Qu’est-ce que Sens commun, l’association engagée dans la campagne de François Fillon ?

vendredi 21 avril 2017.
 

« Sens commun fait partie des hommes et des femmes qui sont fiers de leur pays, attachés à leurs traditions, pour lesquels j’ai beaucoup de respect », a dit François Fillon, samedi 15 avril, dans l’émission de radio Forum Radio J. Au point de proposer à ses membres des postes dans son gouvernement en cas d’élection ? « Pourquoi pas », a-t-il répondu lors de cette même interview, sans cependant donner d’informations précises sur la composition de sa future équipe.

L’association Sens commun, peu connue du grand public, avait choisi de soutenir François Fillon lors de la primaire de la droite et du centre. Mais ses liens avec le parti Les Républicains (LR) ne datent pas de la campagne présidentielle : ils remontent à la naissance du mouvement, en 2013.

Une association née de la contestation du « mariage pour tous »

Le 23 avril 2013, la France devenait le 14e pays au monde à légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Ce vote mettait un terme à un an de manifestations d’opposants au texte de loi organisées par diverses associations, de l’institut Civitas, bras politique des catholiques intégristes, au collectif de laïcs La Manif pour tous.

Constatant l’échec de leur mobilisation dans la rue, certains membres de ce collectif décidèrent de renoncer à l’étiquette apolitique de La Manif pour tous pour fonder un mouvement politique : Sens commun. Le 4 novembre 2013, l’association naissait, avec pour but affiché de peser de l’intérieur de l’UMP et d’influencer la ligne du prétendant à l’Elysée en 2017.

A ce titre, le parcours des principales figures du mouvement (voir encadré en fin d’article) montre bien l’intrication de Sens commun, de La Manif pour tous et du parti Les Républicains (ex-UMP). Dès les élections régionales de 2015, des dizaines de militants du mouvement ont ainsi été investis sur des listes de droite, notamment sur celle de Valérie Pécresse, victorieuse en Ile-de-France.

Loin de ne s’intéresser qu’aux questions sociétales, comme le mariage entre personnes du même sexe ou l’avortement, Sens commun s’exprime également sur le rôle de l’Etat ou la politique internationale. Des domaines où François Fillon et l’association partagent une position commune, comme l’expliquait Christophe Billan, son président, à Famille Chrétienne en septembre 2016 :

« De façon réaliste, dans son programme, François Fillon décrit comment il entend avoir un Etat qui soit musclé sans être obèse ; un Etat qui se recentre sur ses fonctions régaliennes afin de vraiment remplir son rôle. Sens commun est aussi très sensible [au] souhait de [François Fillon] de mettre un terme à la vassalisation de la France vis-à-vis des Etats-Unis. Allié mais pas vassal, notamment en s’équilibrant avec la Russie. »

Des liens financiers forts avec Les Républicains

L’UMP apportait déjà son aide tacite à La Manif pour tous, malgré l’étiquette apolitique revendiquée par sa présidente, Ludovine de la Rochère. En 2014, Le Monde révélait que plusieurs réunions logistiques organisées à la veille de grands défilés s’étaient déroulées au siège même de l’UMP. De même, des dizaines de bus avaient été affrétés par les fédérations du parti pour permettre aux manifestants du mouvement de se joindre aux cortèges parisiens.

Il a fallu pourtant attendre la création de Sens commun pour qu’un échange financier soit scellé, par un contrat signé le 2 juin 2014 entre les présidents de Sens commun et de l’UMP. « En contrepartie des droits qui lui sont conférés (aide logistique, droit de tirage actions et communications communes, formations et préparation/participation commune aux échéances électorales), l’association Sens commun s’engage à reverser aux Républicains, sous forme de subvention, une quote-part des adhésions collectées », déclare l’association à la Commission nationale des comptes de campagne.

Entre 33 % et 50 % des cotisations des primo adhérents à Sens commun ont ainsi atterri dans les caisses de l’UMP, puis des Républicains. L’association a donné à d’autres formations politiques 50 955 euros en 2014, puis 20 154 euros en 2015.

Ces échanges financiers ont pu aider l’association à peser sur le programme du candidat de la droite en 2017, puisque ses adhérents sont devenus, grâce à cet accord, adhérents Les Républicains.

Mobilisée pour faire gagner François Fillon

L’association a particulièrement été soutenue par Nicolas Sarkozy et François Fillon, même si la plupart des autres candidats à la primaire de la droite ont aussi rencontré ses dirigeants dès l’origine, de Bruno Le Maire à Hervé Mariton, en passant par Jean-François Copé.

Le conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Elysée Henri Guaino, et Bruno Retailleau, le fidèle lieutenant de François Fillon, ont ainsi aidé les fondateurs de Sens commun à constituer l’association.

Pourquoi donc avoir choisi de soutenir François Fillon dès le 31 août 2016, alors que le candidat était encore loin derrière Nicolas Sarkozy et Alain Juppé dans les sondages ? Pour son président, Christophe Billan, ce choix découlait de l’« idée maîtresse » qui avait présidé à la création de Sens commun :

« Cette idée maîtresse, c’est de peser de l’intérieur […]. On a donc cherché dans les candidats présidentiables celui qui était en capacité de le devenir, et qui avait à la fois des points de convergence et des points de cohérence. »

Malgré son début de campagne difficile, M. Fillon restait mieux placé qu’Hervé Mariton et Jean-Frédéric Poisson, tous deux en première ligne dans les manifestations contre la loi Taubira au début du quinquennat. François Fillon s’était également prononcé pour la suppression de l’adoption plénière pour les couples homosexuels, contrairement à Alain Juppé et à Nicolas Sarkozy.

Si les affaires de François Fillon ont suscité de nombreuses réticences au sein des Républicains en février, Sens commun n’a jamais failli dans son soutien au candidat. Au contraire, au plus fort de la contestation, Christophe Billan a promis sur CNews de mobiliser « l’ensemble de son réseau » pour faire du meeting du 5 mars de François Fillon au Trocadéro une « démonstration de force ». Et si celui-ci a été présenté – à grand renfort de chiffres exagérés – comme un succès par le camp Fillon, c’est certainement en grande partie grâce à Sens commun.

L’équipe de Sens commun

Equipe dirigeante actuelle

Christophe Billan. Président de l’association Sens commun depuis juin 2016, il en était auparavant secrétaire général. Très discret, il n’a pas d’engagement politique antérieur connu.

Madeleine de Jessey. Porte-parole et vice-présidente de Sens commun, elle a également cofondé en 2013 le collectif des Veilleurs, proche de La Manif pour tous. Elle devient secrétaire nationale de l’UMP chargée des programmes de formation en 2014, puis secrétaire nationale chargée de l’enseignement supérieur chez LR en 2016. Elle est également membre du bureau politique du parti.

Arnaud Le Clere. Vice-président de Sens commun, il est également conseiller régional LR d’Ile-de-France.

Gaspard Le Pomellec. Secrétaire général et cofondateur de Sens commun, il est par ailleurs avocat. En 2013, il signait un article contre le mariage entre personnes du même sexe sur le blog catholique « Terre de compassion ».

Marie Fatima Hutin. Cofondatrice et trésorière de Sens commun, elle fut l’une des Marianne de La Manif pour tous.

Hubert de Segonzac. Membre de Sens commun, il est également conseiller municipal LR de Paris et conseiller national du parti.

Anciens dirigeants

Sébastien Pilard. Président de Sens commun jusqu’en juin 2016, il était responsable Grand Ouest de La Manif pour tous. Il était en parallèle délégué national de l’UMP, chargé des relations avec les entrepreneurs, puis conseiller régional des Pays de la Loire à compter de décembre 2015. En novembre 2016, quelques mois après son départ de Sens commun, il s’est engagé pour Nicolas Sarkozy lors de la primaire de la droite.

Arnaud Boutheon. Cofondateur de Sens commun, il occupait entre novembre 2012 et mai 2013 la fonction de directeur de cabinet de Frigide Barjot, porte-parole de La Manif pour tous, selon Le Point.

Faraj Benoît Camurat. Cofondateur de Sens commun, il fut responsable des Jeunes Populaires (branche jeunes de l’UMP) entre 2010 et 2012, puis délégué de l’UMP pour la 2e circonscription de Haute-Loire.

Laura Motet Journaliste au Monde


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