États-Unis L’angoisse d’un empire émoussé

jeudi 1er décembre 2016.
 

La montée des pays émergents et le désastre de l’invasion de l’Irak ont affecté l’hyperpuissance.

L’angoisse que l’empire ne parvienne plus autant que jadis à imposer sa loi sur un monde globalisé ou confronté aux diverses menaces terroristes a resurgi à maintes reprises dans la campagne de la présidentielle. Hillary Clinton a juré de rétablir le leadership ébranlé. Donald Trump a cultivé à plaisir la nostalgie d’un âge d’or aujourd’hui révolu, a-t-il dit, « par la faute de l’incompétence de l’establishment ». Il est ainsi suggéré une époque « bénie » où la domination exercée sur l’extérieur par l’Oncle Sam aurait correspondu, à l’intérieur, à des périodes de prospérité pour tous. Ce discours rapproche le déclassement social, ressenti ou craint par de nombreux citoyens, d’un hypothétique déclassement international du pays. Le procédé qui appartient au répertoire classique des tribuns nationalistes permet opportunément de détourner l’attention des dérégulations libérales, que le milliardaire voudrait manier avec la plus grande brutalité alors qu’elles sont au cœur des souffrances populaires. À charge de faire endosser les responsabilités à d’autres : l’étranger, le musulman, le migrant mexicain ou… une « puissance commerciale étrangère déloyale » comme la Chine. Loin de l’avènement d’un monde multipolaire

Une telle manipulation de l’angoisse d’un retrait de la domination impériale du pays fonctionne d’autant mieux qu’elle correspond à d’indéniables évolutions des rapports de forces planétaires. Les États-Unis ont perdu leur stature d’hyperpuissance incontestable, qu’ils affichaient au début des années 1990, après l’effondrement de l’URSS. Au plan économique, leur suprématie est contestée par les pays émergents et singulièrement par la Chine, devenue entre-temps l’un des tout premiers acteurs mondiaux. Au plan militaire, ils possèdent certes toujours de très loin la première armée de la planète. Mais l’invasion de l’Irak, au début de la dernière décennie, a agi comme un boomerang. Washington a dû accroître son endettement, déjà abyssal, pour financer une expédition qui a tourné au ­désastre, contribuant à l’émergence de Daech dans la région, alors même qu’elle fut officiellement déclenchée sous prétexte de mettre à genoux le régime de Saddam Hussein, accusé de… soutenir le terrorisme.

Ce fiasco géostratégique a alimenté le doute sur le bien-fondé à multiplier les interventions et la crédibilité de l’Oncle Sam sur certains théâtres extérieurs. D’où la relative retenue de Barack Obama en Syrie. On est toujours très loin de l’avènement d’un monde multipolaire. Mais le standing de l’empire s’effrite. B. O.

Bruno Odent Journaliste, L’Humanité


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