Greenpeace : analyse du programme écologique de J-LMélenchon –France insoumise

mercredi 26 avril 2017.
 

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L’écologie au coeur des impératifs publics

Jean-Luc Mélenchon propose d’adopter une démarche de “planification écologique”. Il mise sur l’Etat pour organiser sur un temps long l’évolution du travail et du modèle de production, de consommation et d’échanges. Il indique qu’il mettra en oeuvre les investissements publics nécessaires à cet égard et s’appuie sur la logique d’effet multiplicateur cher à l’économiste Keynes. Cette logique de “planification écologique” met en évidence la nécessité d’une action forte de l’Etat, ce que nous partageons. C’est bien le sens du rapport sorti récemment par une coalition d’acteurs associatifs montrant comment une transition écologique juste pourrait permettre de créer 1 million d’emplois.

Dans son programme “L’avenir en commun”, le candidat de la France insoumise propose également de constitutionnaliser une “règle verte” imposant de ne pas prélever sur la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer, ni de produire plus que ce qu’elle peut supporter. Si le principe est séduisant, nous restons un peu sur notre faim sur sa mise en oeuvre concrète : comment le rendre opérationnel ? Comment organiser concrètement la redevabilité des différents acteurs, notamment économiques, qui engagent leur responsabilité à cet égard ? Répondre à ces questions permettrait de mieux éclairer les électeurs dans leur choix.

Vers une sortie du nucléaire et des projets climaticides

La mise en oeuvre d’un plan de transition énergétique vers les énergies renouvelables par la sortie du nucléaire apparaît dans les dix mesures emblématiques de Jean-Luc Mélenchon. Il réaffirme également la nécessité absolue de sortir des énergies fossiles en raison de l’urgence climatique. L’objectif fixé est de 100% d’énergies renouvelables d’ici à 2050. On est d’accord ! Greenpeace appelle depuis longtemps à changer notre mode de production très centralisé en France (à cause de la prédominance actuelle des centrales nucléaires) vers un mix plus équilibré entre production centralisée et décentralisée à base d’énergies renouvelables.

Nous partageons l’analyse d’une industrie nucléaire extrêmement coûteuse qui freine la transition énergétique et le financement du développement des énergies renouvelables, ainsi que le constat des dérives dans la gestion du parc nucléaire français et des investissements de la filière à l’international. En revanche, divergence sur le timing pour la sortie du nucléaire : pour Jean-Luc Mélenchon, elle est à considérer à l’horizon 2050, alors qu’une sortie complète du nucléaire doit être mise en oeuvre le plus rapidement possible. Elle est, de notre point de vue, possible en 2035.

Plus précisément, nous considérons que les centrales nucléaires françaises ne doivent pas être exploitées au-delà de 40 ans, ce qui signifie qu’elles doivent être toutes fermées d’ici à 2035. Prolonger l’âge d’exploitation des réacteurs au-delà de 40 ans serait hors de prix et trop risqué. Cela ralentirait aussi considérablement le rythme de développement des énergies renouvelables en France. Plus on sortira rapidement du nucléaire en France, plus on laissera de la place aux renouvelables sur le marché de l’électricité,plus on bénéficiera des bénéfices économiques liés à ces énergies et plus on luttera contre le réchauffement climatique avec les bonnes solutions.

Dans le livre-programme “L’avenir en commun”, sont également proposés la fermeture immédiate de Fessenheim, l’abandon de l’opération de grand carénage, des projets d’EPR de Flamanville et d’Hinkley Point et du projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Là encore, on est d’accord (et on n’est pas les seuls).

Le programme de Jean-Luc Mélenchon décline aussi toute une série de mesures au service de la sobriété et l’efficacité énergétiques, notamment dans le secteur du bâtiment et du transport, et au service de la relocalisation des productions au plus près des consommateurs. Dans la lignée de son positionnement contre les énergies émettrices de gaz à effet de serre, Jean-Luc Mélenchon s’oppose au projet d’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, à toute recherche et exploitation des gaz de schiste, aux traités de libre échange CETA et TAFTA, et appelle à un ré-équilibrage des modes de transports (soutien aux transports collectifs, développement du fret ferroviaire, encadrement du transport aérien, évolution de la mobilité individuelle, etc).

Une approche globale contre la pollution de l’air

Chez Jean-Luc Mélenchon, la sortie du diesel (pour laquelle il ne propose cependant pas d’échéance) s’inscrit dans un engagement plus large à "développer les transports publics écologiques et repenser la mobilité individuelle". Le candidat de la France Insoumise propose également de prioriser le transport ferroviaire par rapport au transport routier, de développer les usages partagés de la voiture et les mobilités douces, de développer les véhicules électriques pour les flottes captives. Ces propositions vont dans le bon sens et témoignent d’une appréhension globale de l’enjeu de lutte contre la pollution de l’air. On aurait en revanche apprécié, dans le contexte du DieselGate, de voir émerger une mesure complémentaire sur le nécessaire renforcement des normes anti-pollution européennes qui s’appliquent aux constructeurs automobiles et sur l’importance qu’elles soient strictement encadrées et mises en oeuvre.

Une agriculture écologique et paysanne, quitte à sortir de l’Union européenne

L’essentiel de son programme peut être résumé en une phrase : “une agriculture écologique et paysanne pour une alimentation de qualité”. Au niveau européen, il souhaite une nouvelle politique agricole commune pour favoriser l’agriculture écologique et paysanne, la relocalisation et l’auto-suffisance alimentaire. Cette option est envisagée si le premier scénario envisagé par Jean-Luc Mélenchon pour la suite du projet européen est retenu, à savoir une refondation démocratique, sociale et écologique des traités européens par la négociation. Si ce n’est pas le cas, il propose un second scénario (le “plan B”) qui passe par un retrait progressif de l’Union européenne.

De notre point de vue, c’est bien le premier scénario qui est à privilégier en réinvestissant le projet européen (en anglais) et en transformant en profondeur les institutions actuelles afin de faire émerger un modèle de société solidaire et écologique. Nous sommes nous aussi critiques du fonctionnement actuel de l’UE. Entre autres, on pourrait citer, des conflits d’intérêt scandaleux avec des multinationales (à propos de l’évaluation sanitaire des OGM par exemple) ou encore l’opacité anti-démocratique dans laquelle certains traités commerciaux sont négociés au nom de l’UE. Cependant, tout n’est pas à jeter à Bruxelles et notre avenir passe par une refondation, pas par une sortie. L’Union européenne a permis de vraies avancées sur l’environnement. Par exemple, les régulations européennes permettent de lutter efficacement contre certaines pollutions particulièrement dangereuses, qu’elles concernent l’eau (les rivières, les eaux côtières, l’eau potable), l’air (dont la qualité est menacée par les émissions des voitures, les fumées toxiques des usines, etc.) ou encore les déchets domestiques et industriels. On peut également porter au crédit de l’Union européenne des mesures efficaces de protection de la biodiversité (instauration de zones protégées pour les oiseaux, protection de la faune aquatique) ou encore certains efforts dans la lutte contre le réchauffement climatique (réduction des émissions de CO2, normes d’efficacité énergétique) Par ailleurs, l’échelle européenne est souvent pertinente pour s’attaquer à des enjeux environnementaux qui ne connaissent pas de frontières, tels que la pollution atmosphérique, la pollution des eaux, la protection de la faune ou encore le risque nucléaire.

En cas de retrait de l’UE, la France risquerait de connaître une nette régression sanitaire et environnementale. Les Britanniques en font l’expérience avec un risque similaire depuis le vote du Brexit. Les écologistes britanniques s’inquiètent des conséquences (en anglais) d’une sortie de l’Union européenne.

Au niveau national, le programme est ambitieux et fait à nouveau largement écho aux positions de Greenpeace. Le candidat de la France Insoumise propose ainsi d’abandonner les projets de fermes usines, de développer l’agriculture écologique sans pesticide chimique et sans OGM, de promouvoir les circuits courts et la vente directe, de plafonner les marges de la grande distribution, de développer un système libre de droit pour les semences paysannes, et enfin de passer à une alimentation 100% biologique et locale dans la restauration collective d’ici 5 ans en réduisant en parallèle la part de viande dans l’alimentation. Des mesures très alléchantes qu’il est l’un des rares candidats à porter (pour certaines d’entre elles). Cependant, elles mériteraient des précisions sur ses modalités de mise en oeuvre afin d’y voir plus clair.

Jean-Luc Mélenchon s’intéresse également à la défense de l’intérêt général dans les Chambres d’agriculture et dans la recherche publique agronomique. Là, nous applaudissons car il est le seul candidat à s’attaquer concrètement à la toute-puissance de la FNSEA, une domination exercée au seul profit d’une vision productiviste et industrielle de l’agriculture.

Les richesses de la mer et de la forêt

Jean-Luc Mélenchon parle régulièrement de “l’économie de la mer” : il présente ainsi la mer comme levier prioritaire de son programme de relance économique, permettant de créer des emplois et d’apporter des solutions écologiquement viables : développement de la pêche artisanale, production de plastique à partir d’algues, développement de l’éolien offshore, etc. Cependant, la “mer” doit aussi et surtout être appréhendée comme un écosystème à préserver. La surexploitation des océans et la surpêche restent un enjeu de taille et l’établissement de réserves marines, la promotion de la pêche durable et l’évolution des modes de consommation de poissons doivent rester des priorités. Dans le livre-programme de la France Insoumise, il est bien proposé de “protéger la haute mer de toute appropriation et du productivisme” mais cette proposition mériterait d’être précisée. Il faut aller plus loin et défendre l’établissement d’un réseau mondial de réserves marines, qui couvriraient 40% de nos océans (avec, certes, de grandes étendues en haute mer mais aussi de plus petites superficies le long des côtes) et qui seraient protégées de l’exploitation humaine (pêche, exploitation minière, rejet de déchets).

Même si des précisions mériteraient d’être apportées, le candidat s’intéresse également à l’exploitation durable de la forêt française. Seul hic et d’importance : rien n’est dit quant à notre responsabilité par rapport à l’exploitation des deux premiers poumons forestiers du monde (forêt amazonienne et bassin du Congo), alors que la France est la principale porte d’entrée européenne du bois brésilien ou du bois en provenance d’Afrique centrale. Certains des plus gros exploitants forestiers en Afrique sont français. Il est essentiel à cet égard que les autorités françaises renforcent les dispositifs de contrôle et de sanction à l’égard des sociétés importatrices peu scrupuleuses. On regrette également qu’il ne fasse pas mention des pratiques destructrices de l’agrobusiness (production d’huile de palme, de caoutchouc et latex, etc) qui contribuent pourtant à la déforestation des forêts tropicales au profit de la consommation des pays européens (entre autres). Quid des mesures dissuasives à prendre pour limiter les importations en France et en Europe alors qu’on retrouve dans certains cas des entreprises et capitaux français ?

A noter aussi plusieurs propositions de Jean-Luc Mélenchon relatives à la gouvernance mondiale de l’environnement, notamment la création d’une organisation mondiale de l’environnement dans le cadre de l’ONU et la reconnaissance d’un crime international d’écocide. Nous partageons ces propositions mais rappelons qu’une telle autorité internationale devrait être dotée de solides mécanismes de contrôle et de sanction en cas de violation sous peine d’être une coquille vide.

Politique de défense et nucléaire militaire

L’arme nucléaire n’est pas abordée explicitement dans le livre-programme Jean-Luc Mélenchon. Mais dans une de ses vidéos récentes, il s’oppose à la prolifération . S’il se dit favorable au fait que les armes nucléaires disparaissent de tous les arsenaux militaires et salue le volontarisme de la Chine à l’ONU sur ce sujet, il ne se positionne pas précisément sur le Traité international de l’ONU pour l’interdiction des armes nucléaires pourtant actuellement en discussion. La France a voté contre alors qu’il s’agit d’une immense opportunité de s’engager vers un arrêt de la prolifération. Par ailleurs, alors que les dépenses militaires connaissent des heures glorieuses suite aux tensions internationales, Jean-Luc Mélenchon n’évoque pas ce point. Greenpeace est opposée à l’augmentation de ces dépenses (en anglais), les investissements devant être prioritairement orientés vers les urgences sociales et environnementales. Rien n’est dit non plus sur les enfreintes régulières de la France à la législation internationale sur le commerce des armes. Des sujets pourtant essentiels pour construire un monde en paix.


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