Henri de Castries, inspirateur de luxe de François Fillon

vendredi 20 janvier 2017.
 

L’ancien PDG d’Axa, figure du capitalisme français, tient une place de choix dans l’entourage de François Fillon, dont il aurait fortement influencé le programme économique. Retour sur le parcours du comte de Castries, dont les réseaux patronaux comptent bien peser sur la présidentielle.

Souvenez-vous bien de ce nom  : M. le comte Henri de La Croix de Castries. Plus connu sous le patronyme d’Henri de Castries. Il n’apparaîtra peut-être pas tout de suite sur l’organigramme officiel de François Fillon, mais l’ancien patron d’Axa, figure du capitalisme français, pourrait jouer un rôle déterminant dans la campagne de la droite pour 2017. Ce fervent catholique, marié à l’une de ses cousines, est l’un des visages de ce que le député de la Sarthe ose appeler « la société civile ». Et il tient d’ores et déjà une place de choix dans l’entourage proche de François Fillon, usant notamment de ses réseaux patronaux pour récolter des fonds, comme lors du cocktail organisé à son invitation au Links Club de New York devant un parterre de banquiers et de chefs d’entreprise, en septembre. Le candidat à l’Élysée penserait même à lui pour Bercy, lâchant, le mois dernier lors d’un meeting à Caen  : « Ce serait quand même formidable d’avoir un ministre de l’Économie qui soit reconnu comme compétent dans son domaine »… Celui d’Henri de Castries, outre son immense château de Gâtines, c’est le profit. À la tête du géant français de l’assurance pendant dix-sept ans, ce fils du roi Bébéar a su engranger de mirifiques bénéfices. En 2014, il a touché environ 5,4 millions d’euros de rémunération globale, faisant de lui le 7e patron du CAC 40 le mieux payé cette année-là, selon le classement Proxinvest. Quant au bilan de son entreprise  : plus de cinq milliards d’euros de bénéfices l’an dernier, au prix de compression du personnel, de nombreux licenciements et d’une pratique assumée du dumping social. Seul le suicide d’un de ses collaborateurs en 2003 qui s’était immolé par le feu devant le siège de l’entreprise viendra égratigner l’image du chouchou de Pierre Gattaz, qui aime à le décrire comme un « formidable capitaine d’industrie ». Ces pratiques de harcèlements, de discriminations ou même de licenciements pour fautes graves montées de toutes pièces ont été confirmées par de nombreuses décisions de justice. Mais il en faut plus pour déstabiliser le patron de sang bleu, désigné cinquième personnalité française la plus influente du monde par le magazine Vanity Fair en 2013.

Il a œuvré en coulisses pour la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007

Car le comte de Castries a su faire fructifier ses réseaux. D’abord ceux de sa famille, figure emblématique de la vieille noblesse française, qui compte de nombreux militaires de carrière. Son père, le colonel François de Castries, fut aux commandes du camp retranché de Diên Biên Phu lors de la guerre d’Indochine en 1954, avant d’officier en Algérie. En 1979, lui-même capitaine de paras réserviste, le jeune Henri de Castries choisit finalement de partager les bancs de l’ENA avec d’autres illustres camarades de la promotion Voltaire  : Villepin, Hollande, Royal, Jouyet ou encore Donnedieu de Vabres. De ses années dans la haute fonction publique, et notamment au Trésor, Henri de Castries garde de « bons souvenirs »  : « Il y a eu la privatisation de la CGE (devenue Alcatel – NDLR). Mais la plus drôle c’était TF1, jubilait-il en 2000 dans les colonnes de Libération. Nous avions une nuit pour trouver le moyen d’introduire en Bourse une société qui avait un actif net négatif. » On a de l’humour chez les de Castries. Ainsi, celui dont le salaire annuel représente 310 années de Smic n’hésite pas, régulièrement, à expliquer combien le salaire minimum est beaucoup trop élevé en France.

Fait chevalier de la Légion d’honneur et officier de l’ordre national du Mérite sous Sarkozy en 2008, le patron d’Axa, devenu président du très libéral Institut Montaigne à l’été 2015, a toujours gardé un pied en politique. Peu le savent, mais il fut même élu sans discontinuer de 1983 à 2001 conseiller municipal d’Abitain, dans les Pyrénées-Atlantiques. Après avoir œuvré en coulisses pour la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 (celui-ci lui aurait alors proposé Bercy), il s’est ensuite rapproché de son ancien camarade de promotion François Hollande, faisant un joli chèque à l’association Répondre à gauche pour financer sa campagne de 2012. « Les mystères du départ d’Henri de Castries », titrait le magazine Challenges en mars dernier après l’annonce de sa démission d’Axa. On ne doute plus aujourd’hui de la manière dont le châtelain d’Anjou a pu occuper ses journées, entre sa passion pour Hyacinthe Rigaud, le peintre des rois, ses fauteuils au conseil d’administration de Nestlé et HSBC pour arrondir les fins de mois difficiles et l’écriture du programme économique de François Fillon, qu’il a également aidé à renforcer ses contacts dans les milieux patronaux. À commencer par intégrer l’ancien premier ministre au groupe Bilderberg, qu’il préside depuis 2011, club ultrasélect des puissants de ce monde, sorte de cénacle du capitalisme planétaire. De là à en déduire que l’ex-PDG de la plus grosse compagnie d’assurances de France n’est pas pour rien dans le projet de privatisation de la Sécurité sociale…

Maud Vergnol, L’Humanité


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