui de François Fillon que ce soit sur les questions de la dépense publique, c’est-à-dire des services publics, de la pression sur les chômeurs, du service de la finance et d’autres mesures du même ordre. Il n’y manque même pas le volet autoritaire puisque Emmanuel Macron entend faire passer dès l’été et par ordonnances plusieurs de ses réformes de régression sociale dont la dérégulation du code du travail qu’organisait déjà la loi El Khomri.

Battre Marine Le Pen au second tour

Le premier effet de cette recomposition en marche (sans jeu de mots) c’est que les électeurs auront le choix en ce deuxième tour entre une vision libérale et de droite de la société et une vision d’extrême droite. La pole position d’Emmanuel Macron aujourd’hui n’est en aucune manière la victoire d’une gauche moderne et renouvelée, elle ne fait en quelque sorte qu’ajouter de la droite à la droite. On peut certes se féliciter de ce que le score de Marine le Pen s’il est important ne soit pas à la hauteur de ce qui nous a été asséné pendant des semaines avec la régularité d’une ritournelle. Il est clair en même temps que les électeurs auront à cœur de la battre au second tour et que, de notre point de vue, il n’est évidemment pas question qu’il en soit autrement, mais il reste qu’il ne saurait s’agir d’un vote d’adhésion pour Emmanuel Macron.

La question d’une recomposition de la droite

Dans ce nouveau paysage, on peut aussi apprécier comme il convient le score de François Fillon. Il a connu certes un certain regain dans les derniers temps de la campagne, mais la droite elle-même, en tout cas une partie d’entre elle, a de fait pris acte de la faillite de son image, comme peut-être de la logique de son programme. De ce point de vue, sans doute une partie des électeurs d’Alain Juppé sont-ils allés eux aussi vers Emmanuel Macron, ce qui pose aussi, pour la période à venir la question d’une recomposition de la droite elle-même.

L’échec du Parti socialiste

A gauche, si la déception est claire pour toutes celles et ceux qui espéraient, comme on était en droit de le penser dans la dernière période, que Jean-Luc Mélenchon accéderait au second tour, elle ne saurait masquer la force d’une campagne exceptionnelle qui a mobilisé des millions d’hommes et de femmes, politiques au meilleur sens du terme, souvent engagés dans la vie sociale, porteurs d’une volonté de transformation qui au-delà du scrutin peut rester intacte ou même en sortir renforcée. En revanche, l’échec de Benoît Hamon, c’est le mot, est une véritable défaite du PS, voulue il est vrai, en toute conscience par la droite du PS elle-même. Elle n’est pas seulement la conséquence d’un quinquennat qui avait, dès les premiers instants, divorcé avec le peuple de gauche qui avait élu François Hollande, elle est la conséquence d’une orientation libérale, voulue et organisée, dont le quinquennat a été au fond l’instrument.

Le score de Mélenchon, un socle solide pour reconstruire la gauche

C’est dire au total que l’on se trouve désormais en France avec quatre ensembles politiques. L’extrême droite, pas aussi haut qu’elle l’aurait voulu mais à la capacité de nuisance intacte. Une droite conservatrice qui semble logiquement affaiblie sans que l’on puisse en présumer. Un ensemble social-libéral et droitier aux contours flous et à la majorité incertaine aux prochaines législatives, même si la victoire fait en, général naître de multiples vocations. Enfin une gauche avec un PS éclaté dont on voit mal comment il pourrait rebondir, mais avec le socle désormais que représente le score de Jean-Luc Mélenchon et que l’on peut penser solide, avec le soutien clair et affirmé du Parti communiste, d’Ensemble et d’autres forces. C’est en tout cas a partir de ce socle qu’il va falloir reconstruire la gauche et une grande force d’opposition à une politique qui va faire mal, cela dès les prochaines élections législatives. C’est une bataille déjà engagée dans de nombreuses circonscriptions et pour laquelle la gauche ne gagnerait rien à jouer la concurrence entre ses différences forces et candidats, dont les sortants. Elle doit y mobiliser toute son énergie et son intelligence.

Maurice Ulrich journaliste

Menace FN : Aujourd’hui comme hier, la France ne mérite pas ça !

Quinze ans après le coup de tonnerre qui saisit de stupeur des millions de Français le 21 avril 2002, lorsque Le Pen (père) se qualifia pour le second tour, dont fut écarté Lionel Jospin, le même scénario se répète : dimanche 7 mai, il n’y aura que deux bulletins dans les bureaux de vote, dont celui de Le Pen fille face à Emmanuel Macron, arrivé en tête du premier tour.

L’histoire semble repasser les (mauvais) plats

Les électrices et électeurs de gauche sont donc privés de leurs candidats le 7 mai. Si l’histoire semble repasser les (mauvais) plats, il existe au moins une différence entre le 21 avril 2002 et le 23 avril 2017. Dans le premier cas, le résultat avait bouleversé l’opinion progressiste et démocratique, lui paraissant inconcevable, inimaginable. On se souvient de ces jeunes brandissant dans les rues de Paris la une de l’Humanité proclamant fièrement : « La France ne mérite pas ça ». Aujourd’hui, le haut niveau de l’extrême-droite demeure choquant mais ne constitue plus une surprise, tant l’extrême droite a été banalisée, son éventuelle victoire a été anticipée dans le mainstream de la parole politico-médiatique. « Dédiabolisation » combien de fois avons-nous entendu ces propos d’imposture ?... Jusqu’à ce que la candidate « dédiabolisée » n’aille cracher sur la mémoire des martyrs du Vel d’Hiv, comme son père l’avait fait jadis à l’égard des victimes de la shoah « ce détail de l’histoire »… osait-il.

Barrer la route à Marine Le Pen

Depuis ce 21 avril, se repaissant du mal-vivre et des angoisses que provoquent les politiques d’austérité, les forces d’extrême droite ont gagné des positions dans plusieurs pays d’Europe, comme en Hongrie et en Pologne, mais dans d’autres Etats la vague a parfois été contenue par les citoyens, en Autriche, aux Pays-Bas. Barrer la route à Marine Le Pen, en faisant en sorte qu’elle obtienne au second tour le plus bas pourcentage, est un enjeu politique tout autant décisif qu’en 2002. A l’époque, les électeurs ne disposaient plus que du bulletin Chirac. Aujourd’hui, c’est le bulletin Macron. C’est ce qu’a souligné le secrétaire national du Parti communiste : « Nous prenons nos responsabilités parce que l’accession au pouvoir du FN serait trop grave pour le pays, pour la sécurité du monde » a expliqué Pierre Laurent, ajoutant qu’il ne se reconnaissait pas dans le programme d’Emmanuel Macron, qu’il « faudra combattre demain. » Jean-Paul Piérot


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