Programme de Jean-Luc Mélenchon : L’argent maîtrisé au service du progrès humain

jeudi 23 mars 2017.
 

- 1. La réforme fiscale au coeur du projet

- 2. Lutter contre la pauvreté, redistribuer les richesses

- 3. Une ambition nouvelle pour les services publics

- 4 Urgence écologique  : 50 milliards d’investissements

Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la France insoumise, a présenté le chiffrage d’un programme qui fait la part belle à l’investissement public.

Dès la première page, l’austérité imposée par François Hollande de 2012 à 2017 en prend un coup, avec l’annonce d’une hausse de la dépense publique de 173 milliards d’euros couplée à un plan d’investissement de 100 milliards d’euros sur cinq ans. «  Nous voulons injecter une masse suffisante pour relancer la machine dans des conditions écologiquement responsables. Nous voulons provoquer un choc d’activité  », explique Jean-Luc Mélenchon. Selon une vision très keynésienne, cela permettra de créer de la richesse, et de l’emploi. Le Fonds monétaire international lui-même considère aujourd’hui que 1 euro d’argent public investi dans l’économie réelle rapporte 2 à 3 euros au niveau de l’activité et des recettes publiques. La France insoumise, elle, table sur «  l’hypothèse prudente  » d’un multiplicateur de 1,4. «  Les recettes publiques, à terme, augmenteront de 4,6 points de PIB, soit 190 milliards d’euros  », précise-t-elle. En cinq ans, la création d’au moins 3 millions d’emplois permettra de faire baisser le chômage de 9,7 à 6,2 % (deux millions d’emplois sont attendus dans le secteur marchand, 420 000 dans le public, 440 000 en emplois aidés et enfin 820 000 en contrats coopératifs, l’État étant ici employeur en dernier ressort). Ce n’était pas «  un objectif premier  », mais ce plan, selon les projections présentées, amènerait à un déficit public à 2,5 % du PIB en 2022 (après un passage à 4,8 % en 2018), soit sous la barre obsessionnelle des 3 % fixée par Bruxelles. La dette publique passerait, elle, de 98 % en 2016 à 87 % en 2022. La France insoumise (FI) s’attend aussi à une inflation moyenne de 4,2 % accompagnée d’un gain en pouvoir d’achat de six points.

1. La réforme fiscale au coeur du projet

Les dépenses seraient compensées par 190 milliards de recettes nouvelles, dont 33 milliards issus de nouveaux «  prélèvements obligatoires  », qui passeront de 45 % actuellement à 49,1 %. L’orientation vise à mettre davantage à contribution les plus riches. Sont ainsi prévus une taxe «  grand luxe  » qui rapporterait 5 milliards d’euros supplémentaires, le renforcement de l’ISF et des droits de successions pour 3 milliards, une «  imposition des hautes transactions immobilières  » pour 5 milliards, une taxe sur les transactions financières pour 5 milliards également, mais aussi 10 milliards de nouvelles recettes issues de la réforme fiscale. Parmi les mesures phares, figurent la progressivité accrue de l’impôt sur le revenu avec la mise en place de 14 tranches (contre 5 aujourd’hui), ou encore l’instauration d’un «  revenu maximum autorisé  » avec «  100 % d’impôt pour la tranche au-dessus de 20 fois le revenu médian  ». À ces recettes s’ajoutent 30 milliards que rapporterait la lutte contre l’évasion fiscale (via notamment «  l’impôt universel  »). Les entreprises seraient également concernées par une nouvelle fiscalité. À commencer par une baisse de 8 points de l’impôt sur les sociétés (IS), de 33 à 25 %. L’objectif  ? Que les grandes entreprises paient davantage, quand les PME et les TPE paieraient moins. L’imposition des «  revenus du capital  » est prévue à la même hauteur que ceux du travail par une «  assiette large et unifiée  ». Les allégements dont ont bénéficié les entreprises sous le quinquennat Hollande seraient revus, à commencer par le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice), qui a fait la preuve de son inefficacité. Les 21 milliards du pacte de responsabilité, qui comprend le Cice, seront réorientés vers un «  fonds de solidarité interentreprises  » pour soutenir les TPE et les PME, abondé de 3 milliards d’euros venus de «  l’augmentation de la contribution additionnelle sur les dividendes  ». Autre facette fiscale  : les taxes liées au «  protectionnisme solidaire  », dont la taxe kilométrique, dont les recettes sont estimées à 1 milliard d’euros.

2. Lutter contre la pauvreté, redistribuer les richesses

Pour l’économiste Guillaume Etiévant, il s’agit d’un nouvel «  arbitrage  ». L’ambition affichée par la France insoumise  : « l’augmentation générale des salaires  ». Deux possibilités pour y arriver, a détaillé l’économiste  : pour le privé, augmenter le Smic. Cela concerne «  entre 3 et 4 millions de salariés  » et amènerait le Smic à 1700 euros brut, 1326 euros net, soit «  173 euros de plus par mois  ». La mesure coûterait 7 milliards d’euros annuels, mais la France insoumise estime que «  85 %  » de cet argent retournerait «  dans l’économie réelle  » par la consommation. Pour le public, l’amélioration passerait par la revalorisation du point d’indice, de 6,7 %. Cette mesure est chiffrée à 14 milliards d’euros, compensés selon les mêmes effets sur la consommation. Ces points du programme appellent à réunir une «  conférence nationale sur les salaires », envisage Jean-Luc Mélenchon, pour renégocier les grilles salariales avec les organisations syndicales et patronales, branche par branche.

La redistribution des richesses doit aussi être mise en place dans l’entreprise. La proposition, reprise du programme du Front de gauche de 2012, L’Humain d’abord, d’une «  limitation de 1 à 20 des salaires  », n’est pas préjudiciable aux «  petits patrons  » qui gagnent «  en moyenne 4 000 euros  », explique Jean-Luc Mélenchon.

Lutter contre la pauvreté participe de cette redistribution. Avec la création de 38 000 places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (évaluée à 700 millions d’euros), et la construction de 200 000 logements par an (18 milliards d’euros), ce sont vers les 4 millions de Français mal logés que la France insoumise se tourne. Mais au-delà, 14 millions de nos compatriotes «  fragilisés par la crise du logement  », seront bénéficiaires d’une «  baisse de 100  uros par mois  », estime-t-on à FI, grâce à la «  gratuité de l’eau et des énergies vitales  », à celle «  de la cantine et des transports scolaires  », aux soins «  100 % remboursés (mutuelles intégrées à la Sécu)  » et de la «  baisse de la TVA sur les produits de première nécessité  ».

La jeunesse, en première ligne face à la précarité, n’est pas oubliée. L’extension du RSA aux jeunes adultes et son automaticité coûteront 20 milliards d’euros. Mais comme le service civil rémunéré à 18 ans, la mesure phare en direction de la jeunesse, l’allocation d’autonomie n’a, quant à elle, pas été chiffrée. Elle représenterait «  800 euros par mois  », sur 12 mois contre 10 aujourd’hui (parce que «  la précarité ne prend pas de vacances  »), « sous conditions de ressources  ».

3. Une ambition nouvelle pour les services publics

Les ambitions pour la jeunesse passent évidemment par l’éducation, premier des services publics auxquels sont confrontés les Français. Paul Vannier, enseignant qui a rédigé le cahier Éducation de la France insoumise détaille la «  scolarité obligatoire de 3 à 18 ans  » pour une «  augmentation du niveau de qualification  » des Français. La mesure coûterait 2 milliards d’euros, mais concernerait 350 000 élèves. Les familles ne seraient pas sollicitées  : l’État assurerait (pour 5,2 milliards d’euros) la gratuité totale. Les conditions d’enseignement, en revanche, seraient améliorées, par un plan de 3,1 milliards d’euros  : embauche de 60 000 enseignants en cinq ans et réduction du nombre d’élèves par classe, remise en place des Rased, renforcement des dispositifs «  plus de maîtres que de classes  », mais aussi «  revalorisation de la carrière enseignante  ». Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche aussi serait revalorisé de 4,6 milliards d’euros.

Et parce que les services publics accompagnent les Français tout au long de leur vie, la France insoumise promet un effort sans précédent en leur direction  : plan «  zéro obstacle pour l’accessibilité des personnes en situation de handicap (10 milliards), 50 000 places supplémentaires en maison de retraite (5 milliards), sans oublier la construction de nouveaux lycées professionnels (500 millions d’euros), la rénovation des universités et la construction de logements étudiants (2 milliards), la rénovation des prisons et tribunaux (500 millions), mais aussi la couverture du territoire en très haut débit (2 milliards) participent de cet accompagnement.

4 Urgence écologique  : 50 milliards d’investissements

C’est la moitié des 100 milliards d’euros consacrés à l’investissement qui devrait être tournée vers «  l’urgence écologique  ». 50 milliards d’euros déployés autour de trois postes de dépenses  : un plan «  100 % d’énergies renouvelables  » financé à hauteur de 25 milliards d’euros qui doit permettre de compenser la sortie du nucléaire  ; un programme d’isolation thermique de 700 000 logements pour 20 milliards d’euros ; et enfin un plan ferroutage (combinant rail et route) de 5 milliards. À partir d’un diagnostic établissant que «  20 % des exploitants perçoivent 80 % des aides  » et qu’un «  tiers des agriculteurs vivent avec moins de 354 euros par mois  », FI propose d’inverser la vapeur et de favoriser l’agriculture paysanne. À travers le «  redéploiement  » de «  9,1 milliards d’euros de la PAC  » et la réorientation de «  1,9 milliard d’euros de réorientations des crédits nationaux  », il s’agit d’arriver à 300 000 emplois supplémentaires. Plus largement, les crédits de la politique agricole commune poursuivraient de nouveaux objectifs  : le «  financement du coût de la transition  », la «  rémunération des services fournis à la société par l’agriculture écologique  », le «  soutien aux revenus et à l’installation  », et «  l’accès de tous à une alimentation de qualité ».

Julia Hamlaoui, Grégory Marin et Aurélien Soucheyre, L’Humanité


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