Mélenchon attaqué tous azimuths par la presse conservatrice

dimanche 23 avril 2017.
 

Branle-bas de combat chez les éditorialistes : Mélenchon pourrait accéder au second tour ! L’offensive a donc été lancée : le candidat de la France insoumise serait un extrémiste, et ses électeurs des irresponsables.

Petits, ils avaient peut-être peur du noir. Désormais, c’est le rouge qui les effraie. Depuis que les sondages ont positionné Jean-Luc Mélenchon en troisième position, le candidat de la France insoumise subit les violentes attaques d’une partie des têtes d’affiche médiatiques, qui semble avoir subitement découvert son existence. Ruth Elkrief le déplorait lundi 10 avril sur BFMTV : « Jean-Luc Mélenchon n’est attaqué par personne, personne ne décrypte son programme ».

Voilà qui est fait : les éditorialistes sont sortis du bois pour « décrypter » le projet des Insoumis. La thématique principale a rapidement émergé : Jean-Luc Mélenchon serait un dangereux communiste qui ne dit pas son nom. Ainsi Bruno Roger-Petit enrage dans Challenges sur le « délirant projet castro-chaviste » ; les électeurs de Mélenchon ? Ils « se laissent bercer par le sentiment, […] se persuadent de sa bienveillance, sans comprendre que derrière le constat, il n’y a rien ». Mais par chance, les experts de C dans l’air sont ici pour éclairer le peuple. Comme Catherine Nay, d’Europe 1 : « On oublie son programme. Mélenchon donne à tout le monde : on augmente les minimas sociaux, c’est la distribution généreuse… Tous les frais médicaux sont remboursés, la cantine est gratuite pour tout le monde… » Comment un tel projet peut-il connaître le succès ?

Une seule explication possible : ses électeurs ne savent pas ce que Mélenchon avance. Bernard Sananès, de l’institut de sondage Elabe : « L’adhésion se fait avant tout sur la protestation que Jean-Luc Mélenchon exprime, peut-être pas sur les solutions qu’il propose ». Catherine Nay surenchérit, en mentionnant le discours de Mélenchon à Marseille le dimanche 9 avril : « Il y avait beaucoup de jeunes. Quand on leur parle de la paix, on est dans le Bisounours, aussi. Les enfants, euh, les jeunes, ils applaudissent à tout rompre ! » De là à dire que les électeurs de la France insoumise sont des ignares, il n’y a qu’un pas.

Le "Chavez français" : "Maximilien Ilitch Mélenchon"

La suite de la riposte est venue du Figaro. Le quotidien conservateur a sorti le bazooka antigauchistes dans son édition du mercredi 12 avril, avec un véritable réquisitoire contre « le délirant projet du Chavez français ». Commandée au service économique, la double page décline : un « big bang social d’un autre temps », un « coup de massue sans précédent » sur la fiscalité, ou, comble de l’horreur, des mesures « à la gauche de la gauche » sur l’immigration. Le Figaro nous prévient : Mélenchon, « c’est Cuba sans le soleil ». Les fins limiers du quotidien sont allés interroger des membres du MEDEF, qui leur ont assuré que « les entreprises ne créeront pas les 2 millions d’emplois promis en cinq ans par Mélenchon ». Le quotidien possédé par Serge Dassault s’alarme : ce que Mélenchon veut, c’est « un mix du programme commun de la gauche en 1981 et du projet inédit du Front populaire en 1936 ». Ciel, la gauche serait donc de gauche… Et le Figaro de s’inquiéter des « vives réactions sur les marchés financiers ».

Le coup de grâce vient de l’éditorial de une, subtilement titré « Maximilien Ilitch Mélenchon » (en référence à Robespierre et Lénine). Paul-Henri du Limbert en est certain, Jean-Luc Mélenchon ferait « la même réponse que Georges Marchais jadis à propos de l’URSS : ‘’un bilan globalement positif !’’ ». Nul doute que si l’Union soviétique existait encore, ses chars défileraient bientôt sur les Champs Elysées.

Allons, n’est-ce pas un peu caricatural de faire passer Jean-Luc Mélenchon pour un dangereux bolchévik ? Au Figaro, on répond que ce dossier est « ce qui est attendu de la part du grand quotidien national de droite ». L’objectif : remobiliser l’électorat de François Fillon, mais également cette « part mouvante » qui hésiterait entre Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan.

Effet secondaire inattendu : cette charge médiatique pourrait bien légitimer Mélenchon, hissé par le Figaro au rang de rival majeur. De quoi convaincre qu’il est le vrai candidat de la gauche ? Les principaux soutiens du candidat ne se sont pas offusqués des attaques, et ont relayé sur Twitter des messages parodiant les outrances de leurs opposants. Avec le mot-dièse #ParleCommeLeSysteme, les partisans de la France insoumise profitent de cette séquence pour renforcer à peu de frais leur image « antisystème ».

La grossièreté de certaines attaques ne doit toutefois pas faire perdre de vue un danger pour Jean-Luc Mélenchon : un candidat est jugé avec bien plus de sévérité à 18% dans les sondages qu’à 10%. Le programme « L’Avenir en Commun » sera scruté avec attention, et le risque que sa radicalité effraie une partie de l’électorat modéré existe. Jean-Luc Mélenchon va désormais devoir jouer la partition de l’outsider, plus complexe que celle du contestataire.

Hadrien Mathoux


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