Notation  : l’agence Moody’s veut punir l’Espagne

dimanche 24 octobre 2010.
 

Au lendemain d’une grève massive, 
l’agence de notation américaine annonce une dégradation de 
la note du pays. Madrid (Espagne), envoyé spécial.

Les marchés financiers ont donné hier leur propre appréciation de la réussite de la grève générale espagnole de mercredi à l’appel des syndicats. Alors que les milieux patronaux, la droite espagnole et la plupart des journaux assurent que le mouvement a été « un échec », l’agence de notation américaine Moody’s vient de rendre public son propre jugement en retirant sa note maximale AAA à l’Espagne, appelant les investisseurs de la planète à punir le peuple espagnol, coupable de résistance, en rendant ainsi plus chères les conditions du crédit à l’économie espagnole.

Que cette appréciation intervienne au lendemain d’une grève massive et le jour même de la présentation devant le Parlement par le gouvernement socialiste d’un budget de super-austérité ne doit rien au hasard. Les grandes places financières veulent les oreilles et la queue du taureau espagnol jugé trop remuant en son arène. Les raisons invoquées par l’agence de notation méritent quelques ruades. Pour justifier son appréciation, elle invoque les « faibles perspectives de croissance du pays », estimée à 1% par an en moyenne. Autrement dit, elle reproche à l’Espagne la faiblesse de son activité alors que celle-ci est justement due aux mesures d’austérité et de soutien aux profits qu’elle réclame  !

L’agence nous fait savoir cependant que « la détermination du gouvernement à réduire à court terme son déficit public est un facteur important dans la décision de Moody’s de limiter la dégradation de la note de seulement un cran et d’attribuer une perspective stable ». L’appréciation apparaît ainsi pour ce qu’elle est  : à la fois un vulgaire chantage et une absurdité. Le budget présenté jeudi au Parlement est « le plus austère de ces dernières années », a prévenu la ministre de l’Économie, Elena Salgado. L’objectif premier est de réduire le déficit public de 11,1% du PIB à 3% en 2013. Pour cela, il est prévu une diminution de 7,9% des dépenses de l’État, hors dépenses financières. Comment dans ces conditions sera-t-il possible à l’Espagne de retrouver le chemin de la croissance  ?

Le comble est que Moody’s et les autres agences de notation internationales prétendent obtenir une baisse de la dépense publique alors que ce dont souffre le plus l’économie espagnole est un endettement extérieur considérable du secteur privé, des entreprises de la construction et de l’immobilier et des banques. La dette publique ne représente que 20% de la dette extérieure totale du pays. Moody’s veut faire payer aux Espagnols le prix d’une spéculation immobilière qui, si elle a mis le pays à genoux, a enrichi les grands groupes et les gros investisseurs espagnols et… internationaux.

Pierre Ivorra, L’Humanité


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