Jean-Luc Mélenchon interviewé par la rédaction du magazine Elle

samedi 15 avril 2017.
 

Parité, harcèlement, violences conjugales, IVG, PMA... C’est au tour du candidat de la « France insoumise » de répondre à nos questions sur les droits des femmes. Interview.

Il arrive en retard à son QG, dans un immeuble banal à deux pas de la gare du Nord. En manque de sommeil et de silence, ses «  ressources vitales  », Jean-Luc Mélenchon prend place dans un bureau sans coquetterie, café à la main, et se lance. Plus féministe qu’attendu, soucieux des libertés individuelles, sensible aux souffrances muettes des femmes.

ELLE. Serez-vous un président féministe  ?

Jean-Luc Mélenchon. Oui, c’est dans le programme génétique de ma famille politique. Nous sommes les héritiers de la grande révolution, qui à l’époque n’a pas donné le droit de vote aux femmes. Nous avons donc encore une dette intellectuelle à leur égard  !

ELLE. À quand remonte ce déclic féministe  ?

Jean-Luc Mélenchon. Je le dois à un personnage extraordinaire  : Colette Audry, prof de lettres proche de Simone de Beauvoir. Elle avait plus de 70 ans, moi à peine 30, le jour où elle m’a pris à part, alors que j‘étais sur une ligne universaliste un peu abstraite – «  les hommes et les femmes, c’est pareil, des citoyens  ». Elle m’a expliqué ce qu’était le patriarcat, et j’ai soudain compris les ressorts parfois invisibles de cette domination.

ELLE. Et depuis  ?

Jean-Luc Mélenchon. Vous devez tenir compte de mon âge et de mon origine culturelle  : je suis un Méditerranéen né au milieu des années 1950. À l’époque, les petits garçons étaient les rois de la maison. J’ai eu, au cours de ma vie, à me déconstruire pour me reconstruire autrement. Dans ce parcours, je peux aussi citer Élisabeth Badinter, que j’admirais énormément… Même si elle m’a un peu déçu au moment du vote de la loi sur la parité, puisqu’elle y était opposée au nom de cette vision universaliste qui, à mon sens, nie la structure même du patriarcat. Et puis, au PS, j’ai rencontré Laurence Rossignol, qui nous avait contraints à la parité dans toutes nos instances. Aujourd’hui, tout est paritaire autour de moi. Je ne supporte plus les assemblées composées uniquement d’hommes, j’y vois quelque chose de malsain.

ELLE. Etre féministe pour vous, c’est aussi être de gauche ?

Jean-Luc Mélenchon. Bien sûr. La condition sociale des femmes contribue de manière très forte à la structure d’exploitation et de domination de la société. Le patriarcat est une structure mentale, intellectuelle et culturelle qui conduit la victime à consentir à l’ordre. Il est donc une manière d’organiser l’ordre social, et de le faire perdurer, en même temps que le travail gratuit ou moins payé… Par des gens qui pensent que c’est naturel, et qui y consentent. Toutes les sociétés d’exploitation et de domination ont besoin du consentement des dominés. Les dominants ont besoin d’installer des chaines dans la tête des gens.

ELLE. Comment faire pour changer les choses ?

Jean-Luc Mélenchon. J’ai longtemps cru que l’on pouvait compter sur les mœurs, mais depuis le débat sur la parité, je ne le crois plus du tout. Nous sommes obligés de nous appuyer sur la loi et la violence légitime qu’elle contient pour obliger les récalcitrants à obéir.


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